Tunisie : Mohsen Marzouk, le revenant

À qui profite la crise au sein de Nidaa Tounes ? À son ancien secrétaire général, qui compte créer un nouveau parti pour attirer les électeurs déçus par le président tunisien.

Le 10 janvier, lors de son meeting au Palais des congrès de Tunis. © ZOUBEIR SOUISSI/REUTERS

Le 10 janvier, lors de son meeting au Palais des congrès de Tunis. © ZOUBEIR SOUISSI/REUTERS

ProfilAuteur_SamyGhorbal

Publié le 25 janvier 2016 Lecture : 3 minutes.

L’ affaire était entendue : Mohsen Marzouk était mort politiquement depuis sa démission du secrétariat général de Nidaa Tounes, en décembre 2015. Passé du statut de lieutenant du président tunisien, Béji Caïd Essebsi, à celui de « traître », il avait en réalité été victime de manœuvres d’appareil orchestrées par le fils du chef de l’État, Hafedh Caïd Essebsi (HCE), et par Ridha Belhaj, le directeur du cabinet présidentiel, son rival de toujours.

Marzouk avait alors théâtralisé sa rupture et réussi à convaincre une trentaine de députés, révoltés par les méthodes du clan HCE, de geler leur adhésion à Nidaa Tounes (certains se sont par la suite ravisés). Il paraissait néanmoins isolé. Le congrès constitutif de « Nidaa-HCE », organisé les 9 et 10 janvier à Sousse, devait offrir l’image d’une famille rassemblée et sceller sa marginalisation définitive. C’est l’inverse qui s’est produit.

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Car Marzouk, de son côté, a organisé, le 10 janvier au Palais des congrès de Tunis, une grande réunion publique concurrente. Et à la surprise générale, son meeting a fait salle comble. Les orateurs ont dénoncé un hold-up démocratique, un retour aux pratiques de l’ancien régime, le népotisme et la trahison des promesses faites aux 1,7 million d’électeurs ayant accordé leurs voix à Béji Caïd Essebsi en décembre 2014…

La veille, à Sousse, Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahdha, était l’invité d’honneur de Nidaa Tounes. Son discours présentant cette formation et Ennahdha comme « les deux ailes de la démocratie » a créé un énorme malaise. Car Nidaa avait fondé toute sa campagne de 2014 sur le thème du « vote utile »… pour faire barrage à Ennahdha. « Les militants avaient accepté, la mort dans l’âme, l’idée d’une cohabitation avec les islamistes faute de majorité absolue à l’Assemblée, explique un parlementaire Nidaa Tounes passé dans le camp des frondeurs. Mais ils n’ont pas supporté que certains veuillent, par intérêt, transformer ostensiblement cette convergence temporaire en alliance, voire en mariage. Car nos deux partis sont aux antipodes l’un de l’autre. »

Marzouk sort gagnant de la crise

La maladresse de HCE n’a rien arrangé. En s’arrogeant le poste de directeur exécutif du parti (alors qu’il avait prétendu, en novembre, qu’il ne serait candidat à rien) et en nommant une petite poignée de fidèles aux postes clés, Essebsi junior a provoqué une cascade de démissions qui a donné à la crise des allures de débâcle. Une dizaine de députés indécis ont rallié les frondeurs et fait perdre à Nidaa Tounes son statut de première formation politique à l’Assemblée, au profit d’Ennahdha. Dans le même temps, Mahmoud Ben Romdhane, ministre des Affaires sociales, a démissionné de Nidaa Tounes, et Saïd Aïdi, son collègue de la Santé, en a gelé son adhésion.

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Marzouk, qui veut reprendre le flambeau originel de Nidaa Tounes et revendique l’héritage moderniste de Bourguiba, apparaît comme le grand gagnant de cette crise. Il a réussi à transformer ce qui était perçu par l’opinion comme une lutte de succession en un combat pour le pluralisme et la démocratie. Il fait le pari que Nidaa Tounes continuera de se déliter, avec ou sans HCE, et que la cassure entre le parti et ses électeurs est définitive. Afin de pousser son avantage, il a donné rendez-vous le 2 mars pour la création d’un nouveau parti. Objectif : être en mesure de présenter des candidats partout aux élections municipales et locales prévues d’ici à la fin de 2016.

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