Maroc : les 7 chantiers capitaux de Hassan Ouriagli

Sortie de l’agroalimentaire, désendettement, stabilisation du management… Le patron de la SNI a commencé à déployer la nouvelle stratégie du holding marocain. Mais il lui reste encore beaucoup à accomplir.

L’ancien directeur financier de l’ONA est à la tête du groupe royal depuis plus d’un an. © Brahim Taougar

L’ancien directeur financier de l’ONA est à la tête du groupe royal depuis plus d’un an. © Brahim Taougar

fahhd iraqi

Publié le 20 janvier 2016 Lecture : 8 minutes.

Cession du reliquat de la participation dans Danone, changement de la direction de Marjane… La Société nationale d’investissement (SNI), le holding de la famille royale marocaine, revient sous les feux des projecteurs ces dernières semaines. Depuis un peu plus d’un an, Hassan Ouriagli, son nouveau PDG, pose les jalons de la nouvelle stratégie du conglomérat. Une stratégie que le conseil d’administration lui a fixée au lendemain de sa nomination : transformer le groupe en société d’investissement panafricaine. Il s’agit de faire du groupe royal un véritable family office et, surtout, le fer de lance du rayonnement du Maroc en Afrique tel que voulu par le roi Mohammed VI.

Le nouvel homme aux commandes de la SNI a le profil adéquat. Son parcours semble l’avoir préparé à ce défi : ancien directeur financier de l’ONA, autre holding absorbé par la SNI, il a été nommé en 2011 à la tête de la filiale Optorg, spécialisée dans la distribution d’équipements industriels et d’automobiles, pour se familiariser avec les activités opérationnelles ainsi qu’avec les marchés africains. Depuis son retour à la maison mère, le 30 septembre 2014, en tant que PDG, il se tue à la tâche. « Nous avons lancé tant de choses… mais nous avons des priorités, car nous ne pouvons pas tout réaliser en même temps », explique Hassan Ouriagli. C’est dire que le groupe ne manque pas de grands chantiers.

Un groupe tentaculaire © J.A.

Un groupe tentaculaire © J.A.

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1. Fini l’agroalimentaire

Avant l’arrivée du nouveau PDG, le processus de désengagement du secteur agroalimentaire était déjà bien entamé. Le contrôle de Lesieur avait été cédé au français Sofiprotéol (désormais Avril) ; celui de Cosumar au géant singapourien Wilmar, avec un groupement d’investisseurs institutionnels locaux ; et Bimo (biscuiterie) avait été entièrement vendu à l’américain Kraft Foods, aujourd’hui Mondelez. Hassan Ouriagli, lui, a finalisé la cession de Centrale laitière à Danone en deux tranches, dont la dernière a transité par la Bourse de Casablanca. Mais il lui reste encore à trouver preneur pour une société : Sotherma, qui commercialise, entre autres, les eaux Aïn Saïss et Sidi Harazem. Si elle figurait dans la liste des entreprises à céder communiquée en 2010, l’opération ne semble pas à l’ordre du jour.

« Selon le programme initial, la SNI était censée baisser son niveau de participation à moins de 30 % dans ses sociétés agroalimentaires, et non se désengager totalement. Il n’est donc pas exclu que le groupe ait revu ses plans », suppose, sous le couvert de l’anonymat, l’un des rares analystes qui scrutent encore les comptes du holding royal depuis son retrait de la Bourse de Casablanca, en 2010. « Pour Sotherma en tout cas, le groupe va certainement prendre son temps afin de trouver la bonne opportunité, sachant qu’elle est dans un secteur moins exposé que ceux du sucre, des huiles ou du lait », ajoute-t-il. Du côté de la SNI, on ne dévoile pas ses cartes pour le moment. La discrétion reste un atout pour réussir un deal…

 © DR

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2. Quel partenaire pour Attijariwafa Bank ?

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S’il y a une opération pour laquelle le mystère reste entier, c’est bien la cession partielle d’Attijariwafa Bank. Le groupe royal contrôle la première banque privée du royaume à hauteur de 48 % et, dès 2010, il a annoncé son intention de réduire sa participation à moins de 30 %. Depuis, le marché retient son souffle, attendant de voir qui sera l’heureux élu destiné à devenir partenaire stratégique dans cette banque bien implantée sur le continent.

