Entre Israël et l’Allemagne, des relations pas très conventionnelles

D’ici à 2017, Berlin achèvera la livraison à Tel-Aviv de trois nouveaux sous-marins à capacité nucléaire qu’il a entièrement ou partiellement financés. Est-ce bien raisonnable ?

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, visitant l’INS Rahav, le 12 janvier, dans le port militaire de Haïfa. © KOBI GIDEON/GPO-REA

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, visitant l’INS Rahav, le 12 janvier, dans le port militaire de Haïfa. © KOBI GIDEON/GPO-REA

perez

Publié le 8 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Sur l’étroite passerelle du sous-marin, c’est au Premier ministre Benyamin Netanyahou qu’est revenu l’honneur de hisser le petit pavillon bleu et blanc frappé d’une étoile de David. Alors que résonne la fanfare, les commandants de la marine entourent au garde-à-vous Reuven Rivline, président de l’État hébreu, et Moshe Ya’alon, ministre de la Défense, qui observent fièrement la scène. Le 12 janvier, au port militaire de Haïfa, Israël accueillait en grande pompe son cinquième sous-marin allemand, parti trois semaines plus tôt des industries navales de Kiel.

L’INS Rahav, nom du submersible, se veut une référence au dieu grec Neptune. Mais en hébreu moderne ce mot évoque plutôt le défi et l’arrogance. « La loi de fer qui régit le Moyen-Orient est très simple : un État faible peut difficilement survivre, tandis qu’un État fort peut repousser toute menace et assurer son existence », résume Netanyahou. Dans son allocution, le président Rivline s’est enorgueilli du symbole : le Rahav est « le plus grand sous-marin construit en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale ». Israël en a fait un élément clé de sa stratégie de dissuasion.

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Ce bâtiment de guerre – U-212 de classe Dolphin – dispose d’une autonomie de cinquante jours et peut opérer sur un rayon de 10 000 kilomètres. Sur requête israélienne, le constructeur allemand HDW aurait aménagé dans chaque sous-marin quatre tubes de 650 mm pour les missiles de croisière de longue portée. Des Popeye Turbo, croit savoir Der Spiegel, d’une portée de 1 500 km et, surtout, pouvant charger des têtes nucléaires.

L’Allemagne, partenaire d’Israël depuis 1952

Si Tsahal est en passe de doubler sa flotte sous-marine, elle le doit d’abord aux largesses du gouvernement allemand. En 2005, le ministère israélien de la Défense signe un contrat avec l’entreprise Thyssenkrupp pour acquérir deux navires submersibles. La même année, Angela Merkel visite l’État hébreu à trois reprises et propose de prendre en charge un tiers de la commande, estimée à 2 milliards d’euros. En 2011, un accord est trouvé pour la livraison d’un troisième sous-marin Dolphin. Là aussi, Berlin s’engage à régler une partie de la facture.

À cette époque, les relations israélo-allemandes ne sont pourtant pas au beau fixe. La chancelière allemande est exaspérée par l’attitude de Netanyahou sur le dossier palestinien. Sous la pression des sociaux-démocrates du SPD, qui l’appellent à interrompre ses ventes d’armes à Israël, comme au temps de la seconde Intifada, en 2000, Merkel se résout à conditionner la livraison des Dolphin à un gel de la colonisation, avant de se rétracter. Au sein du SPD, certaines voix dénoncent aujourd’hui une « tromperie ». La presse germanique est encore plus sévère.

D’anciens hauts fonctionnaires allemands révèlent que Berlin connaissait l’existence du « projet Samson » – le programme nucléaire israélien – depuis 1961

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« L’Allemagne veut compenser ses crimes contre le peuple juif en faisant d’Israël le plus grand danger contemporain », écrit le journaliste Jakob Augstein. D’anciens hauts fonctionnaires allemands révèlent alors que Berlin connaissait l’existence du « projet Samson » – le programme nucléaire israélien – depuis 1961. L’affaire devient embarrassante, d’autant que Tel-Aviv n’est pas signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).

La mauvaise conscience allemande dicte les rapports avec l’État hébreu bien au-delà de l’accord de compensation économique signé entre les deux pays en 1952. Dans les années 1990, l’Allemagne avait déjà offert deux sous-marins à l’armée israélienne, puis financé la construction d’un troisième appareil à hauteur de 50 %. À l’époque, le chancelier Helmut Kohl souhaitait se racheter de l’implication de firmes allemandes dans le renforcement de la machine de guerre de Saddam Hussein. Le choix de sous-marins offrant à l’État hébreu une « capacité de seconde frappe » nucléaire n’est pas anodin. En 2005, Angela Merkel déclarait à la Knesset : « La sécurité d’Israël fait partie de notre raison d’État. »

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