Côte d’Ivoire : les élèves de la République
En juillet, le président décidait de rendre l’école obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans. Reportage dans ces établissements qui vont former les citoyens de demain.
Côte d’Ivoire : c’est déjà demain
En 2020, une nouvelle génération d’hommes et de femmes, aux profils forcément différents, va devoir prendre ces responsabilités. Tour d’horizon de ces forces montantes qui feront la Côte d’Ivoire de demain.
Ce lundi matin, la cour du groupe scolaire Habitat, dans le quartier populaire d’Adjamé, ressemble à une fourmilière. Lors de la traditionnelle levée des couleurs, réinstaurée en 2013, les enfants chantent L’Abidjanaise, l’hymne national : « Tes fils, chère Côte d’Ivoire / Fiers artisans de ta grandeur / Tous rassemblés et pour ta gloire / Te bâtiront dans le bonheur / Fiers Ivoiriens ! »
À l’école obligatoire pour tous, pas de différences ethniques ou religieuses, tout le monde reçoit un même enseignement, laïc, avec une nouvelle matière : l’éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté. « Notre mission éducatrice pose la première pierre de la réconciliation nationale, clame Andji Yapi, le directeur. Et non seulement notre méthode d’apprentissage par les compétences met l’accent sur l’éthique, mais elle tente aussi de détecter les talents de chacun. »
L’école pour tous, de 6 à 16 ans
C’est avec cette idée d’offrir à la jeunesse une chance d’avenir meilleur qu’en juillet le président, Alassane Dramane Ouattara, a promis l’école pour tous les enfants de 6 à 16 ans. À la rentrée de septembre, près de 3 millions de kits scolaires (livres, stylos, cahiers) ont été distribués dans tout le pays, pour une valeur de plus de 10,4 milliards de F FCA (plus de 15,8 millions d’euros). Désormais, les parents qui refusent d’inscrire leur progéniture à l’école encourent une peine de prison de deux à six mois ainsi qu’une amende de 50 000 à 500 000 F CFA.
Pour accompagner la mesure, le gouvernement octroie parallèlement des aides sociales aux parents qui ne peuvent plus compter sur le travail de leurs enfants. « Tout est gratuit, de l’enseignement à la cantine. Il y a même des cours de rattrapage le mercredi pour mettre à niveau ceux qui n’ont jamais été scolarisés », se félicite encore Andji Yapi.
Au fond de la classe de CP1, Safiatou, 9 ans, fait partie de ces élèves-là. Elle dépasse d’une bonne tête ses camarades. Autrefois, elle travaillait dans la boutique de ses parents, aujourd’hui elle apprend à lire. « Nous avons constaté un engouement des jeunes filles pour l’école. En plus de s’instruire, elles se mettent à l’abri des grossesses précoces et des violences de tous types, se réjouit Kandia Camara, la ministre de l’Éducation nationale. C’est aussi un gage de paix pour l’avenir, car ces futures mères sont le ciment de la nation. » Pour cette rentrée 2015-2016, l’équilibre au niveau du taux d’admission par genre a presque été atteint, avec 81,37 % pour les filles et 82,72 % pour les garçons.
Le but est d’atteindre dans les prochaines années les 100 % de scolarisation sur tout le territoire, assure Kandia Camara
L’engouement féminin dont parle la ministre, on le retrouve aussi chez les maîtres élèves formés dans les Centres d’animation et de formation pédagogique (Cafop) dispersés dans tout le pays. À Grand-Bassam, par exemple, sur 173 d’entre eux, 93 sont des filles. Kousso Botchi, 36 ans, était autrefois commerciale dans une société de plantation d’hévéas ; elle suit désormais une formation accélérée d’enseignante. « Ce n’est pas le salaire qui a motivé ma décision, mais l’envie de participer à une mission : lutter contre l’analphabétisme, offrir un bagage intellectuel à des enfants afin de vivre plus tard en harmonie », dit-elle.
À une vingtaine de kilomètres de Grand-Bassam, au bout d’une plage difficile d’accès, une nouvelle école a vu le jour. Elle a été en partie financée et réalisée par les habitants du village. « Avec le soutien des familles et des chefs de village, nous construisons des établissements dans les coins les plus reculés du pays, précise Kandia Camara. Le but est d’atteindre dans les prochaines années les 100 % de scolarisation sur tout le territoire. »
Entre 2011 et 2015, plus de 15 000 salles de classe ont été construites, et 30 000 instituteurs ont été recrutés. Pour remplir ses objectifs, l’État ivoirien a accordé cette année la plus grande partie de son budget (22 %) au ministère de l’Éducation nationale. L’excellence, ça a un prix.
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