France : déchéance de nationalité, la nausée

Monsieur le président de la République, je condamne votre initiative hasardeuse, fortement teintée de calculs politiciens et d’inefficacité pratique, de changer la Constitution.

photo Farid Benlagha
  • Farid Benlagha

    Diplômé de l’École centrale de Marseille, Farid Benlagha fut analyste financier avant de se lancer dans le management d’artistes et la production de concerts à Alger et en Afrique (Stromae, David Guetta, etc.). Il est le créateur de l’agence 2Rives Conseil, à Paris.

Publié le 13 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

Cette initiative restera dans l’histoire de notre pays comme une page sombre, écrite par un homme politique se disant de gauche mais rallié à une proposition qui est assurément un marqueur de l’extrême droite. Vous l’aviez d’ailleurs critiquée avec véhémence lorsque, en 2010, elle avait été relancée, sans résultat, par Nicolas Sarkozy. Lequel n’avait pourtant pas osé lui conférer l’ampleur que vous souhaitez aujourd’hui lui donner. Tout cela me donne la nausée.

Je suis né français, d’un père algérien naturalisé dans les années 1970 – il avait vu le jour pendant la période coloniale et n’avait longtemps été qu’un citoyen de seconde zone. Josiane, ma mère, est en revanche une pure « gauloise », fille de cette belle région de Bretagne qui a toujours manifesté son aversion pour le Front national, ce dont je ne suis pas peu fier.

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Pendant la Seconde Guerre mondiale, mes deux grands-pères étaient sur le champ de bataille. Le Breton a été fait prisonnier en 1940, puis détenu pendant cinq ans dans des camps d’internement allemands.

Le second, l’Indigène, l’Arabe, a combattu au sein de l’Armée française aux côtés de ses frères d’armes, ces tirailleurs algériens, tunisiens, marocains, sénégalais ou autres, qui, après avoir combattu en Italie, ont libéré la Corse, débarqué en Provence en 1944, remonté le Rhône puis traversé le Rhin. Il a même participé à la libération des camps.

J’ai grandi avec cette image structurante de deux grands-pères unis par une histoire commune dont je suis aujourd’hui l’héritier. Je me sens triplement français : par le sol, par le sang et par l’Histoire. Comment pourrais-je admettre que, demain, on m’impose un statut inférieur à celui d’anciens camarades de classe, d’amis, de voisins, d’inconnus que je croise dans la rue et dont certains sont peut-être, malgré eux, les descendants d’anciens collabos ?

Oui, la force du symbole compte. Et ce symbole nous fait mal

Votre projet ravive les ressentiments les plus lointains, souffle sur les braises de la discorde. Il brise nos repères. Ceux que la République a de tout temps défendus : unité de la nation, égalité de ses citoyens, indifférence aux origines des uns et des autres. Ce qu’étaient nos parents, ou ce qu’ils ont pu faire, elle ne nous en rend pas responsables. Nous naissons et grandissons en France, et cette France nous unit dans l’égalité.

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Votre projet remue chez des millions de binationaux des histoires personnelles, parfois semblables à la mienne. Ils se sentent violentés par cette réforme. Oui, la force du symbole compte. Et ce symbole nous fait mal.

Par ailleurs, sans revenir sur les nombreux arguments qui plaident contre votre initiative, pensez-vous vraiment que des pays tiers accepteront de recevoir sur leur sol des Français, certes binationaux, mais nés, élevés et scolarisés en France, et dont celle-ci ne voudrait plus ? Ces pays, monsieur Hollande, ne sont pas vos poubelles !

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Je vous accuse de vouloir introduire dans la Constitution les germes de la discrimination, d’établir entre les citoyens des différenciations qui constituent le terreau sur lequel le racisme peut prospérer. Vous porterez ce fardeau à vie. L’Histoire vous jugera pour cela. Et nul doute qu’elle vous condamnera.

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