France : le livre de Nicolas Sarkozy qui dit « si si, j’ai changé »

Sa reconquête de l’Élysée paraît mal engagée ? Nicolas Sarkozy contre-attaque en publiant un livre en forme de mea culpa qui cartonne en librairie. Il y recense ses erreurs, jure qu’il n’est plus celui qu’il a été et esquisse les grandes lignes de son futur programme. Belle opération de com.

Le 9 février à Bordeaux, fief de son grand rival Alain Juppé, le président des              Républicains dédicace  La France pour la vie. © THIBAUD MORITZ/IP3/MAXPPP

Le 9 février à Bordeaux, fief de son grand rival Alain Juppé, le président des Républicains dédicace La France pour la vie. © THIBAUD MORITZ/IP3/MAXPPP

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Publié le 16 février 2016 Lecture : 6 minutes.

Il a fini par l’écrire, son mea culpa, Nicolas Sarkozy. L’introspection n’étant pas son fort, il rechignait à faire l’inventaire de sa présidence (2007-2012), comme le lui réclamaient ennemis et amis depuis bientôt quatre ans. « Il lui fallait stopper l’hémorragie de son cœur électoral et faire taire ceux qui, depuis deux mois, susurrent que Sarkozy, c’est fini », explique Bernard Sananès, président de l’observatoire politique Elabe. Car il ne cesse de perdre du terrain sur Alain Juppé, son principal rival pour la primaire de la droite. Sarkozy en outsider ? On aura tout vu !

Ainsi est née La France pour la vie (Plon, 264 p., 18,90 euros), livre qui fait un tabac depuis sa sortie, le 25 janvier : plus de 70 000 exemplaires vendus en une semaine. Enfoncés les bouquins de Copé, Fillon, Juppé, Le Maire et autres prétendants à l’Élysée ! Des fans qui font la queue pour un autographe dans les librairies de Strasbourg, du Mans ou de Montpellier ! Carla Bruni, son épouse, qui déclare au micro de RTL : « Je ne savais pas que je vivais avec un écrivain » ! Ces hommages mettent du baume au cœur à l’ancien président.

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La confession de ses regrets

Le Figaro a recensé sous sa plume pas moins de vingt-sept aveux d’erreurs. Mais les choses sont plus compliquées. Certes, Sarkozy reconnaît sans ambages des fautes. En répliquant « casse-toi, pauvre con » à un contradicteur, il a, dit-il, « abaissé la fonction présidentielle ». En d’autres termes, « avoir du caractère n’excuse pas tout », et d’ailleurs « il [lui] a fallu plus de temps que de raison pour dompter [s]on tempérament ». On peut aussi ranger au rayon des aveux le revirement sur le mariage homosexuel. Il voulait l’abroger, il a changé d’avis. « Je l’assume, j’ai évolué », dit-il.

Le reste de la confession ne concerne que des péchés véniels. Il y a d’abord les ratés de communication. Jamais, explique-t-il, il n’a voulu comparer les magistrats à des légumineuses quand il a utilisé à leur endroit le terme de « petits pois ». Il n’a pas non plus mesuré l’image d’« ami des riches » qu’il allait nécessairement donner en acceptant une croisière sur le bateau de Vincent Bolloré pour tenter de sauver son couple avec Cécilia. Et il a mal choisi ses mots pour parler aux chercheurs : il avait cru dire que la lecture de La Princesse de Clèves n’était pas nécessaire pour passer un concours administratif ; on y a vu de l’inculture.

Autre litanie, celle des regrets. Regret de ne pas avoir réservé « une plus grande place à certains leaders de la droite et du centre » dans sa campagne électorale de 2012. Regret de s’être trompé sur son conseiller en communication, le vénéneux Patrick Buisson, qui enregistrait leurs conversations à son insu. Regret, surtout, de n’avoir pas été davantage lui-même en écoutant les « tièdes » qui lui recommandaient d’être moins « brutal ».

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Ainsi juge-t-il qu’il n’aurait pas dû retarder ou tempérer les réformes qu’il jugeait indispensables : suppression des trente-cinq heures et de l’impôt sur la fortune, création de la TVA sociale, réforme du RSA… Que, loin d’avoir été « l’hyperprésident » moqué par la presse, il ne l’a pas été assez. Qu’il aurait dû être encore plus tranchant dans son fameux discours de Grenoble sur l’immigration et les Roms.

Futur candidat à la présidentielle ?

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À l’issue de cette confession où il donne l’impression de s’absoudre lui-même se pose la question de savoir si Nicolas Sarkozy est candidat à la course à la présidentielle de 2017. « Il est trop tôt », répond-il, alors que tout son livre prouve le contraire. Il sait que le match avec Alain Juppé se jouera moins sur leurs programmes électoraux respectifs que sur leurs personnalités. Il entreprend donc de corriger l’image détestable qui lui a coûté la victoire en 2012. Bref, il entend démontrer qu’il a changé.

