Le français Engie se réveille en Afrique
Présent uniquement au Maroc et dans la nation Arc-en-Ciel, le géant de l’énergie ouvre une direction consacrée au continent. Parmi ses priorités, l’électricité renouvelable.
Jusqu’ici, les activités d’Engie (ex-GDF-Suez) en Afrique se résumaient globalement à deux projets phares, inaugurés au cours de l’année écoulée : le parc éolien de Tarfaya, dans le sud du Maroc (300 MW, en coentreprise à part égale avec Nareva), et celui de West Coast One, en Afrique du Sud (près de 100 MW, il en possède 43 % aux côtés de partenaires locaux).
Le géant français, jusqu’à présent assez frileux au sud du Sahara, veut désormais accélérer le pas. Il s’appuiera pour cela sur une nouvelle direction Afrique, officiellement en place depuis le 1er janvier. Certes, sa création découle avant tout d’une réorganisation géographique de l’ensemble des activités internationales du groupe, mais cette business unit forte de 80 personnes dirigées depuis Paris ambitionne de saisir les nombreuses occasions qui se présentent dans la production électrique et les services sur le continent.
Des projets confidentiels
« Le projet d’Engie, c’est d’être un architecte de la révolution énergétique, de devenir un acteur de référence dans cinq à dix pays », expose Bruno Bensasson, directeur de cette nouvelle entité, soulignant que 1 300 MW de projets supplémentaires sont en cours de construction. Ce polytechnicien, jusqu’ici chargé d’une structure spécialisée dans les énergies renouvelables en Europe, refuse de livrer une liste exhaustive des pays prioritaires, mais accepte de citer la Côte d’Ivoire (où le groupe vient d’ouvrir un bureau), le Cameroun, le Mozambique, l’Éthiopie et l’Égypte.
Même flou concernant les projets : le groupe étudie de nombreuses possibilités, du Ghana et au Kenya en passant par le Gabon et le Sénégal, mais tout cela reste confidentiel. Rien d’étonnant, selon un expert interrogé par Jeune Afrique. « Engie est présent dans beaucoup de dossiers sans que l’on sache ce qui l’intéresse vraiment, admet-il en évoquant la culture de l’entreprise. C’est un grand groupe très compliqué. De la fusion [entre Gaz de France et les activités énergie de Suez, en 2008], son organisation garde une certaine « balkanisation ». On ne sait jamais très bien qui décide. » Ainsi Bruno Bensasson, si « brillant et dynamique » soit-il, pourrait être confronté à des blocages internes. Hasard ou non, il ne peut communiquer d’objectif de chiffre d’affaires. « Il est un peu trop tôt pour le dire, on a un monde à construire », dit-il, admettant viser une évolution de l’excédent brut d’exploitation collant au minimum à la croissance de la région, soit 5 % à 6 %.
Deux points sont néanmoins clairement tranchés. Le groupe, qui exploite des réacteurs nucléaires en Belgique, ne s’impliquera pas dans l’atome sur le continent, contrairement à son compatriote Areva en Afrique du Sud. Même conclusion quant au charbon. « Engie a pris cette décision au niveau mondial, rappelle Bruno Bensasson. Nous poursuivrons cependant le projet de Safi » – une centrale à charbon « propre » prévue pour 2018 au Maroc et qui totalise 2,6 milliards de dollars (environ 2,4 milliards d’euros) d’investissement.
Du gaz et des énergies renouvelables
À l’inverse, les énergies renouvelables figurent parmi ses priorités, qu’elles soient éoliennes, solaires, hydrauliques ou issues de la biomasse. « Nous irons jusqu’à quelques centaines de mégawatts au maximum », affirme-t-il. Pour Engie, constructeur et opérateur de centrales énergétiques, les mégaprojets comme le barrage Inga sont ainsi totalement exclus en dehors des études d’ingénierie. Pour cette activité, il pourra compter sur sa société de conseil Tractebel, dont le nom serait plus connu sur le continent que celui de la maison mère, glisse une source.
Globalement, les ambitions d’Engie devraient rencontrer un accueil favorable de la part des autorités comme des partenaires financiers, privés et publics. Car le continent manque encore d’industriels solides, même si, aux côtés de groupes comme EDF (100 MW installés), des acteurs spécialisés tels qu’Eranove ou Globeleq s’y développent. Mais le succès n’est pas assuré non plus, car les grands groupes peuvent manquer de flexibilité ou proposer des projets trop chers.
Engie possède cependant une expertise stratégique dans le gaz. « C’est une importante carte à jouer, ils ont une vision totalement intégrée avec l’exploration – production, le transport, la production d’électricité à partir du gaz, etc. », souligne un spécialiste basé à Paris. Une compétence intéressante pour les pays producteurs mais aussi pour les sous-régions, qui travaillent à la création de pools énergétiques.
EN CHIFFRES
Revenus Monde : 74 , 7 milliards d’euros en 2014 dont 20 % sont tirés du gaz et 50 % des autres énergies et services
Revenus Afrique : 400 millions d’euros (soit 0,5 % du CA) dont près de 100 % proviennent du gaz et du gaz naturel liquéfié
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