Londres : deux lieux incontournables de la recherche sur l’Afrique

L’université de Londres et son Centre d’études africaines (CAS) entendent promouvoir une image du continent débarrassée des poncifs et des généralités qui lui collent à la peau. Tandis que l’École des études orientales et africaines de l’université de Londres (School of Oriental and African Studies, SOAS) fêtera son centenaire en 2016. Focus sur deux lieux de connaissance de l’Afrique.

Un pôle interdisciplinaire universitaire qui promeut le dialogue sur l’Afrique également hors du monde académique. © STUART FORSTER/REX/SIPA

Un pôle interdisciplinaire universitaire qui promeut le dialogue sur l’Afrique également hors du monde académique. © STUART FORSTER/REX/SIPA

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Publié le 28 décembre 2015 Lecture : 5 minutes.

Image d’illustration © Kalpesh LathIgra pour J.A.
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Londres, l’Africaine

Il y a du wax dans le smog ! Depuis quelques années, la capitale britannique vibre aux couleurs de l’Afrique. Soutenus par des institutions publiques et des initiatives privées, les créateurs de tout poil y trouvent matière à s’exprimer. Visite à travers une ville plus vibrionnante que jamais.

Sommaire

Black Cultural Archives : documenter les lacunes

 © K. Lathigra pour J.A.

© K. Lathigra pour J.A.

C’ est un lieu exceptionnel et exemplaire. Un petit bâtiment sans prétention installé sur Windrush Square, dans le quartier de Brixton, depuis juillet 2014. La création du centre patrimonial Black Cultural Archives date pourtant de 1981, sous le règne de Margaret Thatcher. Il s’agissait alors de préserver et de mettre en valeur l’histoire des descendants d’Africains au Royaume-Uni, notamment en collectant des objets, des documents, des photographies, des témoignages aussi bien anciens que contemporains. Le lieu qui existe aujourd’hui abrite 33 m3 d’archives, soit environ 8 000 livres et 250 objets africains ou caribéens. Un catalogue disponible en ligne permet à tout un chacun de mener ses recherches pour, ensuite, prendre rendez-vous et compulser les éléments disponibles. Huit personnes peuvent s’installer dans la salle de lecture, trois jours par semaine, et tout un programme d’accueil des écoles a lieu au cours de l’année.

Le lieu qui existe aujourd’hui abrite 33 m3 d’archives, soit environ 8 000 livres et 250 objets africains ou caribéens.

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Mais les Black Cultural Archives sont aussi un petit lieu d’exposition où sont explorés les vides et les lacunes de l’histoire britannique. Ainsi, « Black Georgians, the Shock of the Familiar », qui se tient jusqu’en avril 2016, revient sur la vie quotidienne des Noirs durant la période géorgienne, entre 1714 et 1830, battant en brèche l’idée répandue selon laquelle la présence africaine au Royaume-Uni serait postérieure à 1945. On y rencontre des personnalités comme l’homme de lettres et dramaturge Ignatius Sancho (1729-1780), surnommé « le Nègre extraordinaire », Billy Waters (1778-1823), « le roi des mendiants », Mary Prince (1788-1833 ?), qui fut la première femme esclave, originaire des Bermudes, à publier son autobiographie, ou encore son alter ego, Olaudah Equiano (1745-1797), esclave affranchi originaire du Biafra qui coucha aussi son histoire par écrit. Au-delà de ces destinées exceptionnelles, l’exposition « nous parle d’une population croissante qui se forgea une nouvelle identité grâce à sa créativité, à son adaptabilité et à une incroyable force d’âme ».

School of Oriental and African Studies, cent ans à l’écoute de l’Afrique

En 2016, l’École des études orientales et africaines de l’université de Londres (School of Oriental and African Studies, SOAS) fêtera son centenaire. En son sein, le Centre des études africaines (Centre of African Studies, CAS) vient pour sa part de souffler ses cinquante bougies. De quoi s’agit-il ? D’un pôle interdisciplinaire visant à promouvoir les études, les recherches et le dialogue sur l’Afrique à l’intérieur et au-delà de l’université. « C’est un centre de recherche, mais nous organisons aussi différents événements comme des séminaires, des conférences, des lancements de livres, explique Angelica Baschiera, directrice du CAS, spécialiste des manuscrits swahilis et de l’art africain contemporain. Notre rôle premier est de promouvoir le travail des africanistes basés à la SOAS ainsi que celui d’autres collègues. »

