Léonard Nyangoma : « Il est encore possible de négocier » au Burundi

Il comprend ceux qui ont fait le choix des armes, mais ne s’y résout pas : le président du Cnared veut croire que toutes les voies du dialogue avec le pouvoir n’ont pas été épuisées.

Léonard Nyangoma, président du Cnared © CNARED

Léonard Nyangoma, président du Cnared © CNARED

Publié le 22 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Délicat exercice d’équilibriste que celui de président du Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un État de droit au Burundi (Cnared), une coalition hétéroclite qui rassemble depuis six mois les principaux partis d’opposition et des figures de la société civile, et qui juge illégitime le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. En exil en France, l’ancien rebelle Léonard Nyangoma (63 ans) estime que seules des mesures fortes pourront faire plier le président burundais.

Jeune Afrique : À l’issue du dernier sommet de l’Union africaine, le Cnared a publié un communiqué affirmant que « l’heure est à la fermeté et non à la complaisance ». Qu’est-ce à dire ?

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Léonard Nyangoma : Ce que nous voulons signifier à la communauté internationale, mais aussi au peuple burundais, c’est qu’il faut exercer des pressions fortes pour amener le régime de facto de Bujumbura à revenir à la table des négociations. Il faut combiner les pressions internes et externes, politiques, diplomatiques, économiques et financières… Je pense à un embargo sur les armes, les munitions et le pétrole, et, pourquoi pas, au gel des avoirs extérieurs des dirigeants, mais aussi au retrait des militaires burundais des missions de maintien de la paix. Bref, à tout ce qui donne du souffle financier au régime.

L’UA n’a pas donné son feu vert à la mise en place d’une force d’interposition, la Maprobu. Êtes-vous déçu ?

Malheureusement, certains chefs d’État sont soucieux de ne pas créer un précédent en envoyant une force militaire dans un pays sans son aval. Une bonne partie de la population burundaise s’est sentie abandonnée. Depuis, les caciques du pouvoir de Nkurunziza disent : « La Maprobu ne viendra plus, vous avez le choix entre le silence, la mort ou l’exil. » La guerre civile devient de plus en plus évidente.

Depuis sa création, le Cnared a fait du dialogue le principal moyen de résolution du conflit

Le Cnared appelle-t-il à prendre les armes ?

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La violence peut être légitime. J’aime à citer Mandela qui disait que « c’est l’oppresseur et non l’opprimé qui détermine la forme de la lutte ». Mais nous n’avons pas épuisé tous les moyens d’aboutir à une solution négociée. Depuis sa création, le Cnared a fait du dialogue le principal moyen de résolution du conflit. La guerre déchaîne toujours les folies et reste une tragédie.

Que dites-vous à ceux qui rejoignent le maquis ?

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Je les comprends. Le Cnared ne saurait les condamner en tant que tels. Ils sont l’expression de la légitime défense du peuple agressé. Ce qu’on peut regretter, c’est le manque de coordination des groupes rebelles, mais aussi certains choix tactiques précipités et parfois mal adaptés.

Des grenades sont lancées dans des bars, des civils sont tués dans la rue…

Je regrette et condamne ces actes perpétrés contre des civils, même si on ne sait pas qui commet ces actes de barbarie. Il n’y a pas de guérilla qui peut tenir dans les centres urbains, au risque de faire massacrer ceux qu’on prétend protéger.

Nkurunziza est la source du conflit. Comment peut-on résoudre un problème en maintenant le problème ?

Exigez-vous toujours que Nkurunziza quitte le pouvoir ?

Nous n’avons pas de conditions spéciales pour démarrer le dialogue. Mais Nkurunziza est la source du conflit. Comment peut-on résoudre un problème en maintenant le problème ? Les forces vives de la nation devront chercher un large consensus en vue de mettre en place des institutions de transition qui devraient déboucher sur des élections libres et transparentes.

Combien de temps pourrait durer cette transition ?

Trente mois au plus. Ses missions principales seront de mettre fin à l’engrenage des tueries, de renouer avec l’unité des forces de défense et de sécurité que le régime en place a détruites, et d’organiser des élections libres et démocratiques.

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