Bénin : au pays des créatifs
On parle beaucoup des traditions du Bénin, surtout en ce mois de fête nationale vaudoue. C’est aussi un fief d’innovations technologiques et artistiques. Portraits.
Bénin : les jeux sont ouverts
Entre un chef de l’État sortant qui ne se représente pas mais qui compte garder la main jusqu’au bout et la multiplication des candidatures, la présidentielle des 28 février et 13 mars s’annonce pleine de surprises.
Adetoye Aguessy, 33 ans, fondateur et directeur général de RightCom
Les multinationales du secteur ont fait une véritable cour à Adetoye Aguessy pour le recruter quand il est sorti major de sa promotion à Télécom Saint-Étienne (France), en 2005. Le jeune ingénieur a refusé leurs offres, préférant un poste dans une PME qui lui a fait confiance pour développer un nouveau service téléphonique de voix sur IP. En 2012, il crée sa société, RightCom, pour lancer son propre produit, RightQ. « Cette plateforme basée sur le cloud nous permet d’apporter des solutions innovantes et abordables aux entreprises soucieuses d’améliorer leur service clients », explique le chef d’entreprise.
Installée à Cotonou et à Accra, et travaillant aussi avec une équipe en France, RightCom développe des applications pour les secteurs de la finance, des télécommunications, du commerce et de la santé. La société a déjà des clients dans une dizaine de pays du continent, parmi lesquels Bank of Africa (BOA) Ghana, A&C Mall (numéro un ghanéen des centres commerciaux) et Orange, qui a choisi RightQ pour améliorer son service clients dans tout son réseau de distribution en Afrique et au Moyen-Orient.
Adetoye Aguessy, qui a notamment enseigné à Télécom Saint-Étienne et à l’EM Lyon Business School, consacre toujours à la formation une part importante de son temps et de ses moyens. Son entreprise a ainsi offert du matériel informatique à l’Alliance française d’Accra pour mettre en place une classe numérique et apporte également son soutien à des communes béninoises pour créer des salles informatique. C’est le cas d’Akpro-Missérété, dans le sud-est du pays, qui a été équipé en ordinateurs et où 300 personnes ont bénéficié d’un programme de formation.
Malick Gomina, 44 ans, directeur général du groupe de presse Fraternité
Ex-juriste d’affaires et ancien vice-président de la Fédération béninoise de football, Malick Seibou Idrissou Gomina s’est converti au management des médias en 1999 en créant le groupe de presse Fraternité, qui compte désormais un quotidien (Fraternité), une radio (Fraternité FM) et une télévision (Canal 3, qui diffuse également au Niger et a été élue meilleure fréquence d’Afrique de l’Ouest par CFI en 2014).
« Lorsque nous avons ouvert Canal 3, en 2005, tout le monde disait qu’on allait fermer en quelques mois. Mais nous nous sommes entêtés et les résultats sont là », fait remarquer Malick Gomina, qui est par ailleurs président du Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel du Bénin (CNPA-Bénin). La chaîne a pour credo l’information, et son plus grand succès est sans aucun doute la mise en place d’une matinale quotidienne, Actu Matin (de 7 heures à 9 heures), dans laquelle intervient « le patron », Malick Gomina. Rapidement devenue une référence pour sa pertinence et son impertinence, elle est l’une des émissions phares de Canal 3.
Michèle « Weni » Ologoudou 38 ans, styliste-modéliste, fondatrice du festival Mode Is Art
Ancienne élève de l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) de Paris, où elle a étudié de 1998 à 2001, Michèle Ologoudou a mis ses talents au service de plusieurs maisons de prêt-à-porter de la capitale française, notamment Suzanne Ermann, Naf Naf-Chevignon, Etam ou encore Sonia Rykiel, en 2014, pour la ligne Sonia By. Parallèlement, en 2008, elle a créé sa propre marque, Weni. En patchwork de tissu-pagne ou en taffetas (elle aime particulièrement travailler la soie « pour sa légèreté et sa fraîcheur »), colorés et raffinés, ses modèles aux structures originales et impeccablement coupés sont de véritables petits chefs-d’œuvre.
De là à joindre à son métier sa passion pour l’art et pour « son » Afrique, il n’y avait qu’un pas. Que la styliste parisienne a franchi en 2012 en créant à Cotonou le festival Mode Is Art (MIA), dont la quatrième édition s’est tenue du 5 au 7 novembre 2015. Ce rendez-vous annuel, apprécié des professionnels, a aussi su mobiliser les médias et trouver son public. Il est organisé sur trois jours, en trois lieux et en trois temps : défilés de mode (de Weni, de ses compatriotes Sêmiliko et Ethnical’Z, et du Québécois d’origine haïtienne Helmer Joseph, pour l’édition 2015), expositions (des plasticiens franco-togolais Yao Metsoko et béninois Syl Pâris Kouton) et concerts (de la Béninoise Faty et de la Congolaise jazzy Gasandji).