Trois personnes à temps plein font fonctionner le CAS, qui compte environ 130 membres, pour la plupart enseignants, et environ 7 000 contacts. Les activités ne manquent pas. En juillet, par exemple, une université d’été sur le thème « Comprendre l’Afrique : passé et présent » offrait des enseignements sur les royaumes précoloniaux d’Afrique, des ateliers de musique consacrés à la kora, des visites au British Museum et à l’October Gallery portant sur les arts classiques et la création contemporaine. Deux mois plus tôt, c’était un représentant majeur de cette dernière, le plasticien anglo-nigérian Yinka Shonibare, qui donnait une allocution à l’occasion des 50 ans de l’institution. En février, différents représentants du monde de la recherche et de celui des médias se sont interrogés sur la représentation médiatique de l’Afrique, devenue en quelques années le continent de tous les possibles après avoir été le « cœur des ténèbres ».

À vrai dire, l’objectif principal du CAS réside là, dans une lutte pied à pied contre les poncifs en vogue. « Nous sommes restés à l’avant-garde des nouvelles manières de penser, d’écrire et de comprendre l’Afrique et sa place dans le monde, écrit son ancien président Michael Jennings à l’heure de passer la main au professeur Mashood Baderin. Durant notre demi-siècle d’existence, nous nous sommes attaqués aux clichés, aux stéréotypes et aux généralisations qui dominent la perception populaire de ce continent. »

Durant notre demi-siècle d’existence, nous nous sommes attaqués aux clichés, aux stéréotypes et aux généralisations

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Pour le CAS, ces dernières années ont été particulièrement riches. « Ces cinq dernières années, l’intérêt pour le continent a augmenté, comme s’il représentait une nouvelle frontière aussi bien pour l’art que pour les affaires, explique Angelica Baschiera. C’est en partie dû aux élites ghanéennes et nigérianes, qui ont su placer très haut le niveau d’exigence. Évidemment, il y a du sensationnalisme dans cette mode très récente, mais il y a aussi un vrai changement avec l’idée que l’Afrique a quelque chose à offrir au monde. »

Reste, bien entendu, le problème du financement. La SOAS comme le CAS fonctionnent sur un équilibre public-privé qui les oblige désormais à trouver eux-mêmes jusqu’à 80 % de leur budget de fonctionnement (frais de scolarité, levées de fonds, activités de conseil, partenariats, cotisations des anciens élèves). Très actif sur les questions de gouvernance, le CAS reçoit ainsi 1,5 million de livres (2 millions d’euros) de la Fondation Mo Ibrahim pour financer quatre programmes annuels sur le sujet. Pour Angelica Baschiera, ce n’est pas suffisant : l’université ne peut pas accueillir autant d’étudiants africains qu’elle le souhaiterait – ils sont aujourd’hui moins nombreux que les Asiatiques – faute de financements adéquats. Dommage, notamment parce qu’elle abrite l’une des plus importantes bibliothèques académiques du monde consacrées à l’Afrique.

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Royal African Society Un lobby royal pour le continent

LaRoyal African Society (RAS) a été créée en 1901, en l’honneur de l’écrivaine voyageuse Mary Kingsley (1862-1900), auteure de deux livres sur ses expériences africaines. Depuis plus d’un siècle, les membres de la RAS entendent promouvoir l’Afrique dans tous les domaines : affaires, politique, culture, recherche. Dirigée par un ancien rédacteur en chef Afrique de The Economist, Richard Dowden, la RAS a pour objectif d’améliorer la compréhension du continent et ses relations avec l’ancienne puissance coloniale qu’est le Royaume-Uni. Pour ce faire, elle dispose de différents instruments : un groupe « non partisan » au Parlement, une publication en ligne (African Arguments Online), une revue de réputation internationale (African Affairs), une conférence et deux festivals annuels, l’un consacré au cinéma africain (Film Africa) et l’autre à la littérature (Africa Writes).

Plus de détails sur www.royalafricansociety.org.

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