Jean-Marie Cour : « Les migrations sont indispensables »
Pour l’économiste français, la mobilité des populations africaines est nécessaire au développement du continent. Et à sa sécurité.
Économiste et démographe, Jean-Marie Cour plaide pour que les questions de peuplement soient placées au centre des débats économiques en Afrique subsaharienne. Il préfère d’ailleurs parler de « pays en voie de peuplement » que de « pays en voie de développement ». Qu’il s’agisse des frontières, des migrations ou de la nécessité d’accompagner l’urbanisation plutôt que de fixer les populations dans les campagnes, son discours fait bouger les lignes. Entretien.
Frontières et pauvreté
« La lutte contre la pauvreté telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, avec l’idée d’aider les pauvres là où ils sont, est une erreur. Au contraire, il faut que les gens franchissent les frontières. Les migrations sont indispensables en raison du boom démographique. La « surdensification » de certains pays est un drame. »
Financer le développement
« Pour répondre aux besoins en infrastructures, les modes de financement auxquels les pays occidentaux ont eu recours par le passé, comme l’esclavage ou la corvée, ne sont plus utilisables. Et aujourd’hui ces mêmes pays imposent en Afrique leurs propres normes, éthiques ou de qualité. Il faudrait donc des transferts définitifs – et non des prêts – du Nord vers les pays en voie de peuplement. Ce n’est pas faire œuvre de charité, car le peuplement de l’Afrique est un problème planétaire. »
L’emploi des jeunes
« Il est faux de dire qu’il n’y a pas de travail au sud du Sahara. C’est dans le secteur informel que se trouvent les emplois et que se forme une jeunesse entrepreneuriale. Les statistiques africaines ne valant rien, tout cela n’est pas perçu. »
Les tensions au Sahel
« Les prévisions des Nations unies, qui envisagent 70 millions d’habitants au Niger en 2070, se fondent sur l’hypothèse d’une migration zéro, ce qui est une absurdité intellectuelle. Une grosse partie des populations sahéliennes seront ailleurs, pour peu qu’on les ait laissé migrer. La crainte de Serge Michailof dans son ouvrage Africanistan [qui prévient d’une montée du terrorisme au Sahel] vient du fait que la croissance de la population sahélienne n’est plus régulée par l’émigration. Si on ne renverse pas cette tendance, la crainte d’un basculement vers le terrorisme est réelle. »
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