Tchad : la success-story du miel des ruches de Koumra

Dans le Mandoul, à 700 km au sud de N’Djamena, plus de 500 apiculteurs, regroupés en coopérative, récoltent et exportent un nectar très prisé dans le pays. Et même au-delà.

Les abeilles installées
             
            
dans les vergers
             
            

            
              
            
          favorisent la pollinisation. © MADJIASRA NAKO POUR J.A.

Les abeilles installées dans les vergers favorisent la pollinisation. © MADJIASRA NAKO POUR J.A.

Madjiasra Nako

Publié le 30 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Où va le Tchad ? © Philippe Desmazes/AFP
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C’est l’histoire d’un projet de verger qui a mal tourné. Il y a quelques années, un groupe d’amis se lança dans la plantation de manguiers et de citronniers. Mais une fois arrivés à maturité, les arbres du verger avaient un rendement si faible que les membres du groupement des arboriculteurs-éleveurs (Gael) conclurent, découragés, qu’ils ne rentreraient jamais dans leurs frais. C’est alors qu’un bon génie leur conseilla de tenir bon une année encore et d’implanter quelques ruches traditionnelles dans les manguiers. Le résultat les surprit tous. La production des arbres fit un bond. Les ruches se remplirent de miel. Nous sommes en 2008, au tout début de l’aventure de la coopérative du Gael.

L’or blond du Gael

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Une ONG française ayant eu vent de cette petite success-story se propose alors d’aider la société en lui offrant 25 ruches kényanes. L’expérience est concluante, et les heureux échos provenant du Gael se répandent dans la vallée du Mandoul, où nombre d’éleveurs et d’agriculteurs s’adonnent déjà à la récolte de miel en complément d’activité. Plusieurs groupements villageois demandent à adhérer à la coopérative, qui, contre une cotisation de 10 000 F CFA (environ 15 euros), leur offre formation et équipement : chaque producteur reçoit quelques ruches pour améliorer sa production, une combinaison et un enfumoir – lequel permet d’éviter l’odeur âcre qui persiste dans le miel avec la méthode traditionnelle de récolte.

Leur rayon d’action couvre désormais 120 km autour de Koumra

Dans les villages, c’est l’émulation. Des campagnes d’achat de miel sont organisées. Les paiements se font en cash, ce qui rappelle la belle époque du coton, quand « l’or blanc » se négociait directement auprès des producteurs. Et les collecteurs du Gael vont de plus en loin pour acheter toujours plus d’or blond. Leur rayon d’action couvre désormais 120 km autour de Koumra, et la production est passée de 2 tonnes en 2012 à 15,5 t en 2015. La coopérative compte aujourd’hui 525 adhérents, qui se réjouissent de ne plus être soupçonnés de braconnage par les agents des Eaux et Forêts. « Il suffit de leur montrer notre carte d’adhésion à la coopérative, et ils savent que nous n’avons pas détruit la nature pour récolter notre miel », témoigne Paul Ngarbaye.

C’est à l’entrée sud de Koumra (en venant de la capitale), dans un vaste domaine de 12 ha planté de manguiers et de karités, que le miel collecté dans toute la région arrive sous sa forme brute, transporté en bidons.

Une renommée internationale

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Il est alors traité, conditionné dans des pots de différentes tailles, puis acheminé à travers le pays et même vers l’étranger. La coopérative est devenue le fournisseur des principaux supermarchés et hôtels de la capitale, et elle est représentée dans les plus grandes villes tchadiennes, notamment Sarh, Moundou et Abéché, où l’on peut trouver son miel et ses produits dérivés. Le Gael reçoit des commandes en provenance des États-Unis, de France, de Jordanie et d’Arabie saoudite. « La particularité de notre miel est d’être d’origine arboricole et non florale, comme ceux que l’on trouve le plus fréquemment », explique fièrement Yamidjimte Ndigeudal Roi, responsable de la coopérative.

Depuis cette année, la coopérative doit voler de ses propres ailes et assumer le coût du packaging et de l’étiquetage

Le conditionnement reste le plus grand défi relevé. L’ONG Uni Vers Tchad a, depuis la France, subventionné pendant plusieurs années l’achat et l’acheminement des pots. Mais, depuis cette année, la coopérative doit voler de ses propres ailes et assumer le coût du packaging et de l’étiquetage. Cela s’est évidemment ressenti dans les comptes, et le Gael essaie de rationaliser ses approvisionnements et de trouver de nouveaux partenaires. « Nous avons pris des contacts du côté du Cameroun », confie Yamidjimte Ndigeudal Roi.

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Mais, pour celui qui siège désormais au Comité africain des arboriculteurs, l’enjeu immédiat ne concerne pas l’international. « Il faut d’abord bien couvrir le territoire national, plaide-t-il. Et nous devons créer une structure faîtière qui regroupe les neuf régions du Tchad productrices de miel. » Son objectif est d’organiser une vraie filière apicole pour mieux exploiter le potentiel du pays.

En attendant, sur une partie du domaine de Koumra, la coopérative fait pousser un champ de tamariniers et un autre d’eucalyptus. « Nous éliminerons ensuite les autres arbres de la zone pour n’y laisser que ces deux essences, ce qui nous permettra de produire des miels unifloraux, très appréciés », explique Yamidjimte. Et de nouvelles variétés de miels made in Koumra…

TOUT EST BON DANS LA RUCHE

« Dans le miel, rien ne se perd », martèle-ton à Koumra. En dehors d’une consommation classique, le blond nectar est aussi transformé en une bière traditionnelle que l’on appelle ici « sans maman ». Parce que « quand tu en bois, tu peux arriver à ne pas reconnaître ta mère ! » explique un jeune apiculteur en riant. « En tout cas, c’est plus sain que les produits psychotropes venus du Nigeria, qui nous envahissent », ajoute un vieil homme.

Le miel peut également être distillé pour devenir liqueur : une eau-de-vie parfumée et sucrée, dont le titrage en alcool s’élève tout de même à 40 degrés. Last but not least, la cire récoltée dans les ruches entre dans la composition de produits de maquillage ou sert à fabriquer des bougies. Et, une fois la cire extraite, les résidus sont transformés en biogaz.

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