Tunisie : Elyes Gharbi, la révolution sur un plateau

Passé du divertissement à l’actualité politique, l’homme de télévision s’est démarqué par sa couverture en direct de l’après-14 Janvier. Devenant le symbole d’un nouveau journalisme.

Elyes Gharbi © Facebook/DR

Elyes Gharbi © Facebook/DR

Publié le 19 janvier 2016 Lecture : 3 minutes.

En mars 2011, dans une rue de Sfax. Depuis, et malgré le chemin parcouru, l’heure n’est plus au romantisme. Cible des critiques : les politiciens. © EMILIO MORENATTI/AP/SIPA
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Tunisie : la révolution, cinq ans après

Une économie paralysée, une classe politique dépassée, une jeunesse déboussolée… L’espoir suscité par la chute de Ben Ali en 2011 a laissé place à une profonde désillusion. Pourtant, la flamme de la révolution n’est pas près de s’éteindre.

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Face aux caméras, Elyes Gharbi confie avoir « une boule au ventre ». À 43 ans, le journaliste et présentateur n’en est pas à son premier direct. Mais ce lundi 4 janvier est un jour particulier, qui signe le retour en prime time, sur la chaîne publique El Wataniya 1, de son émission d’actualité Hadith Essaa – un succès d’audience lors de sa première saison, en 2011-2012.

Originaire du nord-ouest du pays, Elyes Gharbi s’est formé à l’Institut de presse et des sciences de l’information de Tunis. De ses débuts à Canal+ Horizons, il y a vingt-trois ans, à son talk-show Ness Nessma, lancé en 2009 sur Nessma TV, il se bâtit une carrière d’animateur et de producteur d’émissions de divertissement. Ce créneau lui permet d’échapper à la censure du régime Ben Ali, qu’il défie dans la rue en 2010, accompagné de son épouse, la comédienne et humoriste Sawsen Maalej.

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Pour lui comme pour toute la profession, le 14 janvier 2011 constitue un tournant. Attaqués par une opinion qui leur reproche d’être soumis à l’ancien régime, les médias cherchent leurs marques dans ce nouveau contexte tout, désormais, peut être dit… sans qu’on sache forcément comment le dire.

Il maîtrise ses entretiens même quand il pousse son interlocuteur dans ses retranchements, et fait de l’audience sans populisme, s’agace légèrement un confrère

Avec les équipes de Nessma TV, Gharbi assure au pied levé la couverture de la révolution. Il devient une figure phare de la télévision, impose un ton, une « Gharbi touch » qui sera reprise par des journalistes plus jeunes. « Il maîtrise ses entretiens même quand il pousse son interlocuteur dans ses retranchements, et fait de l’audience sans populisme, s’agace légèrement un confrère. Il est énervant tant cela semble facile pour lui ! »

Facile ? Ce n’est pas dit. Elyes Gharbi est un boulimique d’information, qui s’appuie sur une petite rédaction pour peaufiner ses angles et s’entretient aussi bien avec les principaux acteurs politiques du pays qu’avec des anonymes dans la rue. « Il est surprenant, juge un collaborateur. Il délègue, mais il a toujours une idée sur la question. »

Après le 14 janvier

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Après la révolution, l’enfant de la télé veut changer d’air. Il fait ses débuts à la radio sur Express FM puis sur Shems FM, avant de revenir à la télévision en 2012 avec Hadith Essaa. Il repasse ensuite chez Nessma TV, puis s’installe sur El Hiwar Ettounsi jusqu’en octobre 2015. Chaque fois, le public suit celui qui a provoqué des débats mémorables lors des campagnes électorales et animé les grandes soirées des résultats. « Gharbi ne prend pas les téléspectateurs pour des dupes. Il décrypte l’information, la simplifie et la rend intelligible avec beaucoup de bon sens », estime une fan. Le succès ne l’a pas changé : il continue d’adopter une neutralité courtoise, affirme prendre du recul entre deux employeurs ou deux émissions, et entend, tout en côtoyant les hommes politiques, demeurer à égale distance de tous.

Un peu désabusé, le journaliste porte un regard critique sur sa profession. « Passé l’euphorie post-14 Janvier, le ver était dans le fruit, dit-il. Les patrons de médias privés font des choix politiques et financiers qui tournent le dos aux valeurs du métier. En face, le service public est fragile, patine dans une gestion à l’ancienne et doit relever d’importants défis technologiques. » L’homme n’hésite pas à s’exprimer comme un simple citoyen sur les réseaux sociaux quand la coupe est pleine. « La Tunisie n’a pas choisi un chemin facile et elle a souffert des tiraillements et des orientations des partis et des gens au pouvoir, constate-t-il. Le concordat national est extrêmement fragile. On marche sur des œufs, et certains sur la tête. » Voilà qui est dit.

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