La France redouble d’ambition pour l’AFD

Paris s’apprête à adosser son outil d’aide bilatérale à la Caisse des dépôts et consignations. Parmi les objectifs visés : augmenter ses financements internationaux en faveur du climat.

Anne Paugam, directrice générale de l’AFD. © CHRISTOPHE PETIT TESSON/MAXPPP

Anne Paugam, directrice générale de l’AFD. © CHRISTOPHE PETIT TESSON/MAXPPP

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 12 février 2016 Lecture : 4 minutes.

Michel Sapin, le ministre français des Finances, met actuellement la dernière main au projet de loi adossant l’Agence française de développement (AFD) à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Cette réforme sera présentée au Parlement au printemps et devrait devenir « effective dès septembre 2016 ». Elle exauce le vœu exprimé par le chef de l’État, François Hollande, dans la lettre de mission confiant à Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des Affaires étrangères et du Développement international, la rédaction d’un rapport de préfiguration de la nouvelle AFD. Le Mouvement des entreprises de France (Medef) et les syndicats du personnel de l’agence approuvent cette réforme.

Ce projet était dans les tuyaux depuis la fin des années 2000. En effet, compte tenu des règles prudentielles applicables aux grands établissements financiers, l’AFD ne pouvait pas dépasser un plafond d’activités (dons, prêts, garanties et participations) supérieur à 8,5 milliards d’euros par an. Elle était bloquée dans son développement. Seule une augmentation de ses fonds propres pouvait lui permettre de repartir de l’avant, mais le Trésor faisait la sourde oreille.

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C’est la Conférence des Nations unies sur le climat (COP21) qui a contraint à la réforme. La promesse faite en décembre 2015 par les pays développés d’apporter 100 milliards de dollars par an (plus de 90 milliards d’euros) à partir de 2020 aux pays moins fortunés pour leur permettre de lutter contre le réchauffement climatique obligeait la France à augmenter à hauteur de 3 milliards à 5 milliards d’euros par an ses financements en faveur du climat. Il fallait donc que l’activité annuelle de l’AFD passe de 8,5 milliards à environ 12,5 milliards d’euros pour espérer atteindre l’ambition de François Hollande : « Zéro carbone, zéro pauvreté. »

Autonomie

Dans son rapport remis le 11 janvier au chef de l’État, la mission de préfiguration recommande d’« intégrer l’AFD au sein du groupe CDC, en étendant le mandat de ce dernier à la politique de développement et de solidarité internationale ». Cette intégration à la CDC, bras financier de l’État dans des domaines allant du foncier aux retraites en passant par les prises de participation – mais exclusivement sur le territoire national -, permettra de créer « un grand pôle financier public actif aux plans domestique et international » comparable à ceux de l’Allemagne ou de l’Italie. Avec 450 milliards d’euros de bilan, le nouvel ensemble fera presque jeu égal avec les 500 milliards de dollars de la Banque mondiale.

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Mais comment réaliser cette intégration ? La CDC, qui n’était pas demandeuse, souhaitait absorber purement et simplement l’AFD. L’État, lui, voulait conserver la haute main sur l’agence. Il a donc été décidé que l’AFD demeurerait autonome, sous forme d’établissement public à caractère industriel et commercial, mais que les gouvernances des deux institutions seraient croisées, le directeur général de la CDC devenant président du conseil d’administration de l’AFD, et le directeur de cette dernière étant placé sous son autorité.

Un renforcement des fonds propres de l’AFD est prévu pour lui permettre de faire passer ses encours de prêts de 30 milliards d’euros en 2015 à 90 milliards en 2030. Le Trésor convertira en fonds propres les 5,9 milliards d’euros de ses créances sur l’agence, ce qui représente à terme un quadruplement des fonds propres de l’AFD. La CDC n’apportera aucun capital à l’agence, à l’exception de la création d’un fonds de 500 millions d’euros, dans lequel figurera Proparco, la filiale de l’AFD dévolue au secteur privé, et qui serait réservé au financement d’infrastructures. Il est aussi prévu que les dons, dont ont besoin les pays très pauvres peu capables de supporter un endettement fort, passeront de 250 millions à 400 millions d’euros par an.

Reste à réussir l’intégration des deux mastodontes publics et de leurs équipes, qui, pour l’instant, s’ignorent

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Synergie

Cette réforme consacre donc en matière de développement la fin de la frontière entre le national et l’international car, rappelle le rapport, « les problèmes du Nord et du Sud sont aujourd’hui de même nature, et les réponses doivent être construites ensemble ». Elle consacre aussi le retour en force de l’aide bilatérale. Comme nombre de pays européens, la France fait transiter une grande partie de son aide au développement par l’Union européenne, la Banque mondiale ou des organismes multilatéraux agissant dans le domaine de la santé (sida notamment). Avec le nouvel ensemble CDC-AFD, elle pilotera mieux les projets de développement qu’elle entend soutenir, puisqu’elle contrôlera les cordons de la bourse.

Reste à réussir l’intégration des deux mastodontes publics et de leurs équipes, qui, pour l’instant, s’ignorent. Rémy Rioux, le coordonnateur de la mission de préfiguration, croit à une synergie possible. « Ils font le même métier, explique-t-il. Ils savent monter des dossiers d’infrastructures ou d’ingénierie financière. Ils ont l’habitude d’affronter les défaillances de marché. Pour l’instant, ils travaillent chacun de leur côté sur l’urbanisation, le logement et les transports. Mais qu’est-ce qui empêcherait les experts de la Caisse d’aider un pays d’Afrique à monter un système de retraite ? Ou la Société forestière, filiale de la CDC, d’apporter sa compétence dans la gestion des forêts à l’international ? » L’Allemagne a réussi un tel croisement de cultures. Pourquoi pas la France ?

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