Élections tchadiennes : des couacs dans les kits
Grâce au premier recensement biométrique des électeurs, les contestations seront-elles moins nombreuses à l’occasion des prochains scrutins ? Rien n’est moins sûr.
Où va le Tchad ?
Idriss Déby Itno va briguer un cinquième mandat à la tête de son pays. Qu’en a-t-il fait pendant ses 25 ans de pouvoir ? Plongée au coeur d’un grand pays pauvre et stratégiquement majeur dans la région.
Un nombre de « kits » (appareils de recensement biométrique) insuffisant. Des groupes électrogènes qui tombent en panne dans une petite commune de brousse et bloquent les enregistrements pendant plusieurs jours. Un équipement qui prend feu avant d’avoir été utilisé. Des villages qui attendent toujours la venue de l’agent recenseur… La campagne de recensement biométrique des électeurs, qui devait être réalisée entre le 26 octobre et le 9 décembre, a finalement été prolongée d’une semaine. Au grand dam de certains hommes politiques qui en réclamaient plutôt trois pour compenser les couacs et les retards, brocardant vertement la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et la société française Morpho (groupe Safran), chargée de déployer quelque 2 300 « kits d’enrôlement » à travers le pays pendant toute la durée des opérations.
Le principe d’un fichier biométrique des électeurs a été retenu dans l’accord politique d’août 2007, à la demande de l’opposition. Mais la guerre de 2008 et les négociations entre partis qui ont suivi n’ont pas permis d’organiser le processus d’inscription. En 2010, les différents partis ont accepté par consensus que, faute de temps, ce fichier ne concerne ni la présidentielle ni les législatives de 2011.
Revendiqué par tous depuis des années, le recensement biométrique aura enfin été réalisé, et la nouvelle liste électorale sera donc prête pour le scrutin présidentiel de 2016. Le 8 décembre, veille de la date initialement prévue pour la clôture des opérations de recensement, la moyenne des électeurs enrôlés (c’est-à-dire enregistrés selon les normes biométriques pour être inscrits sur la nouvelle liste électorale) frôlait 70 % sur l’ensemble du territoire. Le même jour, ce taux dépassait 120 % à N’Djamena, où les files d’attente devant les centres de recensement étaient toujours aussi longues.
La Ceni contestée
De nombreuses voix s’élèvent pour dire que la Ceni s’est trompée dans ses projections concernant le nombre des électeurs à enregistrer dans la capitale, établies sur la base du recensement général de la population réalisé en 2009.
On reproche aussi à la commission une mauvaise répartition des kits de recensement. « Comment expliquez-vous, par exemple, que le 7e arrondissement de N’Djamena, le plus grand et le plus peuplé de la capitale, ne dispose que d’une cinquantaine de kits ? » s’interroge un membre de la majorité. Le député d’opposition Gali Ngothé Gatta tempère : « La biométrie est nouvelle pour tout le monde. Il a fallu aller sur le terrain pour se rendre compte de la difficulté de l’exercice, qui comporte malheureusement nombre d’impondérables… »
La liste de ces « impondérables » n’est sûrement pas close. Car, entre l’affichage des listes électorales provisoires, puis des listes définitives (à la mi-janvier 2016), la distribution des cartes d’électeur, le décret de convocation de ces derniers (prévue le 24 février) et, évidemment, le déroulement du scrutin présidentiel, il pourrait y avoir dans les mois à venir encore quelques retards, contestations et revendications. À commencer par la présence de kits de contrôle dans les bureaux de vote, toujours pas assurée et que l’opposition réclame.
« Il n’y a pas d’élections sans biométrie, et pas de biométrie sans kits d’identification », rappelait la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC), le 24 octobre, dans un communiqué. Selon le gouvernement, le pays n’a malheureusement pas les moyens de s’offrir ces kits supplémentaires. Décidément, malgré le passage à la biométrie, les polémiques électorales sont loin de s’éteindre.
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