La Mauritanie protège ses cultivateurs des aléas météo

Inondations, sécheresse, oiseaux… Suivant les exemples du Maroc et du Sénégal, Nouakchott met sur pied un contrat couvrant les sinistres naturels. Le but : préserver une activité cruciale pour l’économie du pays.

Une plaine entre Moudjeria et Tidjikja, en Mauritanie © Groundhopping Merseburg/FlickrCC

Une plaine entre Moudjeria et Tidjikja, en Mauritanie © Groundhopping Merseburg/FlickrCC

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 19 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Les produits vie s’africanisent © SEVERIN MILLET POUR J.A.
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Les assurances-vie s’africanisent

Ce mode d’épargne à long terme demeure mal ou peu connu et suscite encore de la méfiance. Sa pénétration est seulement de 1 % en moyenne au sud du Sahara (hors Afrique du Sud). Les assureurs y voient pourtant déjà un vrai gisement de croissance face au ralentissement de la branche incendie, accidents et risques divers (IARD).

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Quand le fleuve Sénégal déborde, les rizières de vallée sont très souvent détruites. Pour les cultivateurs mauritaniens, aux revenus généralement modestes, c’est à chaque fois synonyme de lourdes pertes d’exploitation. Afin de protéger les cultures irriguées, Nouakchott met actuellement au point une assurance agricole. Son lancement est prévu au cours de ce premier semestre. En plus des inondations, ce contrat couvrira les dégâts causés par les oiseaux et la sécheresse.

Le dispositif est testé depuis deux ans dans des fermes pilotes. Son originalité tient à l’utilisation d’un indice météo pour déterminer le niveau des dommages en cas de sinistre. « Les données sont analysées par des agronomes et des météorologues, qui examinent les conséquences des événements climatiques passés sur les rendements agricoles », explique Pierre Casal Ribeiro, chargé de mission recherche au sein de la fondation Grameen Crédit agricole.

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Pour convaincre les agriculteurs, qui gagnent peu, dans un pays où l’assurance est peu répandue, « il faut mettre en place des mesures d’accompagnement », affirme Mohamed Lemine Ould Naty, directeur du contrôle des assurances au ministère du Commerce. Les riziculteurs bénéficient ainsi d’une subvention de l’État qui représente 50 % du montant de leur prime d’assurance. Les compagnies profitent aussi d’un coup de pouce des pouvoirs publics, qui les exonèrent de la taxe d’assurance.

Afin de généraliser l’adoption de ces contrats, « l’assurance pourrait être obligatoire pour bénéficier du crédit ou acquérir des semences. Les établissements bancaires ont également intérêt à ce que les agriculteurs soient couverts pour réduire le risque lié aux récoltes », souligne Pierre Casal Ribeiro, qui indique en outre que d’autres acteurs de la filière comme les coopérateurs ou les semenciers peuvent également être impliqués dans la promotion de cette assurance.

Filets de sécurité

L’expérience du voisin marocain, qui a débuté en 1994, est observée à la loupe. Car l’assurance agricole y a démarré très faiblement pour atteindre un niveau significatif en 2014 avec un taux de pénétration de 17 %. Elle concerne de nombreuses cultures céréalières et maraîchères. Pour développer ces contrats, Rabat accorde aussi des subventions dont les montants peuvent aller jusqu’à 90 % de la prime due.

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Mais le modèle que Nouakchott voudrait calquer, c’est celui du Sénégal. « Il est plus proche des réalités mauritaniennes, tant au niveau des risques que des problèmes de financement que rencontrent nos agriculteurs », analyse Naty. Des experts mauritaniens ont été dépêchés dans les deux pays afin d’aider à la création de la compagnie d’assurance à leur retour.

Nouakchott espère inciter les agriculteurs à innover davantage dans l’espoir de faire enfin décoller les rendements

Deux modèles sont toujours dans la balance : une société d’assurance agricole par action à but lucratif avec un capital réparti entre l’État mauritanien, les agriculteurs et les investisseurs institutionnels, ou une mutuelle à but non lucratif. Trop peu rentable pour le privé, la mise en place d’une assurance agricole repose principalement sur des financements publics.

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Au vu de l’importance du secteur agricole au plan national (17,1 % du PIB en 2014), l’effort de la Mauritanie pour créer ce filet de sécurité apparaît tout à fait justifié. « Grâce à l’indemnisation, un agriculteur qui sera assuré pourra réinvestir même après avoir perdu sa récolte. De plus, il aura un meilleur accès au crédit, car cela en fera un client présentant moins de risques », soutient Pierre Casal Ribeiro. Avec ce dispositif, Nouakchott espère inciter les agriculteurs à innover davantage dans l’espoir de faire enfin décoller les rendements, encore très bas.

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