Ce qu’il faut attendre du futur élu béninois

Une élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme ou une femme et le peuple de son pays. Un mandat, c’est celle de l’élu avec l’histoire de son pays.

En août, une concession de construction et d’exploitation a été signée entre le Bénin, le Niger et le groupe Bolloré. © Erwann Benezet/MAXAPP

En août, une concession de construction et d’exploitation a été signée entre le Bénin, le Niger et le groupe Bolloré. © Erwann Benezet/MAXAPP

PADONOU-Oswald
  • Oswald Padonou

    Docteur en sciences politiques. Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité

Publié le 3 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Les jeux sont ouverts au Bénin © Jean-Pierre De Mann/Robert Harding/AFP
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Bénin : les jeux sont ouverts

Entre un chef de l’État sortant qui ne se représente pas mais qui compte garder la main jusqu’au bout et la multiplication des candidatures, la présidentielle des 28 février et 13 mars s’annonce pleine de surprises.

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Si les projets de société des candidats, quand ils en ont, ne sont pas nécessairement décisifs dans le choix des électeurs (notamment parce qu’ils se ressemblent bien souvent), ils constituent tout de même un élément de crédibilité et induisent des attentes de la part des citoyens. Et l’élu pourra choisir soit de s’inscrire dans les pages de la grande Histoire en devenant l’homme ou la femme d’État qui a saisi les enjeux du moment et les attentes de ses mandants, soit de rester un politicien se contentant, au mieux, d’assurer ses fonctions de représentation et un fonctionnement minimum de l’État.

Dans le Bénin de 2016, presque tout est urgent, mais tout ne peut être prioritaire. Les défis sectoriels sont connus : la mécanisation et la diversification agricoles, l’emploi des jeunes à travers la promotion des filières de formation professionnelle et technique, l’accélération des investissements publics et privés, qu’ils soient nationaux ou étrangers, l’amélioration de la couverture sanitaire, l’exploitation d’une véritable économie numérique, etc.

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Mais ce qui devrait davantage exiger l’attention du futur président et transparaître dans le programme de gouvernement qu’il entend exécuter pour rendre concrète la vision « Bénin Alafia 2025 » (c’est-à-dire pour faire du Bénin « un pays phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social »), c’est d’édicter et, surtout, de respecter et de faire respecter les principes qui devront orienter l’action publique.

Il ne faudrait pas reproduire ce qui nous vaut aujourd’hui la réputation peu glorieuse d’hommes et de femmes qui, pris individuellement, ont une capacité conceptuelle élevée, mais qui, collectivement, sont quasi incapables de mettre en pratique leurs idées ou de réaliser dans des délais raisonnables les objectifs qu’ils se sont eux-mêmes fixés.

La première priorité sera de réformer l’administration en bannissant les gaspillages et en privilégiant la culture de l’excellence, du mérite et de la transparence

Cette fois, il s’agirait de dépasser la quête de réussite individuelle et l’indifférence à l’échec collectif, pour (re)placer l’intérêt général au-dessus de tout, y compris de l’ego du chef de l’État.

Quelques priorités du prochain président peuvent être avancées dans cet esprit. La première sera de réformer l’administration en bannissant les gaspillages et en privilégiant la culture de l’excellence, du mérite et de la transparence. La deuxième, de favoriser la production et la distribution à bas coût d’énergie pour accélérer l’industrialisation du pays. La troisième, de réduire la part de l’informel dans l’économie afin d’accroître les ressources de l’État et de mieux assurer la « sécurité humaine » de chaque citoyen. La quatrième consistera à mettre en place un mécanisme de financement public des partis politiques, assorti d’obligations, pour mettre un terme à la « clochardisation » des partis, si préjudiciable à la vitalité démocratique.

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Enfin, si le futur président et sa majorité jugent utile d’amender la Constitution de 1990 – ce qui semble tout à fait secondaire, car nous avons une bonne Constitution -, il serait salutaire qu’ils envisagent de supprimer la Haute Cour de justice, qui est chargée de juger le chef de l’État et les ministres pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions, mais qui s’est jusqu’à présent contentée d’engloutir des budgets de plusieurs centaines de millions de francs CFA par an pour un rendement nul…

Alors qu’on pourrait parfaitement mandater les juridictions de droit commun pour ces infractions, qui sont criminelles bien plus que politiques. Ils sont peu nombreux à soutenir cette proposition radicale. Par précaution sans doute, car les procédures de saisine et de comparution sont si complexes que, même en cas d’acte de corruption avéré, aucun dirigeant ne risque d’être jugé par cette Haute Cour.

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Mais avant tout cela, pour aller vers ce Bénin meilleur que les Béninois appellent de tous leurs vœux, il aura fallu rassembler le pays et le mettre résolument au travail.

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