Afrique du Sud : Captain Jacob face au naufrage économique

La croissance régresse, le chômage explose, les investissements étrangers reculent, le moral des patrons est en berne. Pourquoi le bilan du chef de l’État est-il aussi calamiteux ?

Des manifestants à Pretoria contre Jacob Zuma, le 16 décembre 2015. © Jacques Nelles/AP/SIPA

Des manifestants à Pretoria contre Jacob Zuma, le 16 décembre 2015. © Jacques Nelles/AP/SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 24 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Les zigzags du président Zuma, qui a changé deux fois de ministre des Finances en l’espace de quatre jours, ne vont certainement pas aider l’économie sud-africaine à retrouver son dynamisme d’antan… Naguère meilleure élève de l’Afrique, elle perd dans cette mésaventure encore un peu de son attrait tant le pays semble dirigé au gré des intérêts personnels, qu’ils soient politiciens ou financiers.

La croissance, dont la moyenne annuelle s’élevait à 4,8 % entre 2004 et 2008, ne cesse de régresser. Elle est passée de 3,2 % en 2011 à 2,2 % en 2012 et 2013, puis à 1,5 % en 2014. Les experts du FMI annoncent 1,4 % pour cette année et 1,3 % pour 2016. Le taux de chômage frappe 25 % de la population active. Un jeune sur deux en âge de travailler n’a pas d’emploi. Des résultats qui contrastent avec le dynamisme des voisins de l’Afrique du Sud (Mozambique, Namibie), mais aussi de la Zambie, de la RD Congo ou de son grand concurrent, le Nigeria, dont les taux de croissance caracolent au-delà de 5 %. Les investissements étrangers sont en recul et le moral des patrons sud-africains est en berne comme jamais.

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Autres symptômes qui trahissent cette dérive : la chute du rand, qui a perdu 28 % de sa valeur par rapport au dollar depuis le début de l’année, et des coupures d’électricité à répétition, dues à l’incurie de la compagnie publique Eskom, où six PDG se sont succédé en sept ans…

La responsabilité de Jacob Zuma

Comment ce pays, qui occupait la première place du continent en matière d’industrie, d’agriculture ou de finances, qui possède cinq des principales entreprises africaines (et même les dix premières dans la grande distribution), en est-il arrivé là ? La responsabilité de Jacob Zuma ne fait aucun doute. Politicien retors, il se refuse à trancher entre les deux lignes économiques qui divisent l’ANC. Tantôt il joue la carte des libéraux qui, avec le milliardaire Cyril Ramaphosa, veulent que leur pays tire le meilleur parti de la mondialisation, où la diversification de son économie est un atout. Tantôt il suit les « anciens combattants » et les « staliniens », qui souhaitent appliquer un programme de nationalisations (mines, terres agricoles) conçu dans le maquis il y a des décennies.

La politique foncière est la parfaite illustration de ces incohérences. Pour se concilier les petits exploitants noirs, le gouvernement a annoncé en 2014 la réouverture des procédures d’indemnisation et de restitution des terres spoliées, ainsi que le démembrement des exploitations de plus de 12 000 hectares. Un programme en trompe-l’œil : censé concilier impératifs de « sécurité alimentaire » et justice sociale, il ne bénéficie pas des financements nécessaires, comme l’atteste une baisse de 19 % du budget de l’agriculture en 2014-2015.

Les inégalités se sont creusées de manière spectaculaire, alimentant un cycle de violence (12 000 meurtres par an) et une agitation sociale qui effraient les investisseurs

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Sous l’effet de la corruption des élites, les inégalités se sont creusées de manière spectaculaire, alimentant un cycle de violence (12 000 meurtres par an) et une agitation sociale qui effraient les investisseurs. La politique du Black Economic Empowerment a été dévoyée : en théorie, il réserve les marchés publics aux entreprises favorisant la promotion des Noirs et des femmes, mais en pratique ces marchés échoient en priorité aux proches de l’ANC, et l’un des fils du président n’est pas le dernier à en profiter.

La certitude que Zuma restera au pouvoir jusqu’à la fin de son mandat en 2019 et que l’ANC continuera à drainer une majorité de suffrages laisse à penser que l’assainissement de l’économie et la mise en œuvre des réformes nécessaires ne sont pas pour demain.

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