On le disait revanchard ? « Le besoin de revanche n’entre en rien dans mon retour en politique. » Agité ? « L’âge qui vient m’a apporté ce qui m’a manqué : la sérénité », ou encore : « Cet échec de 2012 […] m’a sans doute débarrassé de tant d’impatiences inutiles autant que dérisoires. » Fasciné par les riches ? « Je n’apprécie guère l’univers des élites. » Excessif ? Il entend « se garder comme de la peste de l’immobilisme et de la surréaction ».

On avait fustigé son manque de culture ? Il consacre tout un chapitre (« Pourquoi la culture est un sujet présidentiel ») à prouver son amour des arts et des lettres. Morceau choisi : « Je ne peux concevoir le bonheur de vivre sans discussions passionnées avec des cinéastes, des romanciers, des architectes… En un mot, avec des créateurs et des artistes. »

Alain Juppé est gratifié d’un long paragraphe de louanges ambiguës

Si l’on doutait encore de sa détermination à concourir en 2017, les derniers chapitres, de facture indiscutablement programmatique, convaincraient du contraire. Qui d’autre qu’un candidat pourrait se déclarer partisan d’un cumul de deux mandats électoraux et de la réduction d’un tiers du nombre des parlementaires ; préconiser une baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu ; et une réduction de 100 milliards d’euros en cinq ans des dépenses budgétaires. D’autant qu’il utilise plus souvent qu’à son tour les mots « sursaut », « retour », « renouer », « redevenir »…

Les amateurs des coulisses de la politique apprécieront les coups de griffe décochés aux ennemis. Et les crocs-en-jambe réservés aux amis. De François Hollande, il écrit : « Je connais son habileté à manipuler et à préparer des pièges. Je sais […] combien il sait dissimuler, masquer, parfois même travestir la vérité. »

Alain Juppé est gratifié d’un long paragraphe de louanges ambiguës : « Son moindre goût pour le risque ou tout ce qui apparaît comme trop différent faisait un utile contrepoids à mon appétence naturelle pour l’action et le volontarisme qui peut parfois sembler exagéré. » Dominique de Villepin, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, avec lequel il s’écharpa dans l’affaire Clearstream, se voit presque blanchi de l’accusation d’avoir monté cette machination contre lui : « C’est un homme que j’aurais dû mieux connaître et apprendre à mieux comprendre. Il est de ceux dont nous aurons bien besoin. »

Peu importe le côté brouillon, parfois contradictoire de La France pour la vie. Il ne s’agit pas d’une œuvre littéraire, mais d’une machine de guerre électorale dont les qualités seront jugées en fonction de sa capacité à tirer son auteur d’un mauvais pas. Jouable ? « Ce mea culpa arrive trop tard, analyse Bernard Sananès. Il est généralement perçu comme une opération de « com ». Nombreux sont ceux qui doutent que Sarkozy fasse demain à l’Élysée ce qu’il n’y a pas fait hier. » La tâche de persuasion s’annonce plus ardue que la peinture d’un moi soigneusement retouché.

UN PLAN MARSHALL POUR L’AFRIQUE

Après avoir affirmé que « le continent africain ne pourra faire l’économie d’une politique de maîtrise de la natalité », car avoir cinq ou sept enfants par famille inhibe la croissance, Sarkozy écrit : « Nous serions bien avisés de considérer la mise en place d’un immense plan Marshall destiné à financer les grands équipements d’infrastructure qui seuls permettront de conforter [sa] croissance économique. »

« Pour des raisons économiques, politiques, morales, géostratégiques, ce sont ni plus ni moins l’avenir et la stabilité de l’Europe qui se jouent dans la réussite d’un partenariat majeur entre notre continent et ce géant voisin », poursuit-il. Il n’est « pas loin de penser qu’il n’y aura pas de priorité plus stratégique pour la future politique étrangère de la France que celle que représentent l’Afrique, son développement, sa stabilité ».

Désireux de traiter la question de l’islam « sans amalgame, mais sans hypocrisie », l’ancien président souligne que « la laïcité reconnaît à chacun le droit de vivre sa foi […]. Ce principe ne peut supporter la moindre restriction. Mais, à l’inverse, l’islam de France et les musulmans français croyants doivent assumer leurs responsabilités. Le combat contre la barbarie ne les concerne pas davantage, mais pas moins que les autres. »

Refusant le communautarisme, il veut réaffirmer l’identité française, car « sans identité, aucune diversité n’est possible […]. C’est aux derniers arrivés de s’adapter aux usages de ceux qui les ont précédés ».

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