Tunisie : Mohamed Bouazizi, un symbole en cendres

L’immolation par le feu de ce marchand ambulant a été le point de départ des révolutions arabes. Mais avant de faire le tour des réseaux sociaux, son histoire avait été réécrite…

À Sidi Bouzid, sa ville d’origine, le jeune homme était une idole. © MADS NISSEN/PANOS-REA

À Sidi Bouzid, sa ville d’origine, le jeune homme était une idole. © MADS NISSEN/PANOS-REA

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 19 janvier 2016 Lecture : 1 minute.

En mars 2011, dans une rue de Sfax. Depuis, et malgré le chemin parcouru, l’heure n’est plus au romantisme. Cible des critiques : les politiciens. © EMILIO MORENATTI/AP/SIPA
Issu du dossier

Tunisie : la révolution, cinq ans après

Une économie paralysée, une classe politique dépassée, une jeunesse déboussolée… L’espoir suscité par la chute de Ben Ali en 2011 a laissé place à une profonde désillusion. Pourtant, la flamme de la révolution n’est pas près de s’éteindre.

Sommaire

Son geste désespéré a frappé les esprits et son nom est passé à la postérité universelle. En s’aspergeant d’essence devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010, pour protester contre la saisie de son chargement de fruits et légumes, qu’il vendait sans autorisation, puis en s’immolant par le feu, Mohamed Bouazizi aura été l’étincelle des révolutions arabes. Décédé le 4 janvier 2011, il a été immédiatement érigé en symbole de la dignité bafouée par l’arbitraire de la dictature. Des places et des avenues ont été renommées à sa mémoire. Mais il ne fait aujourd’hui plus recette, et l’évocation de son nom suscite sarcasmes ou exaspération, même dans sa ville d’origine. Mohamed Bouazizi est devenu l’idole consumée de la révolution.

Manoubia, la mère, et les sœurs du martyr ont déménagé dans la banlieue de Tunis, avant de gagner le Canada

S’il est maintenant un symbole gênant pour ses compatriotes, c’est d’abord parce que son histoire propagée sur les réseaux sociaux et dans la presse s’est révélée en partie travestie. Fédia Hamdi, la policière municipale accusée de l’avoir giflé en lui confisquant sa charrette, a bénéficié d’un non-lieu le 19 avril 2011, et les témoins ont reconnu que l’histoire avait été inventée de toutes pièces. Sa famille a menti sur son état civil. L’homme ne s’est jamais prénommé Mohamed : il s’appelait Tarek. Ses proches avoueront que, dépassés par l’affaire, ils n’ont pas voulu contrarier les médias. Par la suite, on leur a reproché d’avoir accepté une transaction financière avec le régime de Ben Ali et leur supposée cupidité après la révolution. En butte à la jalousie et à l’hostilité des habitants du gouvernorat, Manoubia, la mère, et les sœurs du martyr ont d’ailleurs déménagé dans la banlieue de Tunis, avant de gagner le Canada, qui leur a accordé le statut de réfugiés en mai 2014.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image