Urbanisme : Abidjan passe à l’horizontale

Des bâtiments moins hauts, plus écologiques et moins coûteux… Après des années d’illusion verticale, c’est la nouvelle tendance, plus pragmatique, dans la capitale économique.

Ci-contre, le chantier de l’hôtel Azalaï, dans la commune de Marcory. © FRANÇOIS-XAVIER GBRÉ POUR J.A.

Ci-contre, le chantier de l’hôtel Azalaï, dans la commune de Marcory. © FRANÇOIS-XAVIER GBRÉ POUR J.A.

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Publié le 12 janvier 2016 Lecture : 5 minutes.

Des supporters d’Alassane Ouattara, à Abidjan,  le 15 octobre 2015 © Sylvain Cherkaoui/J.A.
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Côte d’Ivoire : c’est déjà demain

En 2020, une nouvelle génération d’hommes et de femmes, aux profils forcément différents, va devoir prendre ces responsabilités. Tour d’horizon de ces forces montantes qui feront la Côte d’Ivoire de demain.

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Vingt ans après le boom immobilier des années 1980, Abidjan semble enfin renouer avec l’esprit des bâtisseurs. Depuis son aéroport, en plein essor et flanqué désormais de plusieurs hôtels de luxe, « la ville fait peau neuve », selon Bénié Adou, l’architecte du Radisson Blu qui y sera bientôt inauguré. Sur l’avenue Valéry-Giscard-d’Estaing, qui file vers le centre, il n’est pas rare de croiser les grues en action d’un chantier. La nouveauté ? Abidjan se développe partout, de Marcory à Cocody en passant par le Plateau, à travers l’édification de nouveaux centres commerciaux (Cap Sud et PlaYce), d’hôtels étoilés et de grands établissements bancaires.

« Nous sommes aujourd’hui dans une architecture moins tape-à-l’œil, plus rentable et écologique que celle des années 1970-1980 », estime Bénié Adou. Vingt ans après le miracle ivoirien, l’illusion n’est plus dans la verticalité. Exit les gratte-ciel, Abidjan est passée à des bâtiments plus respectueux des normes environnementales et moins coûteux en entretien. C’est l’ère du minimalisme, à l’image justement du Radisson Blu, dont l’esthétique épurée est symbolique : la façade en verre repose sur un enchevêtrement de poutres censé évoquer les branchages de la forêt. L’édifice, tout en longueur, ne dépasse pas les trois étages, les chambres sont plus petites que dans d’autres hôtels du même standing, mais plus fonctionnelles. Autres exemples : l’hôtel Azalaï, actuellement en construction, et le siège d’Ecobank Côte d’Ivoire, avec 11 000 m2 de bureaux concentrés sur huit étages seulement, tous deux conçus par le cabinet AR 2000, d’Ibrahima Konaré.

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Développement anarchique

Il est loin le temps où le président Félix Houphouët-Boigny enfilait le casque pour aller superviser « ses » chantiers sur d’immenses terrains vagues. À l’époque, dans les années 1970 et 1980, Abidjan s’est d’abord développée en hauteur sur le Plateau, à travers l’érection de multiples tours ultramodernes qui devaient abriter la plupart des ministères et administrations du pays. Ponts et autoroutes devaient permettre l’accès rapide à cette cité « capitaliste » à l’américaine, où banquiers et patrons côtoyaient les hommes d’État. « Quand les grues de Pierre Fakhoury étaient en mouvement, ça voulait dire que le pays allait bien », se souvient Koupo Gnoleba, célèbre architecte qui anime chaque jeudi matin une chronique « urbanisme » sur la Radio-télévision ivoirienne (RTI).

