Ouganda : Museveni, le maître dans sa « bananeraie »
Au pouvoir depuis trente ans, Yoweri Museveni tentera d’obtenir un cinquième mandat de président le 18 février. Avec déjà la quasi-certitude de l’emporter face à une opposition divisée.
Né il y a soixante et onze ans à Ntungamo, dans le sud-ouest de l’Ouganda, Yoweri Museveni aime à rappeler ses origines rurales. Se présentant volontiers comme un simple éleveur, le président apprécie particulièrement la métaphore paysanne. En 1995, il avait intitulé son autobiographie Sowing the Mustard Seed (« semer la graine de moutarde »). Aujourd’hui, alors qu’il vient de fêter ses trente ans de règne et brigue un nouveau mandat de cinq ans, il se voit à la tête d’une plantation verdoyante. « Comment pourrais-je quitter une bananeraie que j’ai plantée et qui commence à donner des fruits ? » demande-t-il, mutin.
Le 18 février, avec la quasi-certitude de l’emporter face à une opposition divisée, Museveni sera en lice pour sa cinquième présidentielle à la tête du Mouvement de résistance nationale. Arrivé au pouvoir par les armes en 1986, dans un pays exsangue après les dictatures d’Idi Amin Dada et de Milton Obote, il ne manque jamais une occasion de rappeler ce que l’Ouganda lui doit : la stabilité, une certaine croissance économique et une relative amélioration des libertés.
Ancien guérillero marxiste converti à l’économie de marché, le président est un fin manœuvrier qui sait donner d’une main pour reprendre de l’autre. Face aux pressions internationales, il a accepté l’introduction du multipartisme au moment même où il faisait sauter le verrou de la limitation des mandats… Bien entendu, les médias sont libres de s’exprimer, mais de malheureux impayés peuvent fort opportunément servir de prétexte pour fermer une radio qui aurait eu le tort, à l’instar d’Endigyito FM fin janvier, d’interviewer un opposant.
Des ex-partisans de Museveni dans l’opposition
Le 18 février, les opposants en question seront au nombre de sept à défier le Mzee (« le vieux »), dont une seule femme, Maureen Kyalya, ancienne aide présidentielle. C’est d’ailleurs là l’une des particularités de cette élection : c’est dans les rangs de ses ex-partisans, voire de ses proches, que grandissent les candidats à la succession de Museveni. Son éternel rival du Forum pour le changement démocratique, Kizza Besigye (59 ans), est son ancien médecin.
Amama Mbabazi (67 ans), qui promet de rétablir la limitation des mandats, fut Premier ministre pendant trois ans. Heureusement, côté famille, le président peut compter sur le soutien indéfectible des siens : sa femme, Janet, est ministre, chargée de la région du Karamoja, sa fille Natasha Karugire est sa secrétaire pour les affaires intérieures et son fils, Muhoozi Kainerugaba (41 ans), dirige la garde présidentielle tout en étant responsable de la sécurité des installations pétrolières du pays.
Si l’Ouganda de 2016 se porte bien mieux que celui de 1986, la bananeraie de Museveni n’est pas encore un jardin d’Éden. Alors que la bataille présidentielle fait rage sur les réseaux sociaux entre #VoteSevo (Museveni), #GoForward (Mbabazi) et #WesigeBesigye (Besigye), la société civile frémit de protestations. Des voix s’élèvent contre le zèle policier ou les activités de ces crime preventers qui ont pour habitude de s’en prendre surtout aux partisans de l’opposition. Parler est possible, dans l’Ouganda de Museveni, mais hausser le ton est mal vu.
Le général à la retraite David Sejusa, lui aussi ancien conseiller du président, avait dû s’exiler pendant dix-huit mois, en 2014, pour avoir critiqué la dérive monarchique du régime. Au début du mois de février, il a été tout bonnement arrêté. Alors que l’armée ne paie plus ses émoluments, il est accusé d’insubordination, d’abandon de poste et de participation à des réunions politiques – ce qui lui a valu d’être envoyé à la prison de Luzira. Prison où il avait déjà été détenu, en 1976, sous Idi Amin Dada.
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