Afrique du Sud – Livres : « En vrille » de Deon Meyer, un polar bien charpenté

« En vrille », le dernier polar du sud-africain Deon Meyer, plante son décor dans le milieu viticole.

Couverture de « En vrille ». © Seuil

Couverture de « En vrille ». © Seuil

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Publié le 18 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

« Elle est venue demander la recette du gratton de Lormont. C’est la véritable terrine de porc bordelaise qui fait la renommée de Bernard, une vieille recette traditionnelle. Le grenier médocain, cette roulade de panse de porc qu’il prépare lui-même, est sans conteste le meilleur du monde. Elle raconte tout ça avec l’accent de Pretoria. » Ces quelques phrases pourraient sortir d’un roman de l’Américain Jim Harrison ou du Catalan Manuel Vázquez Montalbán, deux écrivains portés sur la bonne chère, mais elles sont en réalité extraites de En vrille, dernier opus en date de Deon Meyer, qui doit aussi avoir un bon coup de fourchette.

Comme ses illustres collègues, le serial auteur de polars sud-africain sait bien qu’il n’est pas de bon repas sans une bouteille de vin soigneusement choisie pour l’accompagner. Pas comme son héros récurrent, le capitaine Bennie Griessel, qui lui préfère s’envoyer en douce des mignonnettes de whisky bon marché, au risque de sombrer à nouveau dans l’alcoolisme – sa seule défense contre les malheurs du monde auxquels son métier de policier le confronte.

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Histoire d’alcool

On l’aura deviné, En vrille est une histoire d’alcool – de millésime, de piquette, de dépendance – et de mort. Les enquêteurs cherchent à savoir qui a bien pu tuer un jeune entrepreneur du web dont l’entreprise était spécialisée dans la fourniture d’alibis aux maris volages… Comme à son habitude, Deon Meyer ausculte avec efficacité la société sud-africaine contemporaine, sa violence économique et sociale, ses fractures raciales et le poids omniprésent de son histoire tourmentée. Habilement ficelée, l’intrigue tient en haleine l’amateur de romans policiers sensible aux rebondissements soudains, aux péripéties de l’enquête. Et aux personnages déglingués par la vie. Mais En vrille a un autre intérêt, celui d’offrir en arrière-plan un vaste panorama historique sur la production viticole sud-africaine.

Si aujourd’hui les vins de qualité produits en Afrique du Sud sont légion, ce ne fut pas toujours le cas. À travers la vie de deux générations de viticulteurs, Deon Meyer nous raconte comment, en l’espace de quelques années, les vignerons sont passés d’une production quantitative achetée en masse, selon un système de quotas, par la KWV (Koöperatieve Wijnbouwers Vereniging) – « le bras armé de l’État dans l’industrie vinicole » – à une production locale appliquée, destinée à l’exportation ou aux meilleures tables du pays. De là à produire du château-lafite, il y a un pas… que l’auteur n’hésite pas à franchir -, mais en dire plus reviendrait à trahir l’un des ressorts d’une intrigue aux saveurs de fruits rouges, légèrement boisée et bien charpentée.

9782021236644

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En vrille, de Deon Myer, éd. Seuil, 466 pages, 22 euros. 

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