Livres : race et histoire de l’art

Dans un essai extrêmement érudit, Éric Michaud démontre comment en Europe, aux XVIIIe et XIXe siècles, l’histoire de l’art s’est construite sur le modèle anthropologique, liant art et race « en se donnant pour tâche de décrire les objets produits par des peuples présumés homogènes et demeurant de siècle en siècle toujours identiques à eux-mêmes ».

L’art contemporain africain, marché émergent à l’honneur à Londres © AFP

L’art contemporain africain, marché émergent à l’honneur à Londres © AFP

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 29 janvier 2016 Lecture : 1 minute.

Si Les Invasions barbares se concentrent sur la manière dont l’Europe s’est pensée elle-même à un moment où les États-nations se construisent, où les nationalismes se développent et où l’on célèbre le « génie des peuples », il met en lumière comment à la même époque « l’histoire de l’art s’est inscrite dans le grand récit de la guerre des races ». Une démonstration qui nous permet de saisir à rebours la persistance de l’ethnicisme dans une certaine lecture occidentale de l’art. Et comment l’on a pu gommer les créateurs, les artistes, au profit d’une lecture raciale, ethniciste et fixiste de l’art traditionnel africain mais aussi inuit ou aborigène.

Cette lecture, conclut le philosophe, n’a pas totalement disparu lorsque l’on « observe la montée en puissance, en particulier depuis les années 1990, d’un « art africain contemporain » dont les acteurs vivent souvent hors du continent africain tout en se réclamant des « traditions », et d’un « art islamique contemporain » dont les acteurs ne sont nullement musulmans. Dans chacun de ces cas, l’extrême fluidité des identités se trouve ainsi délibérément niée au profit de catégories visant à démontrer, une fois encore, que l’art et la culture seraient d’abord une question de race. S’il en allait ainsi, le marché de l’art mondialisé pourrait bien devenir l’exposition permanente d’une redoutable concurrence des « races » ».

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Les invasions barbares © éd. Gallimard

Les invasions barbares © éd. Gallimard

>> Les invasions barbares. Une généalogie de l’histoire de l’art, d’Éric Michaud, éd. Gallimard, 320 pages, 23 euros

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