Côte d’Ivoire : le livre de comptes de Dramane Boaré, éditeur et fin gestionnaire

Son métier, c’est d’abord de la gestion. Le patron des Classiques ivoiriens le sait bien, qui, de manuels scolaires (surtout) en romans (un peu), a su assurer pérennité et rentabilité à ses collections.

Sur son stand de Noël, le 10 décembre, à Abidjan. © ARTHUR PERSET POUR J.A.

Sur son stand de Noël, le 10 décembre, à Abidjan. © ARTHUR PERSET POUR J.A.

Publié le 13 janvier 2016 Lecture : 3 minutes.

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Dramane Boaré veut faire lire davantage les Ivoiriens. Le patron et cofondateur de l’une des rares – et plus importantes – maisons d’édition du pays, Les Classiques ivoiriens, le dit et le répète depuis des années : « Si dans la mentalité de la plupart de mes compatriotes, le livre est toujours très cher, dans la réalité, la Côte d’Ivoire est l’un des pays africains où il reste le plus accessible, même lorsqu’il est importé. Car il est très peu taxé. » Malgré tout, les Ivoiriens lisent et achètent trop peu d’ouvrages, à son goût.

Alors en cette période de fêtes, devant le siège de sa maison d’édition, situé dans la commune abidjanaise de Koumassi, Dramane Boaré a installé un imposant stand où il vend toute une flopée de livres pour enfants au prix minime de 500 F CFA (0,76 euro). Objectif assumé : que les parents en quête de cadeaux de Noël ne se limitent pas aux classiques jeux de société et autres produits high-tech hors de prix. « Notre stratégie est claire : il faut d’abord donner le goût de la lecture aux enfants ! En grandissant, ce sont eux qui formeront le gros de nos futurs lecteurs et clients », assure-t-il.

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Habitué des salons du livre du monde entier, le patron des Classiques ivoiriens défend ardemment les quelques auteurs pour enfants qu’il édite. L’écrivaine ivoirienne Murielle Diallo, qu’il accompagne depuis plusieurs années, a ainsi reçu plusieurs récompenses, dont le prix Saint-Exupéry Valeurs Jeunesse 2012 pour la série « Bibi n’aime pas » (l’école, la pluie, le marché…), destinée aux enfants.

Un secteur qu’il connait bien

« Stratégie », « ventes », « taxes », « clients »… L’éditeur prend volontiers des accents de gestionnaire. Et pour cause : à 52 ans, il a déjà passé vingt-sept années dans le secteur (après avoir suivi des études de gestion commerciale en France) et sait qu’en Afrique plus qu’ailleurs son métier demande une certaine dose de pragmatisme ainsi qu’une capacité certaine à se dédoubler. Sélection des manuscrits, édition, diffusion, distribution… Sa petite entreprise (seize employés) regroupe tous ces métiers pour s’assurer pérennité et rentabilité. « En Occident, il existe des grandes maisons d’édition, familiales notamment, qui vivent de littérature générale. Chez nous c’est un modèle quasi inexistant, observe-t-il. Les Classiques ivoiriens, par exemple, dépendent à 85 % de l’édition de manuels scolaires. »

L’entreprise, après avoir décroché des appels d’offres du ministère de l’Éducation nationale, édite chaque année une dizaine de nouveaux livres scolaires et presque autant d’ouvrages parascolaires (annales, cahier de soutien…) et de livres pour enfants. « Au total, nous écoulons environ 200 000 nouveaux exemplaires par an. Sans compter les réimpressions d’ouvrages anciens et ceux que nous avons en stock », explique Dramane Boaré. Une fabrique dont le chiffre d’affaires, qui a avoisiné les 1,2 milliard de F CFA en 2014 (soit 1,8 million d’euros), devrait cette année encore croître de 10 % à 12 %.

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« Nous pourrions faire beaucoup plus si le secteur était un peu plus libéralisé et l’État moins impliqué, regrette l’éditeur au franc-parler bien connu de ses homologues ivoiriens. À l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays de la sous-région, comme le Sénégal, l’État pourrait permettre à plusieurs éditeurs de concevoir des livres conformes aux programmes pour en acheter ensuite chez plusieurs d’entre eux. Il y aurait plus d’éditeurs, plus de concurrence et donc des livres meilleurs et moins chers ! »

Pour se diversifier, cet éditeur très libéral mise aujourd’hui sur l’étranger et sur des segments de marché encore peu exploités. Ainsi exporte-t-il de plus en plus de livres parascolaires, en arabe et en anglais, en direction du Niger, du Bénin, du Togo ou du Burkina Faso.

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