British Museum : l’alliance du classique et du contemporain

Dans le musée le plus visité de Londres, le commissaire Christopher Spring a instauré un dialogue fécond entre œuvres de différentes époques. Stimulant.

Ignatius Sancho © MARY EVANS/SIPA

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Publié le 5 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

Image d’illustration © Kalpesh LathIgra pour J.A.
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Londres, l’Africaine

Il y a du wax dans le smog ! Depuis quelques années, la capitale britannique vibre aux couleurs de l’Afrique. Soutenus par des institutions publiques et des initiatives privées, les créateurs de tout poil y trouvent matière à s’exprimer. Visite à travers une ville plus vibrionnante que jamais.

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De l’extérieur, les colonnades austères du British Museum sont intimidantes. Une fois passée la large volée de marches et la façade très XIXe, le visiteur se retrouve propulsé dans la lumière blanche d’une vaste cour centrale, la Queen Elizabeth II Great Court. C’est autour d’elle que se distribuent les différents départements du musée, qui attirent chaque année quelque six millions de personnes, faisant de ce site l’un des plus visités du Royaume-Uni.

Bien entendu, comme c’est le cas pour de nombreux musées occidentaux, le British Museum a plusieurs fois été montré du doigt parce qu’il abrite des chefs-d’œuvre qui pourraient être exposés dans leur pays d’origine, en particulier les frises du Parthénon (Grèce) et la pierre de Rosette (Égypte)… On ne s’étendra pas sur la question, ni sur le fait que le département consacré à l’Égypte antique et celui consacré à l’Afrique soient séparés d’un étage. Après tout, il existe des frontières plus difficiles à franchir que quelques marches d’escalier. Reste que l’installation des salles africaines au sous-sol a, un temps, posé problème.

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« Pendant un moment, cela a été un vrai souci d’ordre politique, explique Christopher Spring, commissaire des salles africaines. Surtout que, pour beaucoup, l’Afrique reste un seul et unique pays… Mais bon, nous avons contourné le problème en affirmant que, d’accord, c’est au sous-sol, mais c’est pour bien signifier que ce sont là les racines du British Museum ! » Une pirouette qui ne saurait convaincre à elle seule.

Dès le départ, il nous fallait présenter le continent de manière à montrer son incroyable diversité créative

Heureusement, la ligne directrice choisie par Christopher Spring montre une claire volonté de battre en brèche les clichés. « Dès le départ, il nous fallait présenter le continent de manière à montrer son incroyable diversité créative », dit-il. D’où le choix d’œuvres contemporaines, exposées dans l’escalier menant au sous-sol et régulièrement changées. Actuellement, ce rôle introductif est dévolu à une installation d’Ann Gollifer intitulée Mother Tongue, qui représente, sous la forme de 41 masques makondes imprimés sur textile, les 41 langues parlées au Mozambique.

Après cette mise en bouche, le visiteur est transporté de surprise en surprise, les pièces d’art classique étant souvent associées à des créations contemporaines. « Je voulais qu’en arrivant les gens se disent : « Tiens, ce n’est pas ce que je connais de l’Afrique. » Puis qu’ils soient rassurés et se disent : « Ah, en revanche, ça, je connais ! » » Ainsi, des poteries anciennes originaires des royaumes du Toro et du Bouganda (en Ouganda) voisinent avec des céramiques de la Kényane Magdalene Odundo, qui s’inspire des techniques anciennes grecques, romaines et même chinoises. Des couteaux de jet dansent avec des figures calligraphiques de l’Algérien Rachid Koraïchi. Un trône en armes soudées du Mozambicain Kester fait face à un autre trône (kiti cha enzi), du XIXe siècle celui-là, symbole du pouvoir sur la côte swahilie. Terriblement efficace, l’alliance du classique et du contemporain exprime la continuité d’une histoire de l’art africain riche d’influences variées – et n’empêche en rien d’admirer des chefs-d’œuvre absolus, comme le masque d’ivoire (XVIe siècle) de la reine Idia, mère de l’Oba Esigie.

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