Madagascar : Andry Rajoelina, parti pour mieux revenir ?

Depuis qu’il a remis les clés du palais d’Iavoloha à Hery Rajaonarimampianina, l’ancien président de la transition ne fait que de courts séjours sur la Grande Île. Il est loin d’en être déconnecté pour autant.

Andry Rajoelina a investi la présidence de Madagascar de mars 2009 à janvier 2014. © Ulrich Leboeuf / MYOP

Andry Rajoelina a investi la présidence de Madagascar de mars 2009 à janvier 2014. © Ulrich Leboeuf / MYOP

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Publié le 18 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

Il est en France. « Chez lui », disent ses détracteurs pour rappeler sa double nationalité et ses « origines étrangères ». L’ex-président de la transition Andry Rajoelina vit en effet entre Paris et une ville proche de la frontière suisse, où il réside avec sa femme et ses enfants.

Son absence au palais présidentiel d’Iavoloha le 8 janvier, lors de la cérémonie des vœux du chef de l’État, Hery Rajaonarimampianina, a été très remarquée. Tout le monde était là. Même Marc Ravalomanana a fait une apparition. Andry Rajoelina a eu beau prévenir le protocole qu’il lui était « impossible d’honorer l’invitation pour cause d’absence du pays », personne n’a été dupe.

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On le dit « amer », « trahi », « lâché » de toutes parts. Par la communauté internationale d’abord, qui l’empêcha de se présenter à la présidentielle de décembre 2013, et surtout par « Hery », son ancien ministre des Finances, élu « à sa place » et qui refusa ensuite de se voir imposer son Premier ministre par le Mapar (la coalition de Rajoelina, qui était majoritaire à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives couplées), « comme à l’époque soviétique lorsqu’il y avait un parti unique », ironise aujourd’hui Rivo Rakotovao, ministre d’État et président du parti présidentiel, le HVM (Force nouvelle pour Madagascar), créé en 2015.

Loin du pouvoir

« Andry a été dégoûté par la trahison de Hery Rajaonarimampianina », estime pour sa part Paul Bert Rahasimanana, dit Rossy, député du Mapar et célèbre chanteur rasta, qui vécut en exil durant toute la période Ravalomanana (mai 2002-mars 2009). « C’est lui qui a porté la candidature de Hery à la présidentielle de 2013, poursuit le musicien. Il a même payé de sa poche pour s’assurer qu’il ne manquait de rien, par exemple quand il devait rejoindre telle ou telle région par hélicoptère. Andry faisait même venir les artistes pour le soutenir. »

Lors des séjours d’« Andry » au pays, il reçoit régulièrement des chefs d’entreprise pour de petits repas politiques

Député réputé « très à gauche et anticolonialiste », Rossy n’a hérité d’aucun poste ministériel (« Ça ne m’intéresse pas ! » rétorque-t-il). L’an dernier, il a été l’un des plus virulents meneurs de la fronde parlementaire contre Rajaonarimampianina. Et le chef de l’État a failli trébucher sur la procédure de destitution pour « violation grave et répétée de la Constitution » adoptée fin mai 2015 par une écrasante majorité de députés (121 voix contre 4, sur 151 élus). Mais elle fut rejetée par la Haute Cour constitutionnelle le mois suivant.

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Tout seul ?

Depuis, les cieux sont devenus plus cléments pour le président. Faute de directives – Andry Rajoelina ayant préféré garder le silence -, certains élus du Mapar soutiennent désormais le gouvernement. Et le HVM a remporté coup sur coup les communales de juillet et les sénatoriales de décembre 2015. « Quand il n’y a plus de capitaine pour diriger le bateau, les matelots quittent le navire. Après, il ne reste plus que les souris ! » s’amuse un ancien militant pro-Rajoelina.

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Certains enfoncent le clou et reprochent à l’ex-président, qui était le plus jeune de l’histoire malgache (il n’a aujourd’hui que 41 ans), « ses colères infantiles », pour ne reprendre que les termes du ministre du Travail, Jean de Dieu Maharante, l’un des « traîtres » au Mapar. En somme, « plus Hery est entouré, plus Rajoelina est seul », commente Benjamina Ramarcel Ramantsoa, l’actuel ministre de l’Emploi, ex-pro-Ratsiraka.

Seul ? Pas tant que ça. Lors des séjours d’« Andry » au pays, tous les journalistes d’Antananarivo rivalisent d’imagination pour tenter de lui soutirer quelques mots dès son arrivée à l’aéroport d’Ivato, comme ce fut le cas mi-janvier. Au moindre mouvement, les paparazzis locaux font le pied de grue devant le siège de sa radiotélévision (Viva), aux abords de sa résidence d’Ambatobe, à Tana, et de sa villa d’Ambohimangakely, au nord de la capitale, où, avec de proches conseillers et élus du Mapar, il reçoit régulièrement des chefs d’entreprise pour de petits repas politiques.

Comeback

« Il prépare une large coalition, faite de gens de la société civile, une équipe de techniciens, de têtes pensantes apolitiques », explique Mishou Randimbiarison, l’une de ses nouvelles porte-parole, qui n’a elle-même pas de mandat politique et dirige une agence de voyages. Très proche de la famille, c’est elle qui distille avec parcimonie les nouvelles de Rajoelina, un « homme blessé, qui préfère aujourd’hui garder le silence », confie-t-elle. Face aux attaques sur sa jeunesse ou son manque de formation intellectuelle, l’ancien « DJ », comme certains le surnomment encore, a préféré prendre de la hauteur. En France, il suit des cours de diplomatie et de sciences politiques en formation continue.

« J’espère qu’il se présentera la prochaine fois. Il a été maire de Tana, puis président de la transition, c’est un homme utile à Madagascar », reconnaît Saraha Georget Rabeharisoa, candidate du Parti vert à la dernière présidentielle. Comme quoi, rien n’est perdu pour ce chef d’entreprise libéral admiratif du modèle anglo-saxon et capable de s’entourer de gens de tous horizons politiques. Reste qu’il trouvera sur sa route un ennemi de taille : Marc Ravalomanana. L’ancien chef de l’État est déjà sur orbite pour la présidentielle de 2018 et espère bien prendre sa revanche sur le jeune « putschiste » qui l’a renversé en 2009.

Parmi ses principaux relais à Tana :

Augustin Andriamananoro, vice-président du Mapar (Miaraka Amin’i Prezida Andry Rajoelina, qui signifie « Avec le président Andry Rajoelina »), sa coalition, dont il est le représentant à Tana.

Christine Razanamahasoa, magistrate, députée et coordonnatrice du Mapar.

Le colonel Lylison René de Rolland Urbain, ex-directeur de la Force d’intervention spéciale (FIS) pendant la transition, élu sénateur sous les couleurs du Mapar en décembre 2015.

Jean Brunel Razafindrahofa, député du Mapar, ancien responsable de la police de l’air des frontières (PAF), surnommé « le commissaire ».

Paul Bert Rahasimanana, dit Rossy, député du Mapar, élu des quartiers populaires de Tana et ami de longue date de Rajoelina (depuis l’époque où ce dernier organisait des concerts).

Pierre Houlder, journaliste, porte-parole du Mapar.

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