Alternances
Nous parlerons cette semaine non pas de l’Afrique, mais du monde dans son ensemble. Et, plus précisément, de ceux et celles qui ont l’ambition de l’administrer. Vous verrez que cela revient, indirectement, à parler de l’Afrique.
Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) – dont font partie les 193 pays membres de l’ONU -, a été reconduite à la tête de l’institution le 19 février pour un deuxième mandat de cinq ans.
L’Europe, les États-Unis et la Chine l’ayant adoubée, cela a découragé toute autre candidature. Christine Lagarde avait donc l’assurance d’être « renouvelée » : on l’a expérimentée, on la connaît et on l’apprécie, c’est donc OK.
Mais, nous l’avons souligné ici même, le poste de directeur général du FMI a été occupé depuis qu’il existe – soixante-dix ans – par un Européen, le plus souvent français.
Seuls maîtres du monde lorsque le FMI a été créé, les États-Unis et l’Europe se sont partagé les rôles : aux Américains, la présidence de la Banque mondiale et, en contrepartie, la direction générale du FMI aux Européens.
Mais les temps ont changé. Il est désormais indispensable que ce poste important et prestigieux échoie à un ressortissant, homme ou femme, du reste du monde. On veut qu’il soit distingué et choisi pour ses qualités personnelles, au terme d’une élection plus transparente.
Ainsi parviendrait-on enfin à ce qu’on appelle en démocratie l’alternance.
Prenons-en notre parti : le FMI n’épousera son siècle que dans cinq ans, lorsque Christine Lagarde aura terminé son second mandat.
Ou bien un peu plus tôt, si elle veut bien, à la faveur d’une démission, libérer le poste avant la fin de son mandat…
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En ce moment même débute le processus de sélection du futur secrétaire général de l’ONU : il s’agit de remplacer le Sud-Coréen Ban Ki-moon, dont le second mandat s’achève à la fin de l’année.
Depuis qu’il existe, ce « job le plus difficile du monde » n’a été confié qu’à des hommes, au nombre de huit, choisis lors de négociations secrètes, et donc opaques, entre les cinq grandes puissances nucléaires, membres permanents du Conseil de sécurité.
On nous promet cette fois, enfin, une élection plus ouverte : le Conseil de sécurité donnera à l’Assemblée générale de l’ONU à choisir entre deux ou trois candidats au lieu « d’élire » (ou de rejeter) le seul qu’il lui propose.
On cherche une femme, mais celles qui se sont déclarées jusqu’ici sont des « seconds couteaux » : les Bulgares Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, et Kristalina Georgieva, commissaire européenne, ou l’ancienne Première ministre de Nouvelle-Zélande et actuelle administratrice du Pnud, Helen Clark.
Depuis peu, dans certains milieux, on murmure le nom d’Angela Merkel et l’on souligne que ce « gros calibre » serait le candidat idéal, car, du même coup, on rendrait justice à son pays, l’Allemagne fédérale : la sixième puissance mondiale n’est en effet ni une puissance nucléaire ni un membre permanent du Conseil de sécurité.
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Angela Merkel est le seul dirigeant politique occidental à bien connaître Vladimir Poutine et à continuer de parler avec lui (sans interprète). Ses relations avec les dirigeants chinois sont très bonnes et ses récentes prises de position, très courageuses, en faveur de l’admission par l’Europe d’un plus grand nombre de réfugiés syriens ont retenu l’attention.
On assure qu’elle ne briguera pas un quatrième mandat de chancelier, mais voudra-t-elle écourter celui qu’elle accomplit et qui ne sera pas achevé en 2016 ?
Nous saurons dans les prochains mois si Angela Merkel est intéressée par un tel couronnement de carrière.
Si elle l’était, et si elle accédait au poste, l’ONU aurait enfin à sa tête un digne successeur de Dag Hammarskjöld, qui fut (de 1953 à 1961) son plus grand secrétaire général.
La première femme à occuper la fonction le ferait non pour satisfaire un désir de parité, mais parce qu’elle en a l’envergure.
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Dans son livre La France pour la vie, dont je recommande la lecture à nos responsables, qu’ils soient de droite ou de gauche, l’ancien président français Nicolas Sarkozy écrit ceci :
« L’ONU devra aussi modifier sa gouvernance en élargissant sans tarder le nombre des membres permanents du Conseil de sécurité. Qui peut sérieusement soutenir qu’un cénacle pourrait légitimement évoquer les grandes questions mondiales sans l’Inde, sans un seul pays africain, sans une seule nation arabe, sans le Brésil, sans le Japon, sans l’Allemagne… ? C’est une question de bon sens. Le monde est devenu multipolaire. L’organisation mondiale doit l’être tout autant. II n’y a plus une ou deux superpuissances qui auraient les moyens de peser seules sur les grands équilibres de la planète. »
Angela Merkel, que Nicolas Sarkozy admire, serait tout à fait capable « d’adapter l’organisation mondiale à cette nouvelle réalité ».
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Où en est l’aide publique mondiale au développement ? L’OCDE, club des pays riches et développés, publie le chiffre de 2014 et sa répartition entre les pays donateurs ; le graphique ci-dessous en donne un aperçu.
Le montant total de cette aide a été en 2014 de 137 milliards de dollars, en hausse de 1,2 % par rapport à 2013.
Compte tenu de l’inflation, c’est la stabilité.
Le palmarès des pays donateurs n’a pas non plus beaucoup changé d’une année à l’autre.
Quatre petits pays d’Europe du Nord (Suède, Luxembourg, Norvège et Danemark) donnent plus de 0,7 % de leur revenu national, niveau prescrit il y a belle lurette par l’ONU.
Arrive ensuite le Royaume-Uni : il se classe cinquième et dépasse lui aussi la barre de 0,7 % fixée par l’ONU.
Loin derrière, et très en dessous de cette barre, l’Allemagne, la France, le Japon, l’Italie, les États-Unis et l’Espagne ferment la marche.
Le jour où ces derniers atteindront ce fameux 0,7 % du PIB et où se joindront à la liste des donateurs ceux qui auraient dû y être mais n’y sont pas encore, le montant de l’aide publique au développement dépassera les 300 milliards de dollars par an, somme jugée nécessaire par la plupart des experts.
Il y a donc lieu de leur dire : encore un effort.
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