Abdelhamid Addou, un expert du marketing pour consolider la RAM
L’ancien patron du tourisme marocain, et ex-cadre dirigeant de Coca-Cola, prend la tête du transporteur national. Avec un défi : mettre la compagnie définitivement à l’abri des turbulences.
Lundi 8 février 2016. Un conseil d’administration exceptionnel se tient au siège de la Royal Air Maroc (RAM), à Casablanca. Les administrateurs sont venus prendre acte d’une décision royale, prise deux jours plus tôt à Laayoune, lors du Conseil des ministres : Abdelhamid Addou devient PDG de la compagnie à la place de Driss Benhima. Une nomination qui a pris tout le monde de court. Ce dernier semblait intouchable après avoir réussi à sauver la compagnie de la banqueroute. Mais une semaine seulement avant de souffler sa dixième bougie à la tête de la compagnie, il est éjecté du cockpit. L’heure de la relève a sonné. « Le président sortant a géré la passation avec une élégance qui lui ressemble. Ses mots à l’égard de son successeur ont été cordiaux et bien sentis », nous confie un cadre de la RAM.
Tout comme ses collègues, ce dernier a découvert Abdelhamid Addou lors de cette cérémonie. « Un quadragénaire aux traits juvéniles, mais dont la timidité apparente cache une grande capacité d’écoute et de synthèse », affirme un publicitaire qui l’a côtoyé lorsqu’il était membre du Groupement des annonceurs du Maroc. Avant d’atterrir aux commandes du transporteur national, le patron désormais le plus jeune de l’histoire de la RAM – 44 ans seulement – a été aux commandes de plusieurs entreprises privées. Changeant parfois de fauteuil à la vitesse d’un Dreamliner poussé à plein régime.
Un marketeur renommé
Diplômé de l’École Mohammadia d’ingénieurs en 1996, Abdelhamid Addou troque sa combinaison bleue des bâtiments, ponts et chaussés pour le costard cravate du marketeur. Il rejoint la multinationale américaine Procter & Gamble, où, en moins de cinq ans, il accède au poste de directeur régional des ventes. Puis, en 2002, il devient directeur marketing chez Coca-Cola avant d’être recruté, trois ans plus tard, par l’opérateur de télécoms Méditel en tant que directeur de l’unité dévolue aux entreprises.
C’est en 2008 qu’Abdelhamid Addou sort réellement de l’anonymat. Il est choisi par Mohamed Boussaid, à l’époque ministre du Tourisme, pour occuper le siège de directeur général de l’Office national marocain du tourisme (ONMT). Après les shampooings et les sodas, il est chargé, à 36 ans, de promouvoir le royaume. « Les codes de promotion d’une marque sont les mêmes, qu’il s’agisse d’un produit de grande consommation ou d’un pays », justifiait-il à l’époque. Au sein de l’ONMT, il s’attelle, avec Yassir Zenagui – le successeur de Boussaid -, à l’élaboration de la deuxième phase du plan stratégique du secteur touristique : la Vision 2020. « Entre ces deux jeunes hommes qui avaient pratiquement le même âge et qui voulaient faire leurs preuves, le courant passait à merveille », témoigne un ancien de l’ONMT. Mais, un an après l’arrivée du gouvernement Benkirane et donc d’un nouveau ministre, Abdelhamid Addou se voit débarqué de son poste. Et pas de la manière la plus élégante…
Fin décembre 2012, il est en vacances avec sa petite famille quand il apprend par voie de presse que le ministère du Tourisme vient de lancer un appel à candidature pour la direction de l’ONMT, son propre poste… « Il a mal vécu cet épisode. D’autant que quelques mois auparavant il avait lui-même demandé à partir, estimant qu’il avait terminé sa mission », nous confie l’un de ses proches.
Abdelhamid Addou ne tarde cependant pas à rebondir. En avril 2013, il rejoint Diana Holding, le conglomérat de Brahim Zniber. Mais, très vite, le nouveau directeur général fait les frais d’un conflit familial au sujet de la gouvernance du groupe, qu’il se voit contraint de quitter moins d’un an après sa nomination. Il renoue alors avec le tourisme en prenant les rênes de la Société d’aménagement d’Essaouira Mogador, en juin 2014.
L’aérien porteur pour le tourisme national
En reprenant cette société qui gère une des stations balnéaires du plan Azur, Abdelhamid Addou est réapparu dans les radars du tourisme, qui a besoin d’un gros coup de fouet pour retrouver son dynamisme à mi-chemin de l’échéance de 2020. Il pourrait aujourd’hui aider le secteur à décoller grâce à sa nouvelle position dans l’aérien. « L’objectif premier de la RAM doit être le développement du tourisme national », déclarait-il d’ailleurs à la presse en 2012.
À l’époque, il prêchait pour sa paroisse en tant que patron de l’ONMT et fulminait contre la décision de Driss Benhima de fermer la ligne Marrakech-Londres, « qui a fait perdre au Maroc près de 1 milliard de dirhams [près de 90 millions d’euros] de recettes touristiques ». Aujourd’hui, en revanche, l’homme se montre plus prudent. Contacté par Jeune Afrique, le nouveau patron nous explique qu’il est encore prématuré d’exposer sa stratégie pour la compagnie. Mais finit par lâcher : « De toute manière, le soutien au secteur touristique est un souci permanent pour tous les opérateurs. »
La modération du nouveau pilote de la RAM est amplement justifiée. Lui qui a été administrateur de la compagnie pendant ses quatre années à l’ONMT connaît les difficultés qu’elle a traversées. Et même si le plan de sauvetage a permis de lui éviter un décrochage fatal, elle n’est pas définitivement sortie de la zone de turbulences.
UN LIMOGEAGE ET DES RUMEURS
Le bilan de Driss Benhima à la tête de la RAM fait l’unanimité. Cet ingénieur qui collectionne les postes à hautes responsabilités depuis les années 1990 a su négocier un contrat-programme avec les pouvoirs publics pour sauver la compagnie, mise à mal par la perte de son monopole sur le ciel marocain. Après avoir atteint l’équilibre en 2013, le transporteur annonçait en octobre 2015 un résultat net de 160 millions de dirhams (14,6 millions d’euros) pour un chiffre d’affaires de 14 milliards de dirhams.
Le remplacement de Benhima a donc surpris, et chacun y va de sa théorie quant à la cause de son départ : le scandale du chien de l’épouse d’un grand banquier qui a dégusté un plateau-repas en business class, le bras de fer avec la société Afriquia (appartenant à Aziz Akhannouch) au sujet de son supposé monopole sur le kérosène, le blocage du projet de ligne Casablanca-Dakar lancé par Air Arabia (de la famille Bensalah)… Une chose est sûre : Benhima a été le premier surpris de son débarquement. « Tout comme son successeur, il a été averti la veille du Conseil des ministres », nous assure une source proche du dossier. C’est le propre des nominations royales.
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