Sénégal : Abdoulaye Wade est-il français ?
La polémique enfle autour de la double nationalité supposée de l’ancien président. Car, depuis 1992, la Constitution impose au chef de l’État d’être « exclusivement » sénégalais…
L’ancien président Abdoulaye Wade a-t-il commis un « parjure », voire, comme le clament certains responsables de l’Alliance pour la République (APR, au pouvoir), un acte de « haute trahison » ? Au Sénégal, depuis 1992, la Constitution fait obligation à tout candidat à l’élection présidentielle d’être « exclusivement de nationalité sénégalaise ». Pour seul gage de leur bonne foi, les impétrants doivent fournir une attestation sur l’honneur.
Wade aurait-il menti lors des scrutins présidentiels de 1993, 2000, 2007 et 2012 ? L’hypothèse fait polémique depuis les déclarations d’un avocat de son fils, début février, sur le plateau de France 24. Évoquant la plainte pour détention arbitraire déposée par Karim Wade devant la justice française, Me Seydou Diagne lâchait incidemment : « Dire que Karim Wade est français est une lapalissade. Sa mère est française ; son père lui-même a la nationalité française. »
Que Karim Wade soit à la fois sénégalais (par son père) et français (il est né à Paris d’une mère française) n’est effectivement un secret pour personne. Que cela l’empêche, en l’état, de se porter candidat à la présidentielle malgré l’investiture du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) est également une évidence. En revanche, la nationalité française d’Abdoulaye Wade n’avait jamais été évoquée auparavant. Approximation de Seydou Diagne, bluff délibéré ou secret d’État bien gardé ?
Un état civil mystérieux
Interrogé par Jeune Afrique, l’avocat préfère ne pas revenir sur la question. Du côté du PDS, le porte-parole du parti, Babacar Gaye, indique que Wade père, né à Kébémer (Nord-Ouest) avant l’indépendance mais déclaré à Saint-Louis – qui était alors, avec Dakar, Gorée et Rufisque, l’une des quatre « communes de plein exercice » du Sénégal -, fut citoyen français « de naissance » avant de se défaire de cette nationalité au moment de repasser l’agrégation « à titre étranger » – il avait échoué en tant que français en 1960. Quant au principal intéressé, il entretient le mystère, se contentant de diffuser sur internet un texte sibyllin dans lequel il disserte sur les nuances entre binationalité et double nationalité, sans toutefois clarifier son propre état civil.
Pour le ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, il est nécessaire que « le mis en cause, qui a dirigé le pays pendant douze ans, s’explique devant les Sénégalais ». L’APR entend demander la création d’une commission d’enquête parlementaire. Dans le camp présidentiel, à l’heure où Macky Sall se voit reprocher par le PDS d’être « revenu sur la parole donnée au peuple » au sujet de la réduction du mandat présidentiel, la confirmation d’un quadruple manquement de son prédécesseur serait une aubaine…
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