Cinéma – Arche de Zoé : « Les chevaliers blancs », chronique d’un scandale humanitaire
Avec « Les Chevaliers blancs », Joachim Lafosse revient sur l’affaire de L’Arche de Zoé, sans se pencher sur ce qu’ont pu en penser les Tchadiens.
Impossible de ne pas se souvenir de cette incroyable affaire de L’Arche de Zoé qui défraya la chronique au Tchad et en France en 2007. Un couple, Éric Breteau et Émilie Lelouch, avait créé une association humanitaire, L’Arche de Zoé, afin de venir au secours d’enfants originaires de la zone de guerre du Darfour. Ils prétendaient alors avoir le soutien du Haut-Commissariat aux réfugiés, dépendant des Nations unies, et celui des autorités de N’Djamena et de Paris. Au Tchad, l’association proposait de scolariser et de soigner les enfants de moins de 5 ans dans leur pays. En France, elle promettait, dans le plus grand secret, des orphelins à des familles françaises désireuses d’adopter. Mais juste avant qu’une centaine d’enfants n’embarquent pour Paris, tout a capoté : il est apparu que l’opération était totalement clandestine et que, de surcroît, la plupart des orphelins avaient en fait au moins un père ou une mère.
L’affaire vue par les Européens
Un bon scénario pour un film ? On pouvait le penser d’autant plus que Joachim Lafosse, le réalisateur belge des Chevaliers blancs, une version à peine romancée de cette incroyable histoire, a déjà connu le succès avec plusieurs films exigeants et pouvant attirer un assez large public dans la veine des longs-métrages sociaux et humanistes des frères Dardenne. Le film est en effet fort bien réalisé et nous fait assister sans être jamais ennuyeux et avec de belles images aux dérapages de cette équipée prétendument humanitaire qui a tourné à la tentative d’enlèvement d’enfants africains.
Il est par ailleurs remarquablement joué par une pléiade d’acteurs français de premier plan comme Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli ou Reda Kateb. Hélas, tout, ou presque, est vu – même si c’est sans complaisance – à travers les yeux des Européens embarqués dans cette sordide aventure. On ne saura donc jamais, ou à peine, ce que pouvaient penser les « acteurs » tchadiens de cette « aventure », pas plus les enfants que les chefs de village qui les ont confiés ou « vendus » à l’association ou les autres protagonistes locaux de cet inévitable fiasco.
Et on ne pourra guère par là même se faire une opinion sur les questions cruciales que pose un tel sujet : à quelles dérives peut conduire une interprétation extensive de la notion de droit d’ingérence humanitaire ? Un enfant africain qui souffre aura-t-il plus de chances d’être heureux en étant adopté par une famille européenne aisée qu’en restant dans son pays ? Où commence de nos jours le néocolonialisme ?
>> Les chevaliers blancs, de Joachim Lafosse (sortie en France le 20 janvier)
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