UE – Brexit : ce qu’il faut retenir du show de David Cameron

David Cameron souhaite le maintien de son pays au sein de l’Union européenne. Mais la majorité des membres de son parti y est opposée. La partie s’annonce serrée jusqu’au référendum du 23 juin !

Le Premier ministre britannique à Bruxelles, le 19 février. © DYLAN MARTINEZ/REUTERS

Le Premier ministre britannique à Bruxelles, le 19 février. © DYLAN MARTINEZ/REUTERS

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 2 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

Quel cirque que cette négociation de l’accord conclu le 19 février à Bruxelles par le Royaume-Uni et l’Union européenne ! Pour que David Cameron, le Premier ministre britannique, puisse appeler ses concitoyens à voter pour le maintien de son pays dans l’UE au référendum convoqué pour le 23 juin, les autres Européens ont fait semblant de lui concéder les pans de souveraineté, la limitation des droits des travailleurs migrants et les mesures contre la « bureaucratie » bruxelloise qu’il exigeait pour complaire à son électorat eurosceptique.

En réalité, la pièce était écrite de longue date. Comme prévu, les réunions nocturnes ont été interminables. Les Européens de l’Est se sont roulés par terre devant le projet des Britanniques de ne plus allouer à leurs ressortissants les mêmes prestations sociales qu’aux sujets de Sa Majesté ; et François Hollande a fait connaître sa ferme volonté de refuser à la City un traitement de faveur. En fait, la crise de l’UE était si peu préoccupante qu’Angela Merkel, la chancelière allemande, a quitté la table des négociations pour s’acheter un cornet de frites, pendant que le président français enregistrait une émission de radio…

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Virage sur l’aile pour Cameron

L’important était que Cameron, sortant exténué de trente heures de négociations, puisse proclamer : « Le Royaume-Uni ne fera jamais partie d’un super-État de l’UE et n’adoptera jamais l’euro ; nous ne participerons pas aux parties de l’Union qui ne fonctionnent pas », c’est à-dire l’euro ou l’espace Schengen. Pour conclure à l’intention de ses compatriotes que « l’Union n’est pas parfaite mais lui tourner le dos n’est pas la solution » et les appeler à voter contre le « Brexit » (contraction de Britain exit) préconisé par les souverainistes. Un virage sur l’aile.

Pour magnifier la « victoire » de Cameron, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a parlé d’un compromis « honnête », et Donald Tusk, celui du Conseil européen, l’a qualifié de « pas glamour, mais sans concession sur les valeurs fondamentales de l’Europe ».

Le quotidien The Sun ne s’y est pas trompé, qui a titré : « Qui croyez-vous abuser, M. Cameron ? » En 2013, le chef du gouvernement voulait rapatrier au Royaume-Uni certaines politiques communautaires et réformer le fonctionnement de Bruxelles. Il a seulement obtenu que les décisions de la zone euro qui risqueraient de nuire à la City soient discutées en Conseil européen et que soient allégées les formalités qui brident les PME.

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Simple confirmation du « statut spécial »

Il avait parlé d’entraver la libre circulation des travailleurs ? Il pourra tout au plus suspendre pendant quatre ans les allocations sociales des salariés immigrés (ce qu’il pouvait déjà faire) et moduler leurs allocations familiales en fonction du niveau de vie des pays où continuent de résider leurs enfants.

Le maire de Londres, qui rêve de remplacer Cameron à Downing Street, a pris la tête de la croisade antieuropéenne

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Si seize des dix-huit Parlements de l’UE contestent un projet législatif européen, ils pourront obtenir une « discussion approfondie » au Conseil. Pas de quoi parler d’un détricotage de l’Europe. Ce n’est que la confirmation du « statut spécial » dont Londres jouit de longue date.

« En contrepartie de cette confirmation, les Britanniques ne peuvent plus bloquer les pays désireux d’intégrer la zone euro, explique Pascal Lamy, président d’honneur de l’Institut Jacques-Delors. Il s’agit donc d’un accord équilibré qui confirme que l’Europe est à géométrie variable. Le problème est qu’il n’élimine en rien le risque d’un Brexit lors du référendum, car on ne peut pas dire que Cameron ait jusqu’à présent beaucoup défendu l’Union. »

Pour ce dernier, la partie s’annonce délicate. La majorité des élus et des membres de son parti conservateur est favorable à une sortie de l’UE. Cinq de ses ministres, dont Michael Gove, celui de la Justice, appellent à voter « out ». Et Boris Johnson, le populaire maire de Londres, qui rêve de remplacer Cameron à Downing Street, a pris la tête de la croisade antieuropéenne.

Pour faire voter « in », le Premier ministre pourra compter sur les travaillistes, les libéraux-démocrates, les indépendantistes écossais du SNP et la majorité des grandes entreprises. S’il veut éviter le séisme politique et économique d’un Brexit, il lui faudra mener une campagne convaincante et inhabituellement europhile, car pour l’instant les sondages ne donnent qu’une courte avance aux partisans du maintien dans l’UE, le nombre des indécis oscillant entre 15 % et 20 % des personnes interrogées. Bref, rien n’est joué.

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