Didier Fabrice, 46 ans, couturier et styliste
Né en mai 1969 à Cotonou, Didier Mensah s’est très tôt passionné pour l’univers de la mode. Dès la fin de sa formation de couturier, en 1990, il crée sa propre marque, Didier Fabrice, et ouvre sa boutique dans la capitale économique. En à peine trois ans, ses collections de prêt-à-porter masculin et féminin conquièrent les professionnels et les amateurs de mode africaine. À moins de 25 ans, le créateur devient le symbole d’un nouveau style, alliant l’élégance citadine des grandes métropoles aux fibres et aux couleurs béninoises. Depuis, il a participé à de nombreux défilés (à Cotonou, Ouagadougou, Paris, Marseille, etc.) et suivi plusieurs formations, notamment à l’École supérieure des arts et techniques de la mode (Esmod) de Paris, en 1998, et à Maurice, en 2005. Il possède désormais plusieurs boutiques au Bénin, dont deux à Cotonou, et dans la sous-région, où ses créations (en particulier ses chemises) sont très prisées.
Tchif 42 ans, plasticien
Francis Nicaise Tchiakpè, alias Tchif, est l’un des plus célèbres plasticiens du continent. Ses œuvres sont exposées à Lagos, Dakar, Abidjan, Paris, Lyon, Marseille, Genève, Bruxelles, Francfort, Dubaï, Los Angeles, São Paulo, Caracas… Il est aussi l’un des rares artistes africains à figurer dans la collection permanente du Smithsonian, à Washington. Dessinateur de presse et auteur de bandes dessinées, le Cotonois s’est tourné vers la peinture au milieu des années 1990. Il a développé un rapport physique avec la toile. À l’œuvre, face au tapa (son support fétiche) posé à même le sol, il ressemble à un guerrier : il peint par couches et taches successives, tourne autour de la toile, la cerne, gratte, racle, colle…
Un corps-à-corps fascinant, jusqu’à la touche finale, qui vient « fixer les solutions » aux bouleversements du monde. Tchif s’insurge contre tout ce qui avilit l’homme et s’est forgé une réputation de rebelle – « l’artiste ne pense pas comme tout le monde, il pense contre tout le monde », aime-t-il à rappeler. Depuis mai 2007, il tient à Cotonou l’espace Tchif, une galerie spécialisée dans l’art moderne et contemporain, qu’il veut « ouverte à toutes les formes d’expression artistique et culturelle locales et internationales, avec une couleur panafricaine clairement affichée ».
Landu Jah, 38 ans, plasticien
Depuis qu’il y a posé ses valises en 2008, alors qu’il voyageait en Afrique de l’Ouest en quête de nouvelles rencontres artistiques, Landu Jah n’a plus quitté Cotonou. À part pour aller exposer ou discuter art et philosophie dans d’autres pays de la région (Togo, Burkina, Ghana…). Sa vocation est née très tôt, à Kinshasa, sa ville natale. Autodidacte, il a commencé à dessiner « en grattant les murs des ghettos de la ville avec un simple morceau de charbon », raconte-t-il. Ces graffitis immortalisant des personnages de BD lui ont permis de forger son style, qu’il cultive en reproduisant des affiches de ses films préférés.
Après le décès de sa mère, qui espérait le voir devenir médecin, Landu Jah abandonne ses études. Il réalise des enseignes de boutique et côtoie des artistes kinois, comme Lo Lotutala ou Francis Mampuya, au contact duquel il découvre le librisme (mouvement né en 1996 à l’école des Beaux-Arts de Kinshasa). Un courant qui l’influence encore, notamment dans les techniques qu’il utilise : peinture à l’huile ou acrylique, collage, papier mâché et matériaux de récupération auxquels il donne une seconde vie à coups de pinceaux et de ciseaux. « C’est un appel pour que les gens prennent conscience de ce qu’ils jettent et pensent à l’environnement », explique-t-il. S’il s’inspire de thèmes universels (la nature, la femme, etc.), Landu Jah aborde aussi les problématiques sociopolitiques actuelles. Sa toile Economic Slave présente l’argent sous l’angle de l’esclavage, Zanzibar est une réflexion sur le problème de l’immigration, et Voter pour un appel à la maturité électorale.
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