Bilan : les tops et les flops de Boni Yayi au Bénin
En dix ans, Boni Yayi a mis une bonne partie du pays en chantier. À l’heure du bilan, que lui laisse-t-il en matière d’infrastructures routières, énergétiques et économiques ?
Bénin : les jeux sont ouverts
Entre un chef de l’État sortant qui ne se représente pas mais qui compte garder la main jusqu’au bout et la multiplication des candidatures, la présidentielle des 28 février et 13 mars s’annonce pleine de surprises.
À son arrivée au pouvoir, en 2006, Boni Yayi avait donné le ton. « Mon ambition est de faire du Bénin un pays de services », avait-il assuré. Deux quinquennats plus tard, tout le monde reconnaît, y compris ses détracteurs, qu’il a été le chef de l’État le plus ambitieux que le Bénin ait connu en matière d’infra-structures. Reste que, pour beaucoup de Béninois, en voulant trop embrasser Boni Yayi a mal étreint.
Le réseau routier élargi
C’est sur le volet routier qu’il a été le plus actif. « En dix ans, le président aura contribué à étendre le réseau routier national de 1 000 km, contre seulement 1 820 km en quarante-cinq ans pour ses prédécesseurs », souligne ainsi Gustave Sonon, le ministre des Travaux publics et des Transports.
Alors que le président Yayi met la pression sur les opérateurs pour que les principaux axes soient achevés avant la fin de son mandat, plus de 950 km de chaussées bitumées ont en effet été construits entre 2006 et 2015 (pour un montant total de 395 milliards de F CFA, soit plus de 600 millions d’euros), et 675 km ont été réhabilités, modernisés ou élargis (pour 458 milliards de F CFA), en particulier autour des principaux corridors qui relient Cotonou aux capitales sous-régionales : deux en direction du nord (l’un vers Niamey, l’autre vers Ouagadougou et Bamako), trois selon un axe est-ouest, permettant de mieux connecter le pays à ses voisins togolais et nigérian. La desserte de Cotonou et la circulation dans la capitale économique ont été considérablement améliorées, avec notamment la construction de trois échangeurs et d’un troisième pont.
Beaucoup fustigent cependant les conditions d’attribution de certains marchés et leur coût. Par exemple, celui de la route Akassato-Bohicon (desserte de l’hinterland), qui a été « réévalué » de 52 milliards à 107 milliards de F CFA, soulevant de virulentes critiques de la part du Syndicat national des travailleurs de l’administration des transports et des travaux publics (Syntra-TTP).
L’autre grande faiblesse de la politique de grands travaux de Boni Yayi est le retard pris dans la livraison de nombreux ouvrages, comme la route Godomey-Pahou, qui devait être achevée en 2013 et ne l’est toujours pas, des axes Pahou-Tori-Allada, Akassato-Bohicon, Pahou-Hillacondji, etc.
Le chantier le plus critiqué en matière de BTP reste cependant celui du nouveau siège de l’Assemblée nationale, toujours en cours de construction, à l’entrée de Porto-Novo, sur la berge de l’Ouémé. Lancé en 2009, il a été suspendu fin 2012 à la suite de la découverte de faits de corruption, qui ont engendré une crise politico-judiciaire et la résiliation du contrat passé avec l’un des principaux entrepreneurs. Les travaux ont repris depuis un an. Plus de 540 ouvriers y travaillent d’arrache-pied, et le chef de l’État ou des membres du gouvernement viennent constater leur avancée presque chaque semaine. Mais, malgré cette mobilisation aux allures de course contre la montre, les bâtiments ne seront pas terminés avant la fin du mandat du président Yayi.
Un bilan mitigé dans le domaine de l’électricité
En matière d’électricité, le bilan est aussi mitigé que les délestages sont récurrents. L’interconnexion Nigeria-Bénin à Sakété, mise en service en 2007 et qui devait fournir 200 mégawatts (MW) au Bénin, n’est pas effective à cause, entre autres, des difficultés du Nigeria à couvrir ses propres besoins. Quand à la centrale de Maria-Gléta, construite par la société américaine Combustion Associates Inc. à Abomey-Calavi, près de Cotonou, elle a non seulement été livrée avec quatre ans de retard, en 2013, mais elle ne tourne toujours pas. Ou si peu.
