Mode : J-Rabel, ancien élève d’Alphadi aujourd’hui styliste de référence au Tchad
Sa famille le destinait à une carrière scientifique, mais c’est dans la couture que Jérémie Ngarbey Mianrabel, alias J-Rabel, a trouvé sa voie. Et celle du succès.
Où va le Tchad ?
Idriss Déby Itno va briguer un cinquième mandat à la tête de son pays. Qu’en a-t-il fait pendant ses 25 ans de pouvoir ? Plongée au coeur d’un grand pays pauvre et stratégiquement majeur dans la région.
Dans son atelier, installé au cœur d’une discrète maison du 7e arrondissement de N’Djamena, le styliste est en train d’achever la coupe des tenues des candidates de la finale de Miss Tchad 2016, prévue fin décembre. Dans l’angle de la pièce, où travaillent une dizaine de personnes, sont rangées des chemises noires et blanches, une nouvelle collection que le couturier espère lancer sous peu. En attendant, la priorité de Jérémie Ngarbey Mianrabel, alias J-Rabel, est que tout soit fin prêt pour l’élection de Miss Tchad, l’un des rares événements consacrés à la mode dans le pays et qu’il a contribué à lancer en 2007.
Né en 1973 dans le sud du pays, Jérémie Ngarbey Mianrabel est en classe de cinquième lorsqu’il se prend de passion pour la mode, grâce à la machine à coudre de sa sœur aînée, laquelle finit par l’inscrire en apprentissage alterné chez Neis Couture, un atelier très en vue d’Ardep-Djoumal, un quartier de N’Djamena. « Ma sœur devait payer 10 000 F CFA [environ 15 euros] par mois pour que je puisse y travailler. Mais, après trois mois, j’étais déjà rentable pour l’atelier. J’y passais des nuits entières… et cela se ressentait sur mes résultats scolaires ! » se souvient J-Rabel.
Pour lui permettre de poursuivre ses études, on l’éloigne des machines à coudre. C’est à Sarh qu’il va poser ses valises, le temps de décrocher le baccalauréat, en 1998. Après avoir hésité à s’inscrire en médecine, le jeune homme entame des études d’électromécanique à Cotonou (Bénin), mais le coup de foudre espéré ne se produit pas. « En classe, je dessinais des vêtements, raconte-t-il. Aussi, au bout de quelques mois, j’ai demandé à m’inscrire en couture. »
Le maître Alphadi
La fin de ses études à l’Institut de la coupe et de la mode de Cotonou coïncide avec la venue au Bénin d’une des caravanes de la mode du célèbre styliste nigérien Alphadi. « Je n’avais pas les moyens de m’offrir une place et j’ai décidé de l’attendre à la porte. Il m’a demandé de le suivre à Niamey pour un stage, puis a fini par m’embaucher », résume J-Rabel. L’apprentissage aux côtés du maître se prolonge pendant quelques années, durant lesquelles il suivra Alphadi dans ses caravanes – notamment dans le Sahara nigérien, pour l’une des éditions du Festival international de la mode africaine (Fima). Puis J-Rabel décide de rentrer au pays.
Dans le petit atelier qu’il ouvre à N’Djamena, il prépare son premier défilé, baptisé Éclosion. C’est l’époque des vêtements inspirés du keffieh de Yasser Arafat. Dans la capitale tchadienne, on commence à parler de J-Rabel. Les commandes affluent. Mais le styliste ne compte pas en rester là. Il invente un nouveau concept, la butuku fashion (de l’arabe tchadien butuku, « à l’état naturel »). Ses créations utilisent des matériaux bruts : ici un accessoire en écorce, là un morceau de sabot de bœuf en guise de bouton, ailleurs l’extrémité d’une manche terminée par un morceau de coton pur… La réputation de J-Rabel franchit les murs du palais, le chef de l’État et son épouse lui passent des commandes.
De jeunes couturiers défilent chez J-Rabel. En dix ans, il en forme une quarantaine
Pendant ce temps, de jeunes couturiers défilent chez J-Rabel. En dix ans, il en forme une quarantaine. Avec des confrères tchadiens, il crée aussi un collectif, Kelou Fashion (Kelou, femme à l’effigie de laquelle a été créé le sceau de la République, est le symbole de la beauté tchadienne). Chaque année depuis 2012, leur association organise le festival Kelou Fashion, soutenu par l’Institut français de N’Djamena, où des créateurs tchadiens et étrangers viennent exposer (la dernière édition s’est tenue du 4 au 22 octobre).
Pour le designer de 42 ans, le défi est désormais d’ouvrir une boutique où seront présentés ses modèles et ceux des autres stylistes tchadiens, encore trop peu connus à l’étranger.
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