Sénégal – IAAF : comprendre le Diackgate en trois questions
Des sportifs dopés, la Fédération internationale d’athlétisme éclaboussée… Un bel imbroglio judiciaire et un sacré gâchis ! Voici trois questions-réponses pour y voir plus clair.
Affaire Lamine Diack : corruption et dopage dans l’athlétisme
Du Sénégal à la Russie en passant par Paris, l’affaire Lamine Diack secoue le monde du sport. L’ancien patron de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) fait face à des accusations de corruption pour lesquelles il comparaît à Paris du 13 au 23 janvier. Retour sur les dessous d’un dossier hors normes, entre sport, dopage, business et politique.
« Lamine Diack porte la responsabilité d’avoir organisé et rendu possible [la mise sur pied] d’un système occulte de corruption au sein de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF). » Dans le second volume de son rapport, rendu public le 14 janvier, la commission d’enquête indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA) porte le coup de grâce à la réputation du patriarche de l’athlétisme mondial, déjà compromise depuis sa mise en examen, au début de novembre 2015. Il lui est reproché d’avoir personnellement mis en place à l’IAAF une « structure de gouvernance illégitime » composée d’un carré d’obligés – dont deux de ses fils -, lesquels auraient monnayé l’étouffement de cas de dopage, de la Russie à la Turquie. Un trafic d’influence dont l’AMA estime qu’il n’aurait pu prospérer à l’insu des instances supérieures de l’IAAF. Retour sur l’un des scandales les plus retentissants de l’histoire du sport.
1) Quelles sont les personnalités impliquées ?
Lilya Shobukhova
À la veille des JO de Londres de 2012, cette marathonienne russe de 38 ans affirme avoir versé 450 000 euros, via sa fédération, pour dissimuler au niveau de l’IAAF une forte présomption de dopage. En 2014, elle est tout de même suspendue pour deux ans et menace de tout révéler. Une société gérée par un proche de Papa Massata Diack lui remboursera 300 000 euros. Rendu public en décembre 2014, son témoignage sera à l’origine du scandale
Mis en examen pour corruption, corruption passive et blanchiment, il ne peut quitter le territoire français
Avec l’un de ses fils et deux de ses anciens collaborateurs, celui qui présida la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) de 1999 à 2015 est soupçonné d’avoir retardé la transmission de dossiers de dopage concernant plusieurs athlètes russes en échange de pots-de-vin. Ce Sénégalais de 82 ans a reconnu sur procès-verbal des arrangements financiers avec la fédération russe, même si son avocat dément qu’il puisse y avoir un lien avec des affaires de dopage
Valentin Balakhnichev
Suspendu à vie par l’IAAF
L’ex-patron de la fédération russe d’athlétisme (et ex-trésorier de l’IAAF), 66 ans, aurait été la cheville ouvrière des arrangements financiers occultes avec l’IAAF visant à empêcher la divulgation de cas de dopage. Lamine Diack affirme avoir reçu de lui 1,5 million d’euros
Suspendu à vie par l’IAAF, il se trouve au Sénégal et fait désormais l’objet d’un avis de recherche d’Interpol
Moins connu que son père, cet ancien consultant en marketing pour le compte de l’IAAF est le personnage central du « Diackgate ». D’après des témoignages convergents, il aurait orchestré les arrangements financiers occultes entre l’IAAF et la fédération russe d’athlétisme. Il est également soupçonné d’avoir, avec son frère Khalil – lui aussi recruté comme consultant par son père -, tenté d’exercer un chantage sur une athlète turque soupçonnée de dopage. Il aurait même, selon un e-mail cité par le Guardian, tenté d’obtenir 5 millions de dollars pour favoriser l’organisation des Mondiaux d’athlétisme au Qatar. Dans une interview récente accordée à un média sénégalais, ce quinquagénaire recherché par la justice française a réfuté en bloc ces accusations
Habib Cissé
Mis en examen pour corruption passive
Conseiller juridique personnel de Lamine Diack à l’IAAF, cet avocat sénégalais de 44 ans est soupçonné d’avoir été spécialement mandaté par l’ex-président pour couvrir des pratiques dopantes des athlètes russes contre rémunération. Devant les enquêteurs, il a contesté avoir été informé des arrangements financiers entre Lamine Diack et le président de la fédération russe
Gabriel Dollé
Suspendu cinq ans par l’IAAF, il est mis en examen pour corruption passive
Patron de l’antidopage à l’IAAF de 1994 à 2014, ce médecin français de 74 ans a avoué avoir sciemment ralenti les procédures de suspension pour dopage visant plusieurs athlètes russes. Il aurait perçu pour cela plus de 280 000 euros
2) Où en sont les investigations ?
L’Agence mondiale antidopage (AMA) a mis en place, en décembre 2014, une commission indépendante pour enquêter sur les révélations de la chaîne allemande ARD concernant un système de dopage généralisé chez les athlètes russes. Le second volet de son rapport a été divulgué le 14 janvier. Parmi les points soulevés, le cas de l’athlète turque Asli Çakir Alptekin
Aux JO de Londres, en 2012, la Turque Asli Çakir Alptekin remporte la médaille d’or au 1 500 m. Son gouvernement lui décerne une récompense de 500 000 euros. Un mois après la compétition, elle est informée officiellement qu’elle est soupçonnée de dopage. Entre octobre 2012 et février 2014, selon l’AMA, Papa Massata Diack et Khalil Diack se démèneront auprès de l’athlète et de son entourage pour monnayer 650 000 euros (somme ramenée à 300 000) leur médiation à l’IAAF.
Ils s’engagent en échange à étouffer l’affaire, susceptible de lui valoir une sanction pour dopage. Outre les frais de séjour à Istanbul des frères Diack, l’athlète leur aurait consenti une avance en liquide de 35 000 euros. En vain : le tribunal du sport annulera tous ses résultats à dater de 2010 et prononcera sa suspension jusqu’en 2021
3) Quelle est la chronologie des faits ?
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