Congo-Brazzaville : carnets de campagne présidentielle

De meeting en meeting, ambiance à quelques jours du premier tour.

Image175225.jpg © TRÉSOR KIBANGULA POUR J.A.

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Publié le 19 mars 2016 Lecture : 5 minutes.

D’Impfondo à Pointe-Noire, le Congo retient son souffle. Le 20 mars, le pays s’apprête à élire le président de sa nouvelle République. Suivant la banderole derrière laquelle on se trouve, le match s’annonce soit gagné d’avance – par « un coup KO » bien entendu, comme le scandent les partisans du président sortant Denis Sassou Nguesso (DSN) -, soit ouvert aux « prolongations », entendez un incontournable second tour.

Cette dernière hypothèse est défendue mordicus par le Frocad-IDC [Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique – Initiative pour la démocratie au Congo], principale coalition de l’opposition congolaise, qui a aligné quatre candidats (Pascal Tsaty Mabiala, Claudine Munari, André Okombi Salissa, Guy Brice Parfait Kolélas) et soutient également le général Jean-Marie Michel Mokoko.

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« C’est la stratégie d’encerclement basée sur les fiefs », commente Guy-Romain Kinfounsia, porte-parole du Frocad-IDC. « Nous avons placé Kolélas dans le Pool et à Brazzaville, Munari et Tsaty Mabiala dans les pays du Niari, Mokoko dans le Nord et Salissa Okombi dans le département des Plateaux. La somme des pourcentages qu’ils vont recueillir dans leurs terroirs sera telle que Denis Sassou Nguesso ne pourra remporter le scrutin au premier tour », jure-t-il, gribouillant quelques schémas sur une feuille blanche.

Alternance

« Pièce maîtresse du dispositif » mis en place par l’opposition, Guy Brice Parfait Kolélas. Il est le premier à être entré en piste, au lendemain du lancement officiel de la campagne électorale, le 4 mars. Date qui coïncide avec la commémoration de la série d’explosions d’un dépôt d’armes dans la caserne de blindés à Mpila en 2012.

Le fils de l’ancien Premier ministre a choisi ce jour-là le Bacongo, un arrondissement du sud de la capitale congolaise, pour tenir son premier meeting. Malgré la pluie, le petit stade du quartier Hungos est bondé. Des chants en lari fusent de partout. « C’est notre Moïse ! C’est notre libérateur ! » crient des jeunes, hissés sur les trois gros camions qui les ont amenés sur les lieux. Chemise blanche, petites lunettes, bâtonnet à la main, Kolélas fils harangue la foule tel un gourou, promet « le RSA » (revenu de solidarité active) aux jeunes diplômés, aux seniors et aux chômeurs. S’engage à redécouper le territoire national en quatre régions. L’homme est applaudi à chaque promesse.

On a beau le contester, DSN démontre son statut de rassembleur

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Presque au même moment, plus au sud, à Pointe-Noire. Sassou Nguesso entre lui aussi en scène. La machine du Parti congolais du travail (PCT), au pouvoir, n’a pas lésiné sur les moyens. Tee-shirts blancs à l’effigie de son champion, affiches grandeur nature, écrans géants, parachutistes dans les airs… Le président sortant sait que ce terrain sera très disputé.

« En fin stratège, il a évité de lancer sa campagne dans le Nord, son fief, pour se placer au-dessus des clivages ethniques et rassembler largement autour de lui », confie une source diplomatique à Brazzaville. « Quelques mois avant la présidentielle, il a nommé Jean-Marc Thystère-Tchicaya ministre des Hydrocarbures. Le père de ce dernier, décédé en 2008, était président de l’Assemblée nationale et incontournable à Mvoumvou, deuxième circonscription de la capitale économique. Le retour d’ascenseur le jour du scrutin s’annonce plus qu’évident », ajoute cette source.

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« On a beau le contester, DSN démontre tous les jours son statut de rassembleur. Dans un pays marqué par des considérations ethniques, il a travaillé avec Guy Brice Parfait Kolélas, André Okombi Salissa ou Claudine Munari… Tous candidats de l’opposition aujourd’hui », rappelle de son côté Serge Michel Odzoki, porte-parole du PCT. À l’exception de Munari, qui fut directrice de cabinet de l’ancien président Pascal Lissouba avant de rejoindre le gouvernement de DSN, les deux autres sont de « purs produits de Sassou », reconnaît un cadre du Frocad.

Dissensions

Le divorce s’affiche au grand jour lorsque le président décide de changer la Constitution – promulguée en novembre 2015. Les trois ministres s’y opposent et sont éjectés du gouvernement. Munari rejoint le Frocad tandis que Kolélas et Okombi forment l’Initiative pour la démocratie au Congo (IDC).

Après des tractations internes, les deux plateformes choisissent de défier Sassou Nguesso lors de la présidentielle anticipée du 20 mars, alors qu’elles avaient appelé au boycott du référendum constitutionnel organisé quelques mois plus tôt. Une situation embarrassante qui a entraîné quelques départs, notamment celui de Mathias Dzon, l’un des leaders de la coalition, qui refuse toute participation de l’opposition au scrutin organisé sous la nouvelle Constitution.

La guerre fratricide que se livrent les chefs interdit tout compromis

Se pose alors le difficile choix des candidats de la coalition Frocad-IDC, conduite par Charles Bowao, ancien ministre de la Défense. La guerre fratricide que se livrent les chefs interdit tout compromis : l’IDC, incapable de départager ses leaders, les aligne tous. Tsaty Mabiala, de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads), ne parvient pas non plus à s’imposer comme l’unique candidat du Frocad, qu’il dirige.

« Il n’était pas question de le laisser grappiller seul des voix dans les trois plus grands départements du Sud [le Niari, la Bouenza et la Lékoumou], ancien fief électoral de Lissouba. Nous avons donc poussé Munari à se présenter également pour capter les électeurs babembés hostiles à Tsaty Mabiala », explique un membre de la coordination. Il faut dire que l’Upads est également soupçonnée par ses alliés de « jouer le jeu du pouvoir ». Ce que ses cadres ont toujours nié. « Nous sommes plutôt un parti républicain », soutient Honoré Sayi, le porte-parole de l’Union.

Tous contre un

Depuis son bureau climatisé, avenue Charles-de-Gaulle, dans le centre de Brazzaville, le député de Sibiti, Joseph Kignoumbi Kia MBoungou, ancien cadre du parti de Lissouba, observe de loin ces tiraillements.

Pour la troisième fois d’affilée (il est arrivé deuxième en 2002 et en 2009), il se présente à la présidentielle contre DSN. Un opposant qui n’hésite pourtant pas à se faire prendre en photo, tout sourire, aux côtés du président sortant.

Au Frocad-IDC, Kignoumbi passe forcément, avec les deux autres candidats, Angios Nganguia Engambé et Michel Mboussi Ngouari, pour le « traître », et le « faire-valoir » du PCT. Des « accusations sans fondement », que rejette d’un revers de main le deuxième secrétaire de l’Assemblée nationale.

« S’ils voulaient vraiment remporter ce scrutin, ils ne se présenteraient pas tous contre Sassou Nguesso », tacle-t-il, insinuant que les candidatures multiples, « en émiettant les voix de l’opposition, font le jeu du président sortant ». À le croire, le Frocad-IDC se trompe de stratégie. Vraiment ?

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