Smaïl Chergui, commissaire de l’UA : « Nous ne laisserons pas le Burundi basculer dans la violence »
Alors que le gouvernement burundais s’oppose toujours à une intervention africaine sur son sol, les chefs d’État réunis lors du 26e sommet de l’Union africaine (UA) ont renoncé à la lui imposer. Mais le commissaire à la paix et à la sécurité, l’Algérien Smaïl Chergui, ne renonce pas à convaincre Bujumbura. Et milite pour que les troupes africaines soient davantage mobilisées dans les crises qui agitent le continent. Entretien.
Jeune Afrique : La Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu) n’a finalement pas vu le jour. Pourquoi ?
Smaïl Chergui : Contrairement à ce qui a été dit, cette force n’est pas abandonnée. Mais dès l’origine elle devait être mise sur pied avec l’accord du gouvernement burundais. Nous souhaitons toujours qu’il y adhère. Cette mission l’aidera à régler les problèmes pour lesquels il nous a sollicité : la circulation d’armes et de milices ainsi que son différend avec un pays voisin. Elle se déploiera aux frontières pour éviter les infiltrations et les attaques.
En cas de très graves violations des droits de l’homme ou d’un possible génocide, l’article 4 de notre acte constitutif nous permet d’intervenir sans l’agrément du pays concerné.
Le président de l’UA, Idriss Déby Itno, affirme qu’il y aura une intervention si la situation dégénère. Mais cela sera-t-il possible si Bujumbura y reste opposé ?
En cas de très graves violations des droits de l’homme ou d’un possible génocide, l’article 4 de notre acte constitutif nous permet d’intervenir sans l’agrément du pays concerné. Cela supposerait que cette force ait un mandat plus solide. J’espère que l’on n’en arrivera pas là.
L’UA n’a-t-elle pas perdu une partie de sa crédibilité dans cette affaire ?
Le président Déby Itno a parlé au nom de tous les chefs d’État. Sa détermination est claire. Nous ne laisserons pas le Burundi basculer dans la violence et dans une instabilité incontrôlable.
Quelles mesures l’Afrique prend-elle face à la prolifération des groupes jihadistes ?
Les récentes attaques à Bamako et à Ouagadougou venaient du Nord-Mali, or la mission de l’ONU sur place n’a pas mandat pour combattre les terroristes. Nous proposons de créer en son sein une force africaine spéciale, à l’image de la brigade d’intervention de la mission de l’ONU en RD Congo. Évidemment, il y a le dispositif français Barkhane. Mais les armes continuent d’affluer de Libye, et Daesh s’implante dans ce pays.
Êtes-vous favorable à une intervention militaire en Libye ?
Pas pour le moment. Nous voulons qu’un gouvernement soit formé ; nous aiderons alors ses forces de sécurité à accomplir elles-mêmes leurs missions. Nous avons connu l’expérience malheureuse de l’Irak. Faire intervenir une force en Libye serait comme lancer un appel à tous les jihadistes. Ils sont faciles à recruter dans la région…
L’Union européenne vient de décider de réduire de 20 % sa contribution aux salaires de nos soldats
Les pertes de l’UA sont très importantes en Somalie. Pourquoi ne rendez-vous pas ces chiffres publics ?
Nous tenons un compte précis mais nous ne voyons pas l’intérêt de faire de la publicité aux terroristes. Si nos troupes obtiennent de très bons résultats, elles paient un très lourd tribut, en partie parce que nous sommes moins bien équipés que les missions de l’ONU. Moralement, la communauté internationale est tenue de nous fournir des hélicoptères et des véhicules de transport de troupes. Pourtant, l’Union européenne vient de décider de réduire de 20 % sa contribution aux salaires de nos soldats. C’est une décision très dure qui intervient à un moment très délicat.
Où en est la création de la force africaine en attente ?
En novembre 2015, en Afrique du Sud, nous avons réussi un exercice regroupant 5 000 hommes, avec un transport aérien stratégique assuré par les Africains eux-mêmes. Les ministres de la Défense en ont conclu que cette force était désormais opérationnelle. Par ailleurs, une base logistique continentale est en cours de réhabilitation à Douala. Elle nous permettra d’intervenir par air, mer et terre. Nous voulons qu’elle soit prête d’ici à septembre.
Vous achevez votre mandat dans quelques mois. Vous représenterez-vous à ce poste ?
Le moment venu, mon pays et moi-même prendrons une décision conforme aux intérêts du continent.
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