Israël : l’ambassadeur des États-Unis à Tel-Aviv crève l’abcès

On savait le président Obama secrètement excédé par la politique de Netanyahou à l’égard des Palestiniens. Son ambassadeur à Tel-Aviv, lui, s’est montré beaucoup plus explicite.

Dan Shapiro (à g.) avec John Kerry, le 6 janvier 2014, à Tel-Aviv. © BRENDAN SMIALOWSKI/AFP

Dan Shapiro (à g.) avec John Kerry, le 6 janvier 2014, à Tel-Aviv. © BRENDAN SMIALOWSKI/AFP

perez

Publié le 8 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Organisée à Tel-Aviv le 18 janvier, la prestigieuse conférence de l’Institut national des études stratégiques (INSS) est le rendez-vous incontournable des pontes de l’appareil sécuritaire et autres chefs de la classe politique. Parmi les temps forts, le discours de l’ambassadeur américain, qui s’apparente d’ordinaire à un exposé de la politique de Washington dans un Moyen-Orient toujours aussi effervescent. Pour les Israéliens, il permet de mesurer l’état des relations bilatérales avec leur allié.

Le dossier palestinien au coeur du discours de Shapiro

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Volontairement rassurant au sujet de l’application de l’accord sur le nucléaire iranien, Dan Shapiro n’a en revanche pas ménagé l’État hébreu sur le dossier palestinien. « Nous sommes d’abord préoccupés et perplexes face à la stratégie israélienne en matière de colonisation », a-t-il lancé, dénonçant en particulier l’annexion de terres palestiniennes en zone C, laquelle couvre 60 % de la Cisjordanie, quelques jours après qu’Israël s’est emparé de 150 ha de terres agricoles près de la ville de Jéricho.

« De trop nombreuses attaques contre les Palestiniens ne font pas l’objet d’enquêtes rigoureuses de la part des autorités israéliennes, a poursuivi l’ambassadeur. Il semble y avoir deux normes pour appliquer la loi : l’une pour les Israéliens, l’autre pour les Palestiniens. » Son réquisitoire s’est achevé par une question lourde de sous-entendus : « Quel est le plan d’Israël pour résoudre le conflit ? »

Surpris par la charge, le bureau de Benyamin Netanyahou a fustigé des propos « inacceptables » et de toute évidence malvenus « à l’heure où l’on enterre la maman de six enfants, assassinée » dans une énième attaque au couteau. « Le responsable de l’impasse diplomatique est l’Autorité palestinienne, qui continue d’inciter à la violence et refuse de négocier », conclut le communiqué du gouvernement. La charge de Shapiro a également donné lieu à des réactions outrancières. Interrogé par la télévision, Aviv Bushinsky, ancien porte-parole de Netanyahou, a qualifié l’ambassadeur américain de « yehudon » (« petit juif »).

Dan Shapiro, « l’ami d’Israël »

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Dan Shapiro, 46 ans, est issu d’une famille juive de l’Illinois. Ce père de trois filles, hébréophone depuis ses études à l’université de Jérusalem, a toujours été présenté comme un « ami d’Israël », y compris lors de ses travaux pour le Conseil de sécurité nationale. En 2007, Barack Obama en avait fait l’un de ses plus proches collaborateurs sur le Moyen-Orient.

Vue des États-Unis, sa nomination comme ambassadeur à Tel-Aviv, en août 2011, a été décrite comme une tentative d’adopter le « modèle Martin Indyk ». Cet autre diplomate juif américain, ancien lobbyiste pro-israélien, avait été l’émissaire de John Kerry au moment les États-Unis tentaient de réanimer le processus de paix avec les Palestiniens.

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Sauf qu’aucun représentant de l’actuelle administration américaine n’a eu les faveurs des deux gouvernements Netanyahou. Certains ministres nationalistes croient même avoir démasqué « Hussein » Obama, un président pro-arabe, et ne lui pardonnent pas sa politique de rééquilibrage dans la région.

Non seulement Dan Shapiro n’a pas trahi les nouveaux fondements de la politique étrangère américaine, mais il a compris qu’à travers la presse israélienne – dont il accepte volontiers les sollicitations, à la différence de ses prédécesseurs -, il détenait un canal diplomatique parallèle pour s’adresser à l’État hébreu.

Sa relative popularité auprès de l’opinion israélienne lui autorise quelques commentaires de politique intérieure, par exemple quand il a émis des craintes pour la démocratie à la suite du vote de la « loi sur la transparence » qui contraint les ONG israéliennes à rendre publics leurs financements. Netanyahou, qui côtoie Shapiro depuis ses navettes au Proche-Orient avec l’ancien émissaire américain George Mitchell, a tenu à recevoir l’ambassadeur pour apaiser les tensions. L’entretien, de trente minutes, a été qualifié d’« amical ».

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