Christiane Taubira, femme debout

Elle a marqué les esprits avec son « mariage pour tous ». Mais, depuis quelque temps, la garde des Sceaux n’était plus en phase avec les orientations sécuritaires du tandem Hollande-Valls. Elle a démissionné.

Les adieux de la ministre, après sa passation de pouvoirs, à Paris, le 27 janvier. © JACQUES BRINON/AP/SIPA

Les adieux de la ministre, après sa passation de pouvoirs, à Paris, le 27 janvier. © JACQUES BRINON/AP/SIPA

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 2 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Voilà donc un « blanco » de plus dans le gouvernement de Manuel Valls ! Le Premier ministre français pourra désormais compter sur le soutien indéfectible d’un de ses proches au ministère de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, nommé le 27 janvier en remplacement de Christiane Taubira. Après les départs de Delphine Batho, Cécile Duflot, Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti et Benoît Hamon, c’est au tour d’un autre symbole de la gauche de jeter l’éponge, au nom de la « cohérence » gouvernementale voulue par le président François Hollande.

« Je quitte le gouvernement sur un désaccord politique majeur », a déclaré la garde des Sceaux, qui a habilement mis en scène sa sortie et, comme à son habitude, soigneusement ménagé ses effets. Ce « désaccord politique majeur », c’est évidemment le projet d’inscription dans la Constitution française de la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour terrorisme.

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Après avoir avalé bien des couleuvres, l’ancienne députée de Guyane, 64 ans, a décidé de quitter la table avant l’indigestion, abandonnant les autres convives – Emmanuel Macron à l’Économie, Jean-Yves Le Drian à la Défense, Bernard Cazeneuve à l’Intérieur – à leurs dérives droitières, libérales et sécuritaires. Adepte des citations littéraires et des petites phrases ciselées, Taubira a twitté : « Parfois, résister c’est rester, parfois, résister c’est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l’éthique et au droit. » Un peu plus classe que le « Un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne » de Jean-Pierre Chevènement…

Cible préférée de la « droite décomplexée »

Enfourchant son vélo jaune, Christiane Taubira s’en est donc allée vers son destin, qu’elle imagine sans doute présidentiel, son départ marquant définitivement l’orientation néolibérale du quinquennat de François Hollande. Comme Robert Badinter aux débuts du premier septennat de François Mitterrand, cette femme entière et passionnée restera dans l’Histoire l’auteur d’une réforme de société fondamentale, ce « mariage pour tous » qui lui valut les plus ignobles attaques, de la part de l’extrême droite comme de cette « droite décomplexée » pensée par l’ancien journaliste de Minute Patrick Buisson. Aux propos ouvertement racistes, elle sut répondre avec élégance et dignité, élevant le débat, impressionnant jusqu’à ses plus féroces adversaires par ses talents d’oratrice.

À l’heure du bilan, la droite exulte, fustigeant une ministre laxiste au caractère difficile qui a réussi à user quatre directeurs de cabinet. Si ce dernier point demeure incontestable, Taubira n’a pas « vidé les prisons » comme le répètent mécaniquement ses opposants : 66 800 détenus en décembre 2015, 66 900 en juin 2012, on ne peut pas vraiment parler d’hémorragie… Il n’y a pas eu non plus d’inflation des aménagements de peine ou des mesures de contrainte pénale.

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Quant aux récidives, marronnier électoraliste de la droite, elles demeurent jugées plus sévèrement – même si les peines plancher ont bel et bien disparu. Reste que si les interventions de l’exécutif dans les dossiers judiciaires ont nettement diminué, elle n’aura réussi ni à réformer la justice des mineurs ni à contrer la loi sur le renseignement, qui facilite une vaste surveillance des communications personnelles…

Et maintenant ? Celle qui fit reconnaître, en 2001, que l’esclavage et les traites négrières étaient des crimes contre l’humanité, n’obtint que 2,32 % des voix à l’élection présidentielle de 2002. Un score faible, mais qui contribua à l’échec cinglant de Lionel Jospin dès le premier tour. Les yeux braqués vers le centre, François Hollande ne semble pas avoir retenu la leçon, ni mesuré la popularité de Taubira à gauche de l’échiquier.

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