Fini la gabegie au Gabon ?
Après avoir mesuré l’ampleur des irrégularités et des abus, l’État a resserré les cordons de la bourse. Avec, depuis janvier, des comptes mieux encadrés.
Le Gabon a-t-il (vraiment) changé ?
À huit mois de la présidentielle, c’est l’heure du bilan.
C’ est l’histoire d’une relation compliquée avec l’argent. Celui, volatile, de l’État du Gabon que, cinquante ans durant, fonctionnaires et responsables politiques ont dépensé sans compter. Cinquante années de faste pour les prédateurs des fonds publics, aidés par des régies financières opaques – de véritables passoires -, qui ont plombé le développement du pays. Le tout masqué par une manne pétrolière qui leur paraissait éternelle.
Seulement voilà, ces années d’insolente prospérité et d’insouciance ne sont plus qu’un lointain souvenir. Celui d’un Gabon qui, après la mise en exploitation du gisement de Rabi-Kounga, produisait 20 millions de tonnes de pétrole par an. L’argent a été dilapidé par des responsables publics qui n’avaient aucune obligation de rendre des comptes, d’autant qu’aucun objectif de politique précis n’était adossé aux crédits votés par le Parlement. Ce fut un crime économique dont ils n’ont jamais rendu gorge.
Des finances surveillées de près
Summum de la gabegie, ce sont les fêtes tournantes qui ont provoqué le sursaut des nouvelles autorités du pays. Elles ont fait l’objet d’un audit commandité en 2013. Mais les responsables politiques, au moins coupables de mauvaise gestion, restent à ce jour impunis. Néanmoins, cette impunité n’aura plus cours. Depuis janvier 2015, une réforme – dont le FMI s’est félicité dans un rapport publié en septembre – introduit enfin de la transparence dans les comptes publics.
Désormais, lors de l’élaboration de la loi de finances, le gouvernement indique les objectifs qu’il poursuit avant toute allocation budgétaire. C’est ce qu’on appelle la « budgétisation par objectifs de programme », dans la novlangue administrative en vigueur à Libreville. Aujourd’hui, on ne peut donc plus ruser. La réforme est d’autant plus nécessaire que l’État doit trouver de l’argent pour financer des projets structurants. C’est-à-dire réduire le gaspillage des ressources publiques, court-circuiter les fraudeurs et faciliter la vie aux vrais créateurs de richesse.
L’objectif le plus important : changer la mentalité des gestionnaires publics
Toujours en 2013, un deuxième audit des instances du Trésor – les créances des entreprises sur l’État – a également été conduit. « L’objectif était d’examiner toutes les dépenses régulièrement engagées et ordonnancées, en attente de règlement au Trésor public. Cette mission, qui a porté sur l’examen de plus de 2 000 milliards de F CFA [environ 3 milliards d’euros] de dossiers en instance, s’est notamment matérialisée par une économie de plus de 650 milliards de F CFA pour l’État », explique Jean Fidèle Otandault, commissaire aux comptes qui a piloté la réforme et les audits et qui a été nommé directeur général du budget et des finances publiques en décembre 2014. Cet argent a notamment permis de financer l’augmentation des salaires de 80 000 employés du secteur public en juillet 2015.
Désormais, dans la relation d’affaires avec l’État, c’est l’appel d’offres qui s’impose comme la principale porte d’entrée. Pour donner encore plus de chances à tous et, surtout, à ce tissu embryonnaire de PME gabonaises qui sont à la fois un réservoir d’emplois et un pilier de la croissance, une charte a été édictée. Face aux détracteurs de la réforme, les équipes de jeunes cadres du ministère du Budget qui la mettent patiemment en place exposent sereinement leurs résultats. L’objectif le plus important : changer la mentalité des gestionnaires publics. « Un franc de trop sur un projet est un franc de moins sur un autre », entend-on au ministère.
LE COUP DE LA FRAUDE
Surfacturation, marchés fictifs, pratiques abusives dans la passation des marchés publics, créances douteuses détenues par des entreprises sur l’État… Selon les auditeurs de la Direction générale du budget et des finances publiques, entre 2006 et 2012, plus de la moitié du budget de l’État a disparu dans la nature (lequel s’élevait en 2012 à environ 2 760 milliards de F CFA, soit 4,2 milliards d’euros). Et, sur la même période, 600 milliards de F CFA ont été frauduleusement payés aux fournisseurs de l’État.
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