Algérie – Cinéma : « Dans ma tête un rond-point » de Hassen Ferhani

Avec son premier long-métrage, « Dans ma tête un rond-point », Hassen Ferhani réalise un portrait sensible du pays. Et propose un film à l’esthétique soignée.

Un documentaire qui dit les espoirs et les désenchantements de la population laborieuse. © LES FILMS DE L’ATALANTE

Un documentaire qui dit les espoirs et les désenchantements de la population laborieuse. © LES FILMS DE L’ATALANTE

Renaud de Rochebrune

Publié le 23 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Si vous voulez trouver un décor propice à la réalisation de votre premier long-métrage, afin de capter à travers l’objectif de la caméra des êtres tendres et des situations poétiques, nul doute que les abattoirs de votre ville seront l’un des derniers endroits qui vous viendrait à l’esprit. C’est pourtant bien là, aux abattoirs d’Alger, « El’Batoir » comme on dit dans le quartier du Ruisseau, que le jeune documentariste Hassen Ferhani, trentenaire depuis le mois de janvier, a décidé de tourner Dans ma tête un rond-point, avec pour personnages principaux les employés du lieu. Un film qui lui a valu de recevoir quantité de prix dans la plupart des festivals ouverts aux documentaires ; à commencer par ceux, prestigieux, de Marseille (Grand Prix), de Turin (prix du meilleur documentaire international), d’Amsterdam (prix spécial du jury) et de Carthage (Tanit d’or).

Impossible de résumer ce film passionnant, qui mérite assurément le label « de création » puisqu’il n’a guère de sujet définissable voire de fil directeur. Devant la caméra errante apparaît le décor peu banal de ces abattoirs, les plus importants d’Afrique du Nord, qui permettent de « traiter » chaque jour quelque 500 bovins et dix fois plus d’ovins, où domine bien sûr la couleur rouge, celle du sang. Mais ce qui retient l’attention du réalisateur, ce sont surtout les discours des travailleurs, surtout des jeunes, qui ont accepté d’évoquer leurs espoirs ou leurs désenchantements. Cette rencontre avec la population laborieuse dresse un portrait sensible de l’Algérie.

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Un long-métrage à l’ésthétique soignée

Ayant appris que ces abattoirs devaient disparaître, Hassen Ferhani a choisi d’y réaliser, entouré en tout et pour tout d’un preneur de son, son ami Djamel Kerkar, un film à la tonalité raï, « alliant le léger et le sérieux », explique-t-il. Dans cet espace consacré à la mort, où sont suspendus des cadavres d’animaux écorchés, on ne parle jamais de viande, mais d’amour, de musique, de sport, de politique, de rêves et parfois même de Dieu ! L’on évoque tous ces chemins qu’on voudrait emprunter ou avoir empruntés pour changer d’existence, mais entre lesquels il est si difficile de choisir quand, comme le jeune Youssef, on a « dans la tête un rond-point, avec mille routes ». Tout cela sur fond d’images qui sont d’une grande beauté – malgré l’aspect peu engageant de l’activité qu’elles montrent -, évoquant souvent les œuvres des grands maîtres flamands ou des peintres impressionnistes.

Fils d’un journaliste s’occupant des pages culturelles du quotidien El Watan, Hassen Ferhani dit être venu au cinéma par hasard, à la fin de l’adolescence. C’est un tournage dans son quartier de Kouba, celui du court-métrage Cousines, du réalisateur algérien Lyes Salem, qui a décidé à l’été 2003 de son destin. Rôdant autour de l’équipe du film, il réussit à se faire embaucher comme scripte stagiaire. Il fréquente alors la bande de passionnés algérois du ciné-club Chrysalide, dont il deviendra l’un des animateurs.

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Il se fait la main avec trois courts-métrages (Les Baies d’Alger, Afric Hotel et Tarzan, Don Quichotte et nous), suit un cursus d’été à la Fémis, à Paris, et, à chaque fois que l’occasion s’en présente, participe à des tournages comme assistant réalisateur ou toute autre fonction auprès de cinéastes algériens comme Lyes Salem, bien sûr, et Malek Bensmaïl, ou de plasticiens comme Kader Attia. Avant de prendre son envol avec ce premier long-métrage. Qui augure bien d’une suite, encore mal définie, qu’on attend avec impatience.

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