Entièrement financée par l’État sur fonds propres pour 40 milliards de F CFA, cette centrale thermique mixte (carburant-gaz) dispose d’une puissance installée de 80 MW. Sauf que le Bénin n’est pas producteur de gaz, et que le projet de gazoduc ouest-africain qui permettrait d’approvisionner le site stagne. La centrale doit donc fonctionner principalement au Jet A-1 (kérosène), ce qui rend le coût de production du kWh trop élevé.
Le gouvernement Zinsou a lancé le programme « Lumière pour tous », qui prévoit l’installation de lampadaires et de kits d’électricité fonctionnant à l’énergie solaire
Un nouveau projet, lancé en partenariat avec le Togo, pourrait changer la donne. Le 26 décembre, Boni Yayi a procédé avec son homologue togolais, Faure Gnassingbé, à la pose de la première pierre du complexe hydro-électrique d’Adjarala, sur le fleuve Mono. Entièrement financés par l’Exim Bank de Chine, pour un coût estimé de 266 milliards de F CFA, et confiés à Sinohydro Africa, les travaux commenceront en février, pour une livraison prévue au premier trimestre de 2018. Ils comprennent la construction d’un barrage et d’une centrale d’une puissance de 150 MW, la réalisation de quelque 400 km de lignes à très haute tension, ainsi que des aménagements irrigués à vocation agricole et piscicole sur 40 000 ha.
Reconnaissant que le déficit énergétique du pays était loin d’être comblé, le président Boni Yayi a cependant tenu à le relativiser, en juin dernier (après avoir reçu les responsables du groupe chinois Sinohydro), en précisant que le Bénin était au-dessus de la moyenne de ses voisins avec 23 kW pour 1 000 habitants, « contre 8 kW pour 1 000 habitants dans l’UEMOA et 20 kW pour 1 000 au Nigeria », et que son nouvel objectif était d’« atteindre 150 kW pour 1 000 habitants », notamment grâce aux énergies renouvelables. Dans ce cadre, le gouvernement Zinsou a lancé le programme « Lumière pour tous », qui prévoit l’installation de lampadaires et de kits d’électricité fonctionnant à l’énergie solaire dans une centaine de localités.
Des infrastructures contestées
Pour développer l’économie, des progrès incontestables ont été accomplis dans le domaine des transports et de la logistique, notamment au port de Cotonou. Mais, là encore, les infrastructures qui font l’actualité sont celles qui posent un problème. À commencer par l’aéroport international de Tourou, près de Parakou, qui reliera la métropole du nord du pays aux grands centres économiques du continent. Lancé en 2007, le chantier devrait être terminé dans les prochains mois… alors qu’il aurait dû être livré fin 2015. Ce qui a rendu furieux Boni Yayi. De même que la décision de justice rendue en appel en faveur de Petrolin, ordonnant à l’État et à son partenaire, Bolloré Africa Logistics, de suspendre tous les travaux relatifs à la ligne de chemin de fer Cotonou-Niamey (lire pp. 93-94).
Le Programme de promotion de la mécanisation agricole (PPMA) laisse également les Béninois sur leur faim. Les quatre usines de tracteurs prévues ont été construites (à Ouidah, Banikoara, Aplahoué et Cobly), mais aucune n’est encore opérationnelle, et la fabrication (promise) de quelque 10 000 tracteurs par an n’est pas pour demain. De même, pour le moment, aucune des unités construites dans le cadre de la diversification agricole (transformation de tomates à Kpomassè, d’ananas à Allada et de mangues à Parakou) ne tourne.
Enfin, comme un dernier défi lancé à Boni Yayi, dans la nuit du 30 au 31 octobre 2015, un incendie a ravagé une bonne partie de l’immense marché international Dantokpa, à Cotonou, vers lequel plus de 1 million d’acheteurs de toute la région convergent chaque jour, et qui est un gros pourvoyeur de recettes pour l’État. Le gouvernement a débloqué 3,5 milliards de F CFA pour la reconstruction et la modernisation du marché par les équipes du génie militaire, et s’est engagé à reconstruire en deux mois plus de 600 hangars. Selon les techniciens, tout début janvier, 70 % des travaux étaient réalisés.
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