Centrafrique : Dologuélé et Touadéra, deux hommes pour un fauteuil

Le 14 février, ils s’affronteront pour le second tour de la présidentielle. Tous deux ont été Premier ministre, mais la comparaison s’arrête là tant leurs trajectoires sont à l’opposé l’une de l’autre.

Anicet-Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra. © Vincent Fournier/J.A.

Anicet-Georges Dologuélé et Faustin Archange Touadéra. © Vincent Fournier/J.A.

ANNE-KAPPES-GRANGE_2024

Publié le 10 février 2016 Lecture : 4 minutes.

Anicet-Georges Dologuélé, 58 ans, originaire de la région de l’Ouham-Pendé (Nord-Ouest)

Anicet-Georges Dologuélé, à Paris, le 4 juin 2013 © Vincent Fournier/J.A.

Anicet-Georges Dologuélé, à Paris, le 4 juin 2013 © Vincent Fournier/J.A.

Sur son CV : diplômé en économie, il fut Premier ministre de 1999 à 2001 sous la présidence d’Ange-Félix Patassé. Il prend ensuite la tête de la BDEAC, jusqu’en 2010, puis devient consultant.

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Son parti : l‘Union pour le renouveau centrafricain (Urca), créée en octobre 2013.

Score au premier tour : 23,74 % des suffrages.

Ses soutiens politiques : le KNK, le parti de l’ancien président François Bozizé, renversé en 2013, lui a apporté son soutien juste avant le premier tour. Le 4 février, il a obtenu le ralliement de Sylvain Patassé, puis deux jours plus tard de Désiré Kolingba (arrivé troisième le 30 décembre avec 12,04 %) de le rejoindre – ce qui était loin d’être acquis.

Ses soutiens économiques : bien implanté sur le terrain, il bénéficie du soutien d’hommes d’affaires. Il peut aussi revendiquer l’appui du groupe Kamach, principal opérateur économique de la Centrafrique avant la crise.

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Ses points forts : c’est la première fois qu’il se présente à une élection, mais il bénéficie d’une réputation de « Monsieur Propre » pour sa gestion rigoureuse des affaires lorsqu’il était Premier ministre. De cette époque, il a laissé de lui l’image d’un homme compétent et rassembleur, capable d’assainir les finances publiques et de renouer avec la communauté internationale.

Ses points faibles : certains hommes d’affaires de son entourage sont parfois décriés. Surtout, il a obtenu moins de ralliements, en nombre, pour le second tour que son adversaire. Pour compenser, il a effectué un important travail de terrain. Il se dit aussi qu’en cas de victoire il aura les mains libres.

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Faustin Archange Touadéra, 58 ans, originaire de Damara, près de Bangui

Faustin Arcange Touadéra © Vincent Fournier/J.A.

Faustin Arcange Touadéra © Vincent Fournier/J.A.

Sur son CV : professeur en mathématiques pures, il a enseigné à l’ENS de Bangui avant de devenir recteur de l’université de la ville en 2005. Il fut le dernier Premier ministre de François Bozizé, de 2008 à 2013.

Son parti : il n’en a pas et s’est présenté en candidat indépendant.

Score au premier tour : 19,05 % des voix. Il s’est révélé comme LA grande surprise du premier tour.

Ses soutiens politiques : le KNK a rallié Dologuélé, mais l’accord n’a pas satisfait tous les cadres du parti. Il a notamment été dénoncé par plusieurs de ses responsables locaux. Certains membres du clan Bozizé – tels ses fils, Socrate et Jean-Francis, ou l’ex-ministre des Finances Dieudonné Tokofeïssé – ont d’ailleurs mobilisé sur le terrain la machine KNK en faveur de Touadéra. Le 10 janvier, 18 candidats, tous originaires du Sud, lui ont apporté leur soutien, dont Jean-Serge Bokassa. Il a également obtenu le ralliement du grand perdant du premier tour, Martin Ziguélé (11,43 %), dont ce serait là la seule chance de redevenir Premier ministre, et de l’ancien ministre Karim Meckassoua.

Ses soutiens financiers : sa percée inattendue, le 30 décembre, lui a permis de s’attirer les faveurs de plusieurs hommes d’affaires dans l’entre-deux tours. Ses appuis financiers demeurent toutefois moins puissants que ceux de son rival.

Ses points forts : les fonctionnaires lui doivent la bancarisation de leurs salaires, après plusieurs années d’arriérés, et ils ne l’ont pas oublié. Sur le plan politique, Touadéra peut s’enorgueillir d’avoir eu à conduire le dialogue inclusif de Bangui fin 2008 – dialogue à l’issue duquel ont été signés plusieurs accords de paix. D’un naturel discret, il a la réputation d’être un « bosseur ». D’ailleurs, quand il était à la primature et pendant la campagne présidentielle, il n’a pas cessé d’enseigner à l’université de Bangui.

Ses points faibles : il passe pour être un homme effacé qui a fait sa carrière dans l’ombre de l’ancien président Bozizé, dont il suivait les arbitrages. Il a aussi beaucoup promis à chacun des candidats pour obtenir leur ralliement – ce qui, en cas de victoire, pourrait s’avérer compliqué à gérer.

ET LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DANS TOUT ÇA ?

Dans la sous-région, Dologuélé peut s’appuyer sur le réseau tissé lorsqu’il était à la tête de la BDEAC. Après avoir soutenu Karim Meckassoua, le Congolais Denis Sassou Nguesso paraît pencher en sa faveur. Le Tchad, lui, affiche sa neutralité (Idriss Déby Itno a reçu les deux candidats pendant l’entre-deux tours). Les autres pays de la région ne semblent pas avoir fait leur choix : la RD Congo et l’Afrique du Sud ont dépêché des émissaires à Bangui pour rencontrer les deux candidats, et Kinshasa aurait fait savoir qu’il était prêt à les aider de la même façon. Ajoutons que Dologuélé a été reçu à Malabo par le président Obiang Nguema.

Hors du continent, le même Dologuélé a de bons rapports avec le secteur privé français ainsi qu’avec le Quai d’Orsay, et nombreux sont ceux qui mettent en avant son expérience internationale, affirmant qu’il a l’envergure nécessaire pour être président. La communauté internationale semble en revanche ne pas savoir comment se positionner face à un Touadéra qu’elle n’attendait pas, mais dont les chances sont réelles. À noter que ce dernier bénéficie du discret soutien de la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, et de l’ambassadeur de France à Bangui, Charles Malinas (sur le départ, Malinas pourrait être soucieux de positionner, au côté de Touadéra, le socialiste Martin Ziguélé, dont il est proche).

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