Comment Prosuma fait face à l’arrivée de Carrefour à Abidjan

Pour contrer le géant français, le leader ivoirien de la grande distribution ouvre de nouvelles enseignes à destination des classes moyennes. Sans toutefois oublier de renforcer son offre low cost.

Depuis octobre, le centre commercial Cap Sud, à Marcory, abrite un magasin Kiabi. © François Xavier Gbré pour Jeune Afrique

Depuis octobre, le centre commercial Cap Sud, à Marcory, abrite un magasin Kiabi. © François Xavier Gbré pour Jeune Afrique

Publié le 3 février 2016 Lecture : 4 minutes.

L ‘ arrivée de Carrefour en Côte d’Ivoire, en décembre, a bousculé l’ordre établi dans la grande distribution, un secteur jusqu’alors dominé par la Société ivoirienne de promotion de supermarchés (Prosuma). Avec une vingtaine d’enseignes et 152 magasins (dont quatre hypermarchés et onze supermarchés), ce groupe né il y a cinquante ans est devenu, à coups d’alliances et de rachats, leader en Côte d’Ivoire et l’un des premiers distributeurs en Afrique francophone. Sous la houlette de son président, Abou Kassam, et de son directeur général, Karim Fakhry, qui se sont associés en 1993, Prosuma a atteint un chiffre d’affaires de 265 millions d’euros en 2014, soit 14,2 % de plus qu’en 2013.

Cela faisait plusieurs années que les deux dirigeants connaissaient les ambitions ivoiriennes du géant français, numéro deux mondial du secteur, qui avait missionné une équipe exploratoire en 2011 sur les bords de la lagune Ébrié. Abou Kassam et Karim Fakhry ont donc pris le temps de redéfinir leur stratégie pour contrer l’ouverture du centre commercial PlaYce d’Abidjan (géré par CFAO), qui vise les classes moyennes et aisées, mais aussi pour rester devant son principal concurrent local, la Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI), en pointe sur la clientèle populaire.

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Les dirigeants de Prosuma s’en défendent, mais l’arrivée annoncée de Carrefour à Abidjan a clairement entraîné l’accélération du programme d’extension du centre commercial Cap Sud de Prosuma, avec l’ouverture d’un hypermarché Casino de 3 000 m2, fin 2013, pour un investissement de 9 millions d’euros. Et si, juste avant l’inauguration de PlaYce, Cap Sud a accueilli les enseignes Kiabi, Go Sport, MAC Cosmetics et Fnac, ce n’est certainement pas un hasard du calendrier.

Le plan de résistance de Prosuma

Sur les segments des classes moyennes et aisées, Prosuma est en train de mettre en place un programme de fidélisation valable dans ses enseignes Casino, Hyper Hayat, Fnac et L’Œnophile – une première dans la grande distribution en Côte d’Ivoire. Le lancement de plusieurs campagnes promotionnelles, fin 2015, sur des produits de luxe gastronomiques, d’hygiène et de beauté, à l’aide d’affiches de 12 m² sur tous les grands boulevards d’Abidjan, a lui aussi coïncidé avec l’arrivée du groupe français. « Nous estimons que Carrefour pourrait prendre de 5 % à 6 % du marché de la grande distribution en 2016. Mais il en est encore loin, nous résistons bien pour le moment », explique un dirigeant de Prosuma qui a peaufiné la stratégie de résistance.

Dans le haut de gamme, Prosuma mise sur la distribution spécialisée. Il continue ainsi de développer l’enseigne L’Œnophile, qui vend vins et spiritueux à une clientèle au portefeuille bien garni. Avec dix boutiques actuellement, le groupe détient 50 % de ce secteur et prévoit d’ouvrir quatre nouveaux magasins en 2016 : un dans la ville balnéaire de Bassam, un autre à Bouaké et deux à Abidjan. Enfin, toujours pour une clientèle plutôt aisée, Prosuma veut développer son activité d’e-commerce en partenariat avec la start-up française Afrimarket, qui compte comme actionnaire Orange et s’est jusqu’à présent spécialisée dans le paiement à distance de services et produits pour une tierce personne (le « cash-to-goods »).

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La bataille à venir

Reste que le groupe ne peut se développer sur les seuls segments haut de gamme, où Carrefour sera un concurrent redoutable. En Côte d’Ivoire, la distribution est dominée par l’informel, qui, selon les connaisseurs du secteur, accapare près de 75 % du marché. « Si le formel atteignait 35 %, il n’y aurait actuellement pas assez de supermarchés pour couvrir la demande. La vraie concurrence, c’est le secteur informel, et non Carrefour », affirme notre dirigeant de Prosuma, qui estime que la croissance du marché de la grande distribution s’établit entre 8 % et 10 % par an.

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Pour Abou Kassam et Karim Fakhry, même si les marges sont plus élevées dans le haut de gamme, la bataille se joue donc avant tout sur la capacité des groupes de distribution formels à attirer des clients de l’informel, particulièrement ceux issus des classes populaires et qui fréquentent les échoppes non enregistrées. Et sur ce terrain, Prosuma se heurte non pas à Carrefour et CFAO mais à CDCI, détenteur des franchises d’entrée de gamme Leader Price et King Cash.

Pour faire face à ce concurrent local leader sur ce segment, Prosuma a développé, depuis 1997, un réseau de 17 magasins à bas prix avec les supermarchés Cash Ivoire et, en 2013, les supérettes Bonprix (dans les quartiers populaires excentrés) et Miniprix (en ville) – des franchises en gestion libre avec obligation de s’approvisionner dans les centrales d’achat du groupe. Prosuma vise l’ouverture de six Bonprix et d’une vingtaine de Miniprix avant la fin de 2016.

Mais un autre concurrent se profile à l’horizon : après Carrefour, c’est Auchan, deuxième groupe français de distribution, qui pourrait s’implanter à Abidjan. Ses dirigeants étaient en prospection en 2015, et le groupe attend les premiers pas de Carrefour pour annoncer ses projets. Une pression de plus pour Prosuma, qui, pour garder sa place de numéro un, devrait poursuivre sa diversification en développant ses franchises low cost, en lançant de nouvelles enseignes spécialisées et en construisant un modèle rentable de vente par internet. Et pour éviter que ses employés les plus expérimentés partent à la concurrence, le groupe a octroyé une prime de fidélité équivalente à un mois de salaire à ceux ayant plus de quinze ans d’ancienneté.

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