Cinéma – « Little Go Girls » : Eliane Latour donne la parole à ces Ivoiriennes que personne ne veut aider

Elles s’appellent Chata, Mahi, Bijou, Blancho, Tata ou Kanté. Et sont les « go » filmées par Éliane de Latour.

Dans un quartier populaire d’Abidjan. © JHR FILMS

Dans un quartier populaire d’Abidjan. © JHR FILMS

Renaud de Rochebrune

Publié le 7 mars 2016 Lecture : 2 minutes.

Des « filles fraîches », comme on les surnomme aussi à Abidjan, qui ont quitté à peine pubères leurs familles maltraitantes ou des régions en guerre pour survivre dans les ghettos d’Abidjan. Là où, au milieu des décharges, elles dorment, parfois avec un enfant, tombent dans la délinquance et font commerce de leur corps pour des sommes dérisoires (1,50 euro la passe !). C’est leur histoire mais aussi celle de leur rencontre avec l’anthropologue et auteure de nombreux textes et documentaires sur des exclus en Afrique et en Europe, que raconte l’étonnant Little Go Girls.

En 2009, la chercheuse, visitant un ghetto à la périphérie d’Abidjan, voit son regard attiré par une de ces go. Par réflexe, elle sort son appareil photo et constate que son initiative est appréciée par cette laissée-pour-compte, qui prend tout de suite la pose. Le lendemain, elle lui montre des tirages des clichés qui font apparaître son évidente beauté que ne réussit pas à cacher sa vie misérable. Les autres filles réclament elles aussi des portraits. Ces parias, que personne, pas même les ONG, ne veut aider tant est établie leur mauvaise réputation de filles sales, droguées, violentes et en fin de compte irrécupérables, apprécient qu’on les traite enfin comme de jolies jeunes femmes et qu’ainsi on les réhumanise.

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Avec leur accord, Éliane de Latour va organiser deux expositions de ses clichés à Paris. Cela lui permet de réunir une certaine somme, grâce à laquelle elle louera à Abidjan un appartement afin de créer un lieu de vie, la Casa, qui permettra à celles qui le désirent de « sortir du darkness ». De retrouver une identité – au sens figuré mais aussi au sens propre puisqu’elles sont sans papiers -, d’apprendre à lire et à écrire et, en fin de compte, de tenter de changer totalement d’existence.

Filmés sans pathos ni compassion excessive mais avec respect, ces beaux et puissants personnages illuminent ce passionnant documentaire peu bavard et à l’esthétique soignée qui ne saurait laisser indemnes ses spectateurs. Le meilleur du cinéma engagé.

Little Go Girls, d’Éliane de Latour (sortie en France le 9 mars)

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