Ethiopian Airlines, ce fleuron qui s’épanouit dans le giron de l’État

Le transporteur éthiopien, 100 % public, est le plus rentable d’Afrique. Taux d’emprunt très favorables, coût du travail peu élevé… Addis-Abeba a su créer les conditions pour faire décoller sa compagnie.

À l’aéroport d’Addis-Abeba. 
La flotte du groupe croît de 20 % à 25 % chaque année. © MICHAEL GOTTSCHALK/PHOTOTHEK VIA GETTY IMAGES

À l’aéroport d’Addis-Abeba. La flotte du groupe croît de 20 % à 25 % chaque année. © MICHAEL GOTTSCHALK/PHOTOTHEK VIA GETTY IMAGES

Publié le 3 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

Sur un continent où la majorité des compagnies aériennes peinent à atteindre l’équilibre financier, Ethiopian Airlines fait figure d’exception. Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), le groupe a ainsi réalisé, lors de son dernier exercice, un profit bien plus élevé que ceux de toutes ses concurrentes africaines réunies ! Mieux : il a déjà atteint la majorité des objectifs de son plan 2010-2025. « Alors que la croissance dans cette industrie est très faible, moins de 5 % en moyenne, Ethiopian Airlines progresse de 20 % à 25 % par an, que ce soit en revenus ou en nombre d’avions », se félicite Tewolde Gebremariam, son PDG.

Au cours de l’exercice clos fin juin 2015, la compagnie a enregistré un profit net de 3,15 milliards de birrs (134 millions d’euros), contre 2 milliards de birrs un an plus tôt. D’après les comptes vérifiés par l’Audit Services Corporation (une société spécialisée dans les entreprises publiques), sa marge d’exploitation est de 9,49 %, (contre 2,14 % en 2011), soit un niveau comparable à celui des plus grands transporteurs européens. Ethiopian Airlines a aussi accru le nombre de ses routes aériennes, passant de 69 en 2011 à 89 aujourd’hui.

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Bienveillance

Parmi les raisons de cette performance, l’effondrement des prix du pétrole, qui a réduit les coûts énergétiques, mais aussi les difficultés des principaux rivaux d’Ethiopian Airlines. Kenya Airways, par exemple, a lancé en 2015 un grand programme de restructuration, incluant la cession de plusieurs de ses plus gros avions, après l’échec d’un ambitieux plan d’expansion lancé en 2011. La compagnie kényane, détenue à 26,7 % par Air France-KLM, n’a enregistré que des pertes sur les trois dernières années, dont 252 millions de dollars (232 millions d’euros) sur le dernier exercice, clos en mars 2015. En cause : l’émergence de la concurrence, mais aussi les attaques terroristes dans le pays. De même, South African Airways a connu sept PDG en trois ans, et ses pertes ont atteint 300 millions de dollars entre avril 2011 et mars 2014.

Mais, au-delà de ces explications conjoncturelles, les analystes attribuent en grande partie le succès d’Ethiopian Airlines à la bienveillance de son propriétaire, l’État, qui ne demande pas de dividendes et qui, par le biais de politiques publiques, permet de maintenir au plus bas les coûts de travail et de financement. « La compagnie n’a pas à payer de dividendes, peut accumuler du capital et bénéficie d’un coût du travail plus faible et d’une plus grande productivité que ses rivaux », confirme Eric Musau, analyste à la Standard Investment Bank, à Nairobi. Reste que, d’après lui, ce statut avantageux changera inévitablement à mesure que l’économie éthiopienne se modernisera : « Dans une économie plus ouverte, les salaires vont décoller. Les coûts augmenteront à un moment ou à un autre, et tout le défi consistera à bien gérer cette hausse. »

Zéro subvention

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Pour sa part, Tewolde Gebremariam soutient que si le gouvernement autorise effectivement la compagnie aérienne à réinvestir tous ses profits, l’État ne lui accorde aucune subvention. Il ajoute que la politique de développement économique du gouvernement n’est pas différente de celles de beaucoup d’autres nations. Et de citer les pays du Golfe (Dubaï, Abou Dhabi et le Qatar), mais aussi la Chine. Un point de vue que ne partage pas le président d’une compagnie concurrente : selon lui, Ethiopian Airlines profite de pouvoir emprunter à des taux très favorables grâce à son statut d’entreprise 100 % publique. « Nous ne pouvons simplement pas rivaliser », soupire-il.

Tewolde Gebremariam l’affirme : son business model s’inspire de celui de Singapore Airlines, une autre compagnie aérienne d’État ayant bénéficié d’un développement géré par le gouvernement. « Primo, c’est une compagnie très compétente en matière de performance financière. Secundo, elle a créé une marque mondiale très forte, et cela a été accompli sur un petit marché parce que Singapour est une cité-État de 5 millions de personnes », déclare-t-il. Le PDG, qui a pris ses fonctions en 2011, ne mise pas sur une croissance organique pour augmenter ses revenus, mais a noué des partenariats capitalistiques avec d’autres compagnies aériennes. Ethiopian Airlines détient ainsi 40 % du togolais Asky Airlines et 49 % de Malawian Airlines.

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Classe moyenne

Désormais, le transporteur éthiopien entend rivaliser avec les compagnies du Golfe ou d’Europe, beaucoup ayant des vues sur l’Afrique, dont la croissance économique est la plus rapide au monde. Gerald Khoo, analyste chez Liberum Capital, à Londres, prédit que cette compétition de lignes aériennes sur le continent va s’accroître dans les années à venir, au fur et à mesure que la classe moyenne émergente dépensera davantage dans les voyages. L’État éthiopien a déjà pris les devants : il a commencé à travailler sur un projet de construction (sur huit ans) d’un aéroport à quatre pistes d’atterrissage dans les environs d’Addis-Abeba. Capacité prévue : 120 millions de passagers par an. Nul doute qu’Ethiopian Airlines saura en profiter.

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