Le développement anarchique de la ville a ruiné le projet initial. Et si les grues se sont remises en mouvement depuis 2010, « la tendance est aujourd’hui à la densification », explique Issa Diabaté, qui observe une utilisation optimisée des rares espaces existants. Ce quadragénaire formé à l’université Yale (États-Unis) s’est associé en 2001 à l’un des plus brillants architectes de sa génération, Guillaume Koffi. Ensemble, ils ont conçu les dernières tours du Plateau : l’immeuble Teylium, construit en 2006 pour Bridge Bank Group, ou celui de la Caisse de retraite par répartition avec épargne (CRRAE) de l’Umoa, où s’est installée Versus Bank en 2002.

Des projets plus adaptés 

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Mais depuis quelques années, les architectes les plus en vue du moment à Abidjan développent des projets moins dispendieux : élaboration de logements sociaux, réalisation de quartiers pavillonnaires… « Le plus important pour nous, ce n’est pas d’impressionner, mais de répondre aux besoins en proposant des logements respectueux de l’environnement, avec une économie de matière, affirme Issa Diabaté. Plutôt que d’être des grands bâtisseurs de villes, nous créons des quartiers modèles. Par exemple, pour le complexe de Riviera Golf, nous essayons de faire cohabiter les gens dans un espace limité, autour de patios communs qui rappellent la cour du village. Nous concevons des bâtiments à la fois modernes et non énergivores, en piochant nos idées dans l’habitat traditionnel. Les formes sont volontairement basiques, la ventilation est naturelle, les murs peuvent être en terre ou en teck. »

Mais l’urgence est ailleurs : il faut aussi reconstruire. Cinq ans après la plus longue crise politique qu’ait connue le pays, Abidjan continue de panser ses plaies, et les architectes sont largement mis à contribution. À l’image du célèbre Novotel, longtemps rongé par l’humidité et récemment retoiletté, les principaux bâtiments situés sur le Plateau, tous dans un état de délabrement avancé, sont rénovés les uns après les autres. Abîmée durant le conflit, la cathédrale Saint-Paul, conçue par l’Italien Aldo Spirito, a été entièrement restaurée et brille désormais comme au premier jour. Et la rénovation des fameuses tours administratives A ,B, C, D et E, qui abritent un certain nombre de ministères, est à l’étude.

Entre l’édification de nouveaux bâtiments et la restauration du patrimoine, il y a encore beaucoup à faire.

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« Tous ces chantiers nous intéressent car nous avons une expertise, confie Clyde Fakhoury, qui administre PFO Africa. Nous sommes déjà chargés de la restauration de la tour Postel 2001 [105 m, 26 étages], conçue et réalisée par mon père en 1984. » L’entreprise familiale libano-ivoirienne a su dépasser les clivages politiques locaux pour rester dans la course. Elle est à l’origine de la rénovation réussie de l’immeuble du Centre de commerce international d’Abidjan (CCIA, 94 m, 28 étages), qui s’était beaucoup dégradé depuis son inauguration en 1982 et qui abrite désormais la Banque africaine de développement (BAD), dont le siège est revenu à Abidjan après des années d’exil à Tunis pendant la crise. « Entre l’édification de nouveaux bâtiments et la restauration du patrimoine, il y a encore beaucoup à faire », se réjouit Clyde Fakhoury.

Un optimisme que tous ne partagent pas. « Il n’y a plus aucune commande de l’État », déplore pour sa part Thierry Dogbo, à qui l’on doit de nombreux ouvrages conséquents, comme la grande mosquée Salam, au Plateau, lancée en 1996… et pas encore tout à fait achevée. « Ouattara n’est pas très intéressé par l’architecture, poursuit-il. C’est la différence avec Houphouët-Boigny, qui voulait faire d’Abidjan « la perle de l’Afrique ». » Une politique architecturale pas assez ambitieuse ? Pourtant, d’importants projets viennent d’être mis en œuvre, comme la construction de l’immense gare routière d’Adjamé (8 000 m2). L’ébauche et la réalisation de l’édifice ont déjà été confiées au groupe togolais Dennis. « C’est la tendance à venir, confie un architecte sous le couvert de l’anonymat. L’État semble vouloir faire de plus en plus appel à des bâtisseurs étrangers. »


L’école architecturale d’Abidjan par Jeuneafriquetv

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