Musique malienne : Kandia Kouyaté, la résurrection

Frappée par un AVC en 2004, la grande griotte malienne a longtemps cru sa carrière achevée. Elle revient plus forte que jamais avec un nouvel album, « Renascence ».

Cover de l’album © Syllart Records

Cover de l’album © Syllart Records

leo_pajon

Publié le 14 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

On ne remarque rien, d’abord. Peut-être seulement une paupière qui peine à se fermer. Kandia Kouyaté rayonne dans son boubou rose et or. Et lorsque la griotte soudain, en plein entretien, se lance dans une improvisation spontanée en mêlant votre nom à son chant, on tombe sous le charme. On mesure aussi le talent, le charisme intact et les efforts qu’il a fallu à cette survivante pour retrouver sa voix.

En 2004, Kandia Kouyaté a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Du jour au lendemain, la descendante de Balla Fasséké Kouyaté, le premier griot du mandingue, s’est retrouvée incapable de parler. En perdant sa voix, elle perdait tout. Elle qu’on surnommait La Dangereuse, qui s’imposa sur les scènes musicales d’Afrique de l’Ouest dès ses 20 ans dans les années 1980 avec des chansons d’amour (la marque de fabrique de Kita, sa ville natale, dans le sud-ouest du Mali) et de prières. Elle qui envoûta son public, au point que le milliardaire Babani Sissoko lui offrit une voiture… et moins d’une semaine après, un petit avion ! Elle que le producteur de musique Ibrahima Sylla tenta de convaincre pendant plus de neuf ans de réaliser un album.

la suite après cette publicité

Succès

« Sylla est venu me dire : « Je veux aller en studio avec toi, il faut que tu mènes une carrière internationale. » Mais tout allait bien pour moi, je gagnais beaucoup d’argent, j’avais du succès, je ne voyais pas l’intérêt de tout ça. » Lorsque finalement la diva se laisse amadouer, deux albums majeurs de la musique africaine traditionnelle voient le jour : Kita Kan (« la voix de Kita », en malinké) en 1999, suivi de Biriko (2002), qui connaissent un très large succès.

Dieu seul sait quand tu devras arrêter de chanter

Son AVC semble mettre un terme à sa fabuleuse carrière, sa page Wikipédia, toujours non actualisée, continue d’ailleurs de supposer qu’elle ne pourra plus jamais ni chanter ni enregistrer. Ibrahima Sylla passe pourtant lui rendre visite au Mali. « Il m’a lancé : « Kandia, il faut revenir, les gens ont besoin de t’entendre à nouveau. » Je lui ai répondu que non, que c’était fini pour moi. Mais il m’a dit : « Tu n’as même pas commencé, comment peux-tu dire que c’est fini ! Dieu seul sait quand tu devras arrêter de chanter. » »

Une nouvelle fois, à force de persuasion et d’insistance, le producteur réussit à convaincre la ngara (artiste exceptionnel qui possède un charisme, une aura presque magique). Mais Sylla, lui-même atteint par la maladie, s’éteint en 2013, avant la réalisation de l’album. « Les enregistrements étaient plus ou moins terminés, mais il fallait retourner en studio, note Binetou, la fille d’Ibrahima, aujourd’hui à la tête de Syllart Records. Kandia et l’arrangeur français François Bréant m’ont tout de suite dit qu’ils étaient d’accord pour mener le projet à terme. Cela me tenait d’autant plus à cœur que Kandia est la dernière griotte de son importance, la seule à rester dépositaire de cette tradition. »

la suite après cette publicité

Kandia renaît enfin, « plus forte qu’avant la maladie », comme elle l’avoue sans détour. Déjà célébré par la critique anglo-saxonne (4 étoiles dans le Guardian et le Financial Times), l’album oscille entre arrangements traditionnels (kora, n’goni, balafon) et modernes (guitare électrique) en valorisant toujours la voix majestueuse de la griotte. « Maintenant je n’ai qu’une hâte, c’est de refaire un concert. Je peux vivre à nouveau. »

>> Renascence, de Kandia Kouyaté (Syllart Records/Sternes).

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image