Depuis l’arrivée de Hassan Ouriagli, l’omerta règne et rien ne filtre sur ce mégadeal. « Je ne peux rien vous dire àw ce sujet », nous lance le PDG de la SNI. Pourtant, en janvier 2015, il a mandaté les banques d’affaires Goldman Sachs et Rothschild en tant que conseillers pour cette opération. Et les analystes projettent déjà un scénario : « Avec l’avènement des banques islamiques en 2016, on pourrait assister à un montage qui consisterait en des participations croisées entre Attijari et un groupe bancaire des pays du Golfe. »

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Quoi qu’il en soit, la cession de quelque 18 % d’Attijari rapporterait à la SNI plus de 12 milliards de dirhams (plus de 1 milliard d’euros). Ce qui ne ferait pas de mal aux finances du groupe…

Pour certaines filiales engagées dans de grands projets de développement, Attijari et Nareva en l’occurrence, le niveau d’endettement risque de s’aggraver

3. Objectif désendettement

Les produits des différentes cessions réalisées ont considérablement contribué à la réduction de l’endettement de la SNI. Depuis fin 2010, les dettes de la société se sont réduites de moitié pour s’établir, fin 2014, à quelque 12 milliards de dirhams (plus de 1 milliard d’euros). Au 30 juin 2015, elles ne représentaient plus que 9,5 milliards de dirhams, ce qui fait dire au président Ouriagli que « l’endettement n’est plus un handicap ».

Mais si, au niveau de ses comptes sociaux, la SNI arrive désormais à contenir ses dettes, la maîtrise de l’endettement global du groupe reste un véritable défi pour le nouvel homme fort du holding royal. Les dettes financières s’élèvent à quelque 18 milliards de dirhams, représentant près de 40 % des capitaux propres. Et pour certaines filiales engagées dans de grands projets de développement, Attijari et Nareva en l’occurrence, le niveau d’endettement risque de s’aggraver en raison des investissements prévus. « Trouver un juste équilibre entre l’optimisation de l’utilisation des fonds propres et le recours à l’endettement est un enjeu permanent pour les groupes de cette taille », justifie notre analyste, qui estime que le groupe royal est sur la bonne voie.

4. Une rentabilité à améliorer

La réduction du périmètre de consolidation a bien évidemment affecté les indicateurs financiers du holding. Le chiffre d’affaires consolidé de la SNI s’est réduit comme peau de chagrin avec la sortie de grandes sociétés comme Centrale laitière, Lesieur ou Cosumar. Fin 2014, il s’établissait à 33,88 milliards de dirhams, alors qu’il culminait à 50,4 milliards de dirhams en 2011. « Il devrait néanmoins se stabiliser en 2015, puisqu’il n’y a pas eu de grand changement de périmètre, anticipe notre source. Et il ne peut qu’aller en s’améliorant grâce aux retombées futures de certaines filiales, telle Nareva. » Côté résultats également, les dernières années avaient été marquées par les plus-values dégagées des cessions des filiales agroalimentaires, mais le cycle avait déjà pris fin en 2014. À la clôture des comptes à ce même moment, le résultat net part du groupe avait reculé de 6,2 milliards (en 2013) à 3,6 milliards de dirhams. « Et la tendance devrait se poursuivre en 2016, prédit l’analyste. En attendant que des filiales comme Nareva commencent à dégager des bénéfices et que la stratégie africaine porte ses fruits. »

