Criminalité des migrants en Allemagne : elle court, elle court, la rumeur !

Depuis la nuit chaotique de la Saint-Sylvestre, les migrants suscitent dans tout le pays une vague d’affabulations délirantes. Viols collectifs, enfant dévoré, tête coupée ou réfugié mort de froid, tout est faux !

Des manifestants de Pegida à Dresde, le 5 janvier 2016 © Robert Michael/AFP

Des manifestants de Pegida à Dresde, le 5 janvier 2016 © Robert Michael/AFP

Publié le 10 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Depuis des mois, pas un jour sans qu’un journal allemand ne se fasse l’écho d’une rumeur mettant en cause la criminalité des migrants. Depuis les fâcheux événements de la Saint-Sylvestre à Cologne, le phénomène s’est naturellement amplifié : si l’agression simultanée de centaines de femmes est avérée, alors pourquoi pas le reste ? De fait, la plupart des « intox » concernent des viols, souvent collectifs.

À ce jour, le mensonge le plus gros est à mettre au crédit d’une gamine de 13 ans prénommée Lisa, qui a provoqué un incident diplomatique avec la Russie. La gamine, qui habite une banlieue rouge de la capitale, appartient à la communauté des Russes « rapatriés » après la réunification. Début janvier, elle a prétendu avoir été détenue et violée pendant plus de trente heures par trois hommes de type « méditerranéen ». L’affaire a rapidement été montée en épingle par les médias russes, et Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, est allé jusqu’à accuser l’Allemagne de taire les faits pour ne pas compromettre la politique d’ouverture prônée par Angela Merkel. Problème : tout était faux. La jeune fille a reconnu avoir ce soir-là couché chez une amie après avoir eu des relations « consenties » avec deux hommes plus âgés qu’elle.

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Des rumeurs relayées sur Internet

Reste que l’emballement médiatique suscité par cette affaire témoigne de l’extrême sensibilité d’une majorité d’Allemands à l’accueil de nouveaux arrivants. En quelques heures, Lisa est devenue un symbole, vite récupéré par les mouvements d’extrême droite. Lors de manifestations, les membres de Pegida, le mouvement anti-islam, ont accusé la police et le pouvoir de ne pas protéger les bons citoyens et leurs enfants.

« Ces rumeurs sont en général colportées par des personnes qui ont un problème avec les réfugiés, analyse Helge von Horn, spécialiste des mouvements d’extrême droite. Elles tentent de discréditer les étrangers pour provoquer peur et rejet dans la population. » Ce n’est certes pas nouveau, sauf qu’aujourd’hui, les (fausses) nouvelles se propagent plus rapidement par le biais d’internet.

Tout commence souvent par l’appel d’un lecteur à un journal local pour dénoncer tel ou tel fait divers. Ou par quelques lignes racoleuses sur Facebook ou Twitter. Les blogs et les médias radicaux se chargent ensuite de les amplifier…

Les démentis de la police ont pour seul résultat de nourrir les théories du complot

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Ces affabulations sont tellement excessives, outrées, qu’elles font parfois songer aux grands délires médiévaux. Des réfugiés auraient volé puis égorgé des moutons… Ils auraient pillé un supermarché… Une tête humaine aurait été retrouvée dans un champ, à moins que ce ne soit dans un parking… Un enfant de 5 ans aurait été dévoré par des migrants… Il y a toujours des gens crédules – ou mal intentionnés – pour y croire. Comme l’expliquait une dame à la télévision à propos de Lisa : « Qu’elle soit vraie ou non, je crois à cette histoire. » Bien entendu, les démentis de la police ont pour seul résultat de nourrir les théories du complot. « Le problème, avec la rumeur, c’est qu’elle est très difficile à extirper », commente Helge von Horn, qui conseille de s’en tenir aux faits et de vérifier ses sources avec le plus grand soin.

Sans doute, mais que faire quand l’information provient d’une source a priori fiable ? Il y a quelques jours, à Berlin, un membre d’une association d’aide aux réfugiés annonçait dans un tweet qu’un candidat syrien à l’asile était mort de froid. La situation dans le centre concerné, le Lageso, est suffisamment chaotique pour que l’information ait été jugée crédible. Des jours durant, les policiers ont donc cherché un cadavre. En vain. Au bout du compte, l’humanitaire dépressif a fini par avouer qu’il avait tout inventé après une soirée très arrosée !

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Depuis, hommes politiques et journalistes marchent sur des œufs à chaque nouveau fait divers, au risque de passer à côté d’une véritable agression. Les choses en sont au point où le tabloïd Bild, qui est pourtant loin d’être un parangon de déontologie, a été contraint de lancer récemment un appel à ses lecteurs : « Plus que jamais, nous avons besoin de faits ! » Si même Bild le dit…

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