À court de financements, l’opérateur télécoms Azur ne s’avoue pas vaincu

Le groupe est en difficulté en Centrafrique, l’entrée de Monaco Telecom dans son capital semble compromise… Mais son PDG reste obstinément optimiste.

Racheté au groupe BinLadin en 2012, l’opérateur télécoms Azur est présent en Centrafrique, au Gabon (photo) et au Congo. © DR

Racheté au groupe BinLadin en 2012, l’opérateur télécoms Azur est présent en Centrafrique, au Gabon (photo) et au Congo. © DR

Julien_Clemencot

Publié le 8 janvier 2016 Lecture : 5 minutes.

Avenue de l’Indépendance, à Bangui, les équipes d’Azur essaient de gérer les affaires courantes. Mais de l’aveu même de son PDG et actionnaire principal, le Congolais Jean-Bruno Obambi, l’état de santé de l’opérateur de télécoms s’est énormément dégradé ces deux dernières années. Une grande part de son réseau a été détruite, dans le nord du pays et jusque dans la capitale, au cours des violences communautaires qui continuent de secouer la Centrafrique. Le préjudice dépasserait 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros). Et il ne peut plus servir toute une partie de sa clientèle. « Nous avions atteint 300 000 abonnés, ils ne sont maintenant qu’environ 200 000. Nous attendons le retour d’une certaine stabilité pour reprendre notre plan de développement », admet Jean-Bruno Obambi.

D’un naturel optimiste, le patron ne peut que constater les dégâts. Selon un audit réalisé en mai et que J.A. a pu consulter, le chiffre d’affaires de l’opérateur en Centrafrique s’est effondré, passant de 5,5 milliards de F CFA en 2012 à 2,3 milliards l’an dernier. Si l’entreprise a divisé sa dette par quatre dans cette période, la ramenant à près de 5 milliards de F CFA, ses créanciers ont néanmoins décidé début 2015 de lui mettre la pression. Incapable de rembourser, Azur a obtenu en septembre un jugement du tribunal de commerce de Bangui lui permettant d’étaler le paiement de sa dette.

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La société Telsoft, codétenue via un holding au Luxembourg par Romain Zaleski, classé un temps parmi les premières fortunes françaises, est la première victime de cette décision. Chargée de gérer pour l’opérateur l’entrée et la sortie des appels internationaux, sa créance s’élève à 1,5 milliard de F CFA sur la période 2013-2015. Claude Le Monnier, représentant de Romain Zaleski, estime que Jean-Bruno Obambi n’a pas la volonté de payer ses fournisseurs. « La décision du tribunal est scandaleuse. Azur nous a fait miroiter l’arrivée de Monaco Telecom dans son capital mais rien ne s’est concrétisé, explique-t-il. Ensuite, son dirigeant nous a proposé de transformer notre dette en actions, avant de nous poser un lapin le jour du rendez-vous. » Depuis la rupture des discussions, Azur emprunterait les passerelles des opérateurs Moov et Telecel pour acheminer ses appels internationaux.

On est loin de l’image policée donnée par Jean-Bruno Obambi en mai, lors d’une interview publiée par J.A. Tout en reconnaissant des difficultés en Centrafrique, il mettait en avant les ambitions de son groupe, également présent au Gabon et au Congo, où il compterait respectivement 260 000 et 370 000 clients et stagnerait à 8 % et 10 % de part de marché. Le plan de développement d’Azur reposait effectivement sur la prise de participation de Monaco Telecom, partenaire technique depuis 2014, à hauteur de 20 % du capital.

À la recherche du bénéfice

Aujourd’hui, l’homme d’affaires reconnaît à demi-mot l’échec des négociations. Si le management de l’opérateur monégasque, interrogé par J.A., envisage encore l’opération, son actionnaire, Xavier Niel, serait lui réticent. « Il a fait fortune en restructurant des opérations dans des économies matures. Avec Azur, il devra encore injecter de l’argent. Ce sont deux modèles différents », justifie Jean-Bruno Obambi. « Il y a sans doute aussi une crainte à investir au Congo, au Gabon ou en Centrafrique, surtout quand des échéances électorales se profilent », selon un avocat d’affaires.

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« Pour convaincre Monaco Telecom, Azur devra d’abord apporter des garanties en décrochant des financements auprès de banques locales », estime un financier congolais, qui reconnaît cependant le potentiel d’Azur et les efforts faits depuis plus d’un an pour rationaliser la gestion de ses trois filiales. « Mais il y a encore du travail à accomplir car aucune ne fait de bénéfices », précise-t-il.

Il y a plusieurs mois, l’homme d’affaires congolais espérait déjà obtenir un prêt syndiqué dont le montant aurait, en plusieurs étapes, atteint 20 millions d’euros. Mais là encore, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. « La BDEAC, qui devait mener l’opération, a connu un changement de gouvernance [un nouveau directeur général est arrivé fin juin]. Un audit a été ordonné et il vient de s’achever. L’examen de notre dossier devrait être fait en janvier », indique Jean-Bruno Obambi.

En 2012, Jean-Bruno Obambi a racheté les trois filiales au groupe BinLadin, qui souhaitait se recentrer sur la construction, pour moins de 10 millions de dollars, avance un banquier

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Afin de reprendre l’initiative, Azur mise sur l’obtention d’un financement de 12 millions de dollars (11 millions d’euros) apportés par l’équipementier chinois Huawei. « Il est en cours de finalisation », avance l’homme d’affaires. Malgré les difficultés, il n’entend pas abandonner. Il faut dire qu’une belle plus-value est encore envisageable. En 2012, « Jean-Bruno Obambi a racheté les trois filiales au groupe BinLadin, qui souhaitait se recentrer sur la construction, pour moins de 10 millions de dollars », avance un banquier. Selon lui, Azur vaudrait en fait entre 40 et 50 millions de dollars – Jean-Bruno Obambi parle lui de 100 millions. Mais son propriétaire sait qu’il doit encore développer son activité s’il veut trouver preneur. Isabel dos Santos, fille du président angolais, s’était un temps montrée intéressée avant de renoncer. Jean-Bruno Obambi évoque aussi des contacts avec le groupe Viettel, sans qu’une autre source ne puisse le confirmer.

Pour l’heure, l’homme d’affaires congolais mise sur le lancement d’offres internet pour doper le nombre d’abonnés et le chiffre d’affaires de ses trois filiales, détenues via un holding basé à Dubaï. En attendant de déployer un réseau 3G en Centrafrique et de décrocher des licences 3G et 4G au Congo et au Gabon, le groupe a pris des participations dans les fournisseurs d’accès Millenium Telecom en Centrafrique et Wifly au Gabon et au Congo, qui offrent des services haut débit grâce à la technologie WiMax.

Jean-Bruno Obambi, dans les pas de son frère

Avant d’acquérir Azur, en 2012, Jean-Bruno Obambi, diplômé de l’École polytechnique de Montréal, a évolué dans l’ombre de son grand frère, Paul, fondateur du conglomérat Sapro (évalué à 1 milliard de dollars) et président de la chambre de commerce de Brazzaville. En dehors des télécoms, celui-ci est impliqué dans la gestion de tours d’habitations et de bureaux à Brazzaville et Pointe-Noire et possède en France une PME qui vend des cartes téléphoniques aux diasporas africaines sous la marque NoSim.

Très proche du président congolais, la famille Obambi avait réalisé, en tant qu’actionnaire minoritaire, une belle plus-value au moment de la vente par Mo Ibrahim de l’opérateur télécom Celtel Congo au koweïtien Zain.

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