5. Pour un management stabilisé

La nouvelle avait pris tout le monde de court début décembre 2015. Moins d’un an après sa nomination en tant que PDG de Marjane, Abdellah Tabat était démis de ses fonctions. Ni le groupe ni l’intéressé n’ont fourni d’explications. Pourtant, Tabat faisait partie des nouveaux hommes du président. Débauché chez le français Cegelec, ce polytechnicien de 54 ans était présenté comme une future star du holding royal et devait mener l’expansion de Marjane en Afrique, notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en Tunisie. Son débarquement remet au goût du jour la question de la stabilisation du management. Surtout que, depuis son arrivée, Hassan Ouriagli a lancé un véritable jeu de chaises musicales autour des fauteuils de PDG des filiales. Outre Marjane et Optorg, quatre autres sociétés ont dû changer de leader : Wana, Wafa Assurance, Sonasid et Sotherma. Le patron a également injecté du sang neuf dans la structure du holding en nommant, en juin 2015, Noufissa Kessar directrice exécutive de la SNI. Soucieux de renforcer la gouvernance, Ouriagli a également initié la mise en place de quatre comités spécialisés respectivement dans la stratégie, l’audit, la nomination et le mécénat.

La SNI a annoncé porter sa contribution dans l’association Injaz Al-Maghrib – qui encourage l’entrepreneuriat dans le royaume – à 50 %

6. Comment redorer son blason

Avec son retrait de la Bourse, la SNI avait déjà disparu des radars de la communauté financière. Et grâce à la cession de ses sociétés opérant dans l’agroalimentaire, le groupe royal s’est retiré du secteur des produits de grande consommation qui alourdissent le panier de la ménagère. Enfin, en s’abstenant de réaliser des opérations de grande ampleur, « la SNI s’est débarrassée de son image de prédateur », affirme notre analyste. Tous ces éléments combinés ont permis au holding de redorer son blason. Et les efforts continuent sous l’ère Ouriagli, qui a pris en main le chantier de la responsabilité sociale : la SNI a annoncé porter sa contribution dans l’association Injaz Al-Maghrib – qui encourage l’entrepreneuriat dans le royaume – à 50 %.

7. À la conquête de nouveaux marchés africains

« Le développement en Afrique, c’est notre priorité du moment. Nous étudions de près toutes les opportunités qui se présentent, que ce soit pour les filiales déjà implantées sur le continent [Attijari, Managem, Optorg…] ou pour celles qui évoluent dans d’autres secteurs comme l’énergie ou la grande distribution. » Hassan Ouriagli sait qu’il doit sa promotion, entre autres, à sa connaissance du continent : il a contribué à la percée spectaculaire de la société de distribution Optorg en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Mais depuis son arrivée, le manager n’a pas encore réalisé de grand coup sur le continent. « On ne va pas se précipiter juste pour l’effet d’annonce », rétorque-t-il, se disant serein quant à la réalisation des objectifs fixés dans le cadre de sa stratégie africaine. Quelques mois après sa nomination, Ouriagli annonçait qu’il allait orienter la moitié du budget d’investissement du groupe vers l’Afrique. « Pour l’heure, il est loin du compte, mais tout peut aller très vite », commente notre source. Et d’ajouter : « Surtout que, dans son approche africaine, la SNI n’exclut pas de se lancer dans de nouveaux métiers comme la santé ou l’éducation. »

Le duo gagnant du nouveau président

Comme tout grand patron qui se respecte, Hassan Ouriagli dispose de sa garde rapprochée. Un duo de confiance. L’un, Abdelmajid Tazlaoui, est depuis plusieurs années au service du groupe. Arrivé en 2006 pour relancer le pôle immobilier et touristique via Onapar, ce quinquagénaire a pris du galon depuis le changement à la tête de la SNI. C’est lui qui a repris les mandats de Hassan Bouhemou (ancien président du holding royal) en tant qu’administrateur dans trois autres filiales du groupe.

Et pas n’importe lesquelles : Attijariwafa Bank, Marjane et Inwi, les trois sociétés dans lesquelles il avait été impliqué. Pour toutes, le foncier constitue un élément stratégique crucial. L’autre personnage clé du dispositif d’Ouriagli est une novice au sein de la maison mère, mais elle compte vingt-cinq ans d’expérience chez Attijari, aile bancaire du holding. Noufissa Kessar, directrice exécutive de la SNI depuis juin 2015, est réputée être une financière d’exception : ex-directrice de la division groupe, elle a été aussi à l’origine d’Attijari Finances Corp.

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