Mona Gassou, l’art et la matière
Ancienne traductrice et ancienne commerciale, elle a décidé de laisser parler sa fibre artistique. Inspirée par l’Afrique, elle crée des bijoux à son image : surprenants.
Mona Gassou façonne des bijoux à son image, aux multiples facettes. Vous pensez avoir en main une bague bleue, inclinez-la et la lumière vous révélera un relief ou une profondeur inattendue, un éclat d’or vous titillera l’œil, dévoilant des nuances que vous n’aviez pas perçues, et vous plongera dans un kaléidoscope de coloris enivrant. Tout en énergie et en douceur, la créatrice nous accueille au cœur de son antre, un atelier installé dans le très branché quartier du Marais, à Paris, non loin de la place des Vosges.
Ancienne traductrice, qui fut aussi commerciale pour une entreprise américaine spécialisée dans le plastique, Mona Gassou aime jouer avec les matières et les couleurs comme elle jongle avec les langues. Pour ses luxueux bijoux fantaisie (valant entre une centaine d’euros pour une paire de boucle d’oreilles et plusieurs milliers d’euros pour une parure ou une pièce élaborée), cette femme active trilingue (elle parle l’arabe, le français et l’anglais) a choisi de travailler la résine pour sa légèreté et sa maniabilité.
Elle y intègre délicatement des feuilles d’or, le plus souvent, mais aussi de la dentelle, parfois. « Avec la résine, il n’y a aucune limite à la créativité. On peut en faire ce que l’on veut… enfin presque, affirme-t-elle jovialement. C’est une matière qui crée parfois des surprises et ne réagit pas toujours comme on l’espère, mais c’est là son principal intérêt. On joue avec la résistance, la magie opère et donne à chaque pièce son originalité. »
Impossible de confectionner deux fois le même bijou, s’enorgueillit Mona Gassou, qui tient au caractère unique de chaque création. « Les femmes qui viennent chez moi savent ce qu’elles veulent : des bijoux qu’elles seules peuvent porter au quotidien ou lors d’occasions particulières et que leurs amies admireront. Elles ont souvent une idée en tête, nous en discutons ensemble et je confectionne quelque chose d’original », détaille celle qui s’est formée auprès d’artisans français et qui conçoit également des chapeaux, discrets ou extravagants, toujours chics, à porter par temps de pluie ou sous un soleil éclatant, en toile ou en feutre taupé. Et qu’une modiste réalise pour elle. Des pièces qui ornent le sous-sol de son atelier, véritable caverne d’Ali Baba chatoyante à laquelle on accède par un étroit escalier en colimaçon débouchant sur une petite pièce voûtée.
Une éducation multiculturelle
Grâce à un bouche-à-oreille efficace et à un bon réseau familial (son mari travaille dans le négoce de matières premières en Afrique de l’Ouest), elle a su se construire une petite clientèle fidèle qu’elle espère désormais voir prospérer. « Mes deux enfants sont grands maintenant, explique cette mère de 48 ans épanouie. J’ai davantage de temps pour moi et j’entends bien le mettre à profit pour travailler davantage et développer mon entreprise. » Première étape : ouvrir un nouveau site (justart.paris) pour capter un public plus large, lui permettant d’atteindre un chiffre d’affaires compris entre 100 000 et 150 000 euros. Seconde étape : renouveler l’expérience de 2015 et participer aux Black Fashion Weeks qui se développent en Europe, notamment à celle de Londres. « Les anglophones adorent les chapeaux ! Et c’est le moment de la mode africaine », remarque la native de Casablanca, fille d’une Marocaine ex-sage-femme de la famille royale, et d’un Ghanéen, ancien diplomate, proche de Kwame Nkrumah.
Grandir dans une famille multiculturelle a façonné la jeune métisse et ses deux sœurs cadettes : « Ma mère parlait arabe, mon père anglais, et ils communiquaient ensemble en français. À la maison, mes parents recevaient des gens du monde entier. Cela nous paraissait naturel de vivre dans une société cosmopolite, mais ça ne l’était pas pour tout le monde », confie-t-elle. Épouse d’un Togolais rencontré à Paris alors qu’elle étudiait les langues à la Sorbonne, elle n’a jamais oublié les insultes adressées à sa mère qui s’était mariée avec un non-musulman, noir de surcroît. « Aux yeux de certains Marocains, elle était une prostituée », se souvient-elle.
Installée pendant une dizaine d’années aux États-Unis avec son mari et ses enfants, Mona Gassou a choisi de vivre à Paris, où elle a pu développer sa fibre artistique. Collectionnant les passeports (elle a les nationalités ghanéenne, française, marocaine, et espère obtenir celle de son mari, la même que celle de sa grand-mère maternelle), elle se rend régulièrement au Maroc, au Togo et au Ghana, où sont ses attaches, où elle puise son inspiration. Même si ses créations ne correspondent pas à ce que d’aucuns attendent d’une esthétique africaine. Une manière, bien à elle, d’inscrire son africanité dans une universalité plus large et de montrer que la mode du continent ne se résume pas au wax ou au caftan.
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