Arabie saoudite : Nawal al-Hawsawi, la Rosa des sables

Elle est pilote d’avion, noire, mariée à un Américain blanc… Ce qui lui vaut un torrent d’injures sur Twitter. Mais la jeune femme riposte avec panache.

Nawal al-Hawsawi milite contre le racisme et le sexisme. © DR

Nawal al-Hawsawi milite contre le racisme et le sexisme. © DR

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 22 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

Au pays des Saoud, où les femmes n’ont souvent que le droit de se taire, l’insoumission de Nawal al-Hawsawi à l’ordre machiste et au racisme ambiant lui a valu d’être saluée comme la « Rosa Parks de l’Arabie saoudite ». Tout commence fin 2013 quand, faisant la queue dans un grand magasin de La Mecque, Nawal se fait bousculer par une femme qui veut lui passer devant. Elle proteste. « Abda ! » (« esclave ! »), lui lance la sans-gêne. Car si Nawal, originaire de la ville sainte de l’islam, est saoudienne, elle est noire, ce qui lui vaut cette injure, équivalente à « négro ».

Mais aux États-Unis, où elle a vécu, s’est mariée et a passé un diplôme de pilote d’avion, elle a aussi pris conscience de sa négritude et de la force du droit. Elle attaque son agresseur en justice et, clémente, abandonne ses poursuites quand l’indélicate finit par lui présenter ses excuses. Nawal lance alors le hashtag #abda sur Twitter, qui fait campagne contre le racisme et les violences conjugales. Il compte aujourd’hui 50 000 followers.

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« De l’amour » pour ses détracteurs

Las, en décembre 2015, outrés par tant de succès, ses adversaires se déchaînent et déversent sur sa page des tombereaux de photos de singes, de tribus africaines et autres injures. « Ils sont tombés sur la mauvaise personne ! » dit Nawal. La jeune femme saisit le ministère de l’Intérieur, qui prend l’affaire très au sérieux. Xénophobe et tribaliste, Saudi Conscience, le compte meneur de cette cyberattaque coordonnée, milite pour la « pureté de la race saoudienne ».

« Je représente tout ce qu’ils détestent, résume Nawal. Une Saoudienne qui a épousé un étranger, or ils sont anti-Américains. Mon mari est blanc, je suis noire : ils fustigent les mariages interraciaux. Ils ne peuvent tolérer de voir une femme qui non seulement est capable de travailler et de conduire une voiture [les femmes n’ont pas ce droit en Arabie saoudite], mais possède une licence de pilotage ! » Aussi déterminée que pacifiste, la militante dit son admiration pour Mandela, Martin Luther King et Gandhi, et continue de répondre aux menaces de mort par un discours de tolérance, déclarant ne ressentir « que de l’amour » pour ses détracteurs.

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