Jean de Dieu Moukagni Iwangou : « Ping ne fait plus partie de notre coalition. Je lui souhaite bon vent ! »
En septembre, Jean de Dieu Moukagni Iwangou a fait les gros titres de la presse après un revirement dont seule la politique gabonaise a le secret.
Le Gabon a-t-il (vraiment) changé ?
À huit mois de la présidentielle, c’est l’heure du bilan.
Nommé ministre au sein du dernier gouvernement de Daniel Ona Ondo, le leader de l’Union du peuple gabonais (UPG) a finalement rejeté l’offre. Il lui a préféré son statut de membre signataire du Front uni de l’opposition pour l’alternance (Fuopa, qu’il a présidé d’avril à octobre 2015), regroupant 27 partis d’opposition et censé désigner un candidat unique à la présidentielle. Mais à quelques mois du scrutin, rien n’est moins sûr. Minée par la guerre des chefs, la plateforme se déchire autour de la candidature de Jean Ping et menace d’imploser. Jean de Dieu Moukagni Iwangou s’est lui-même prononcé contre la candidature de l’ancien président de la commission de l’Union africaine, qu’il qualifie d’« irrégulière ».
Jeune Afrique : Quelle est votre perception du Gabon à quelques mois de la présidentielle ?
Jean de Dieu Moukagni Iwangou : Le pays est plongé dans une situation de crise qui affecte les fondements de l’État de droit. Outre les problèmes de corruption, les libertés publiques sont confisquées. L’opposition n’a pas le droit de tenir des réunions publiques. L’autorisation de manifester ne nous est même jamais accordée. Nous ne pouvons pas parler aux Gabonais !
Quel bilan faites-vous du mandat d’Ali Bongo Ondimba ?
C’est un échec. Pour le comprendre, il suffit d’observer l’état d’avancement des projets censés incarner l’émergence. Sur le bord de mer de Libreville, le grand chantier du « Champ-Triomphal » est resté un gros tas de sable.
Jean Ping a déclaré avoir été investi par le Fuopa le 15 janvier, ce que vous et plusieurs cadres de la plateforme contestez. Le Front n’a jamais été aussi proche de l’implosion…
Il ne s’agit pas d’une implosion. Jean Ping s’exclut de lui-même du Front, puisque sa déclaration de candidature est irrégulière et totalement contraire aux dispositions de la plateforme. Je considère que nous suivons deux lignes différentes et que ce n’est plus tenable. Nous ne voulons pas d’un candidat du fait accompli et, à mon sens, Jean Ping ne fait plus partie du Front. Il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Je lui souhaite bon vent !
Il y aura bel et bien une primaire et celle-ci sera ouverte aux citoyens
Vous appelez à une primaire au sein du Fuopa. Sous quelle forme ?
Il y aura bel et bien une primaire et celle-ci sera ouverte aux citoyens. Les partis auront le temps de se réunir, au cours du mois de février, pour décider s’ils présenteront ou non un candidat. Ensuite, le Front se réunira à la fin du mois de mars lors d’une convention, qui devrait aboutir à une candidature unique.
Il semble pourtant peu probable que le Fuopa ne présente qu’un seul candidat, comme il l’avait promis. Y croyez-vous encore ?
Il peut y avoir des candidats dissidents, forcément minoritaires et isolés. J’espère tout de même que nous parviendrons à nous rassembler autour de la bonne candidature.
La vôtre ?
Il est encore trop tôt pour que je me prononce. Mon parti va se pencher sur la question. Mais, oui, ma candidature aux primaires est de plus en plus probable.
Lors de la formation du dernier gouvernement de Daniel Ona Ondo, en septembre 2015, votre nom figurait sur la liste des ministres. Avant que vous ne refusiez le poste sous la pression de votre parti, selon le gouvernement. Quelle est votre version des faits ?
La veille de la publication de la liste des ministres, le président a envoyé deux de ses collaborateurs pour m’informer que je figurais dans le nouveau gouvernement. J’ai répondu négativement. J’ai été convié à réitérer mon refus. Ce que j’ai fait face à Ali Bongo Ondimba : je lui ai dit « non », face à face. Son cabinet a essayé une dernière fois de me convaincre et m’a demandé de confirmer ma réponse. Je ne l’ai jamais fait, et ils ont choisi de publier la liste des ministres en l’état. J’ai donc ensuite répété mon refus lors d’une conférence de presse.
La médiatisation de mon refus a suscité une forte réaction, montrant qu’une troisième voie est possible
Sans pressions politiques de la part de votre parti ?
Il n’y a eu aucune pression. Il faut tout de même rappeler que j’avais refusé les sollicitations de Bongo père avant celles de son fils. Cependant, cette affaire a vraiment fait beaucoup de bruit et a soulevé un débat national. Jusque-là, il ne semblait y avoir que les candidatures d’Ali Bongo -et de Jean Ping, qui souhaitent tous deux s’affronter. D’un côté, Ali Bongo entend opposer à Jean Ping qu’il était membre des gouvernements de son père et qu’il est de ce fait comptable du passé. De l’autre, Jean Ping veut montrer au chef de l’État que le Gabon est une République et non une monarchie. Mais la médiatisation de mon refus a suscité une forte réaction, montrant qu’une troisième voie est possible…
Que vous espérez incarner lors de la présidentielle de 2016 ?
Pourquoi pas ? C’